En se fiant à l’allure du premier week-end de Coupe du monde de patinage de vitesse sur courte piste de la saison, il aurait été presque impensable d’imaginer quatre patineurs canadiens, bras dessus bras dessous, affichant un large sourire et traînant une médaille d’or à leur cou. Mais c’est pourtant ce qui est arrivé.

Pascal Dion, Jordan Pierre-Gilles, Steven Dubois et William Dandjinou, dans l’ordre de gauche à droite, se sont présentés dans la zone mixte réservée aux médias avec le sentiment du devoir accompli, dimanche, à l’aréna Maurice-Richard de Montréal.

Le quatuor canadien venait non seulement de remporter la médaille la plus prestigieuse au relais 5000 m, mais surtout de clôturer une fin de semaine de compétition en dents de scie.

« Je ne pense pas qu’on peut dire que c’est un week-end en dents de scie, parce que globalement, en tant qu’équipe, on a bien fait », a cependant affirmé Dandjinou, gagnant du bronze au 1000 m plus tôt dans la journée.

Toutefois, les chiffres ne mentent pas. Le Canada avait gagné une seule médaille la veille. Puis dimanche, il en a ajouté quatre. Si certains vétérans ont obtenu des résultats décevants, ou irréguliers, dès les rondes préliminaires, les plus jeunes patineurs, comme Dandjinou et Félix Roussel, ont pris le relais.

Les vétérans Dion, Pierre-Gilles et Dubois ont néanmoins su briller aux bons moments. Les Canadiens sont les meilleurs au relais depuis deux ans, parole de Pierre-Gilles, et ils ont repris là où ils avaient laissé l’année dernière lors de l’ultime épreuve du programme de dimanche.

PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE

Jordan Pierre-Gilles (22)

L’unifolié a devancé la Corée et le Japon pour l’or dans une bataille de tous les instants. « C’est ça qui vient mélanger les autres équipes, on est tellement versatiles », soutient Dubois.

Et si ce dernier a pu assurer l’avance du Canada avec cinq tours à faire, c’est grâce à une poussée magistrale de Dandjinou. « Steven est assez léger à pousser », lance l’athlète de 22 ans en regardant Dubois, qui lui concède presque un pied.

Mais ce relais, il a été déterminant pour la suite des choses, rappelle Dandjinou plus sérieusement : « Je savais que si Steven était en bonne position, à ce moment-là, c’était vraiment avantageux pour notre équipe. Ce sont des gars qui sont habitués d’être dans cette position-là. Mon but était de le mettre dans une position favorable. »

En se relevant ainsi au bout d’un week-end plus compliqué dans les épreuves individuelles, l’équipe en noir et rouge lance un message clair, croit Pierre-Gilles : « Le message est lancé depuis un bout et on a mis du poids dessus aujourd’hui. »

Triomphe féminin

Mais si les Canadiens ont été si performants, c’est sans doute parce qu’ils ont été soufflés par la performance de leurs coéquipières quelques instants auparavant.

Gagnantes de la médaille d’argent l’année dernière à Montréal au relais 3000 m, les Canadiennes ont tenu bon jusqu’à la toute fin, cette fois-ci, pour remporter l’or.

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L’équipe féminine canadienne du relais 3000 m a remporté la médaille d’or.

L’identité de l’équipe gagnante a dû être officialisée par la photo d’arrivée. Mais Danaé Blais a levé les bras immédiatement lorsqu’elle a franchi la ligne d’arrivée devant sa rivale américaine, sûre d’avoir glissé son patin avant le sien. « Je m’en doutais, mais je pense que j’ai célébré un peu trop tôt. Il faut faire attention, parce que parfois, on peut se faire avoir à la ligne. »

Ses doutes se sont dissipés lorsque le dynamique annonceur maison a dévoilé les résultats finaux. Cette médaille aura été la seule remportée par le volet féminin de l’équipe nationale canadienne en deux jours de compétition. « Je trouve ça beau aussi de voir comment on peut mettre de côté nos mauvaises courses pour se rassembler pour le relais et donner notre meilleur. C’est une de nos forces en tant qu’équipe », a ajouté la Québécoise.

Courtney Sarault, de son côté, était capable d’entrevoir le positif malgré un rendement décevant. Le plus beau projet du programme de courte piste canadien n’a pu faire mieux qu’une quatrième place au 1000 m.

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Courtney Sarault (2)

Cette première Coupe du monde s’est avérée en deçà des attentes, elle l’a reconnu d’entrée de jeu dans son point de presse. « Je ne dirais pas que c’est ma meilleure compétition de tous les temps. Je ne me sens pas à point physiquement présentement. »

Elle affirme toutefois acquérir beaucoup de confiance dans ce genre de réussite collective, car peu importe la manière et le contexte dans lequel elle a été gagnée, une médaille est souvent le meilleur remède pour combattre un moral abîmé.

« Le fait que nous fassions déjà aussi bien en début de saison nous donne beaucoup de confiance pour la suite. Quand nous aurons pratiqué davantage et fait plus de courses, ce ne sera que meilleur. Nous avons déjà l’or : imaginez ce que ce sera ! »

Deux Québécois sur le podium

La première médaille de la journée dans le camp canadien a été acquise de brillante façon lors de l’épreuve du 500 m par Félix Roussel.

Le patineur de 22 ans a remporté sa deuxième médaille individuelle en carrière en tenant bon tout du long. Rarement embêté et en parfait contrôle de la situation, le Sherbrookois a terminé seulement 20 centièmes de seconde derrière le champion olympique Shaoang Liu.

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Félix Roussel (à gauche)

« Je pouvais difficilement faire mieux », a-t-il dit en refusant de cacher son sourire.

Roussel a été incapable d’attaquer le Chinois à la toute fin en raison d’un problème de lames, mais dans les circonstances, il pourra dormir la tête tranquille. Avec une médaille lors de la première étape de la saison, il a fait ce qu’il avait à faire. « En finale, tout peut arriver. J’étais en bonne position et je me suis juste dit d’avoir du plaisir. C’est ma mentalité. »

Avec son coéquipier Dandjinou, « on se l’est dit : on va chercher notre médaille, et je pense que ça l’a motivé aussi de me voir performer », raconte Roussel.

Et quelques instants plus tard, Dandjinou remportait effectivement le bronze sur 1000 m. Le champion canadien sur la distance pouvait croquer dans sa première médaille individuelle en carrière.

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William Dandjinou

« Devant ma famille, c’est incroyable. J’aurais aimé leur donner une médaille d’une couleur un peu plus brillante, mais je vais mettre ça dans mon bagage », a-t-il souligné.

Après une très bonne course en demi-finale, le Sherbrookois avait les jambes et la confiance nécessaires pour soulever la foule et mettre la table pour les relais.

Et comme le veut la proverbiale expression, le reste, c’est de l’histoire.

Le Canada conclut donc ce week-end avec cinq médailles, une de moins que l’an passé à cette même étape montréalaise en ouverture de saison, mais parole de Félix Roussel : « Il n’y a pas trop de pression, on se reprendra la semaine prochaine ! »