Ivanie Blondin arrive presque au bout de sa route, à 33 ans. Plus le temps passe, moins elle souhaite avoir de regrets. C’est pourquoi elle revient à ses premières amours, le patinage de vitesse sur courte piste, 13 ans plus tard.

Blondin était arrivée la veille de Calgary lorsque La Presse l’a rencontrée, mercredi matin, tout juste après son entraînement matinal sur l’anneau de l’aréna Maurice-Richard. En bordure de la patinoire, elle discutait avec son entraîneuse Elizabeth Ward, bouteille d’eau à la main.

Si l’Ottavienne est de passage à Montréal, c’est parce qu’elle participera en fin de semaine aux essais canadiens sur courte piste. Habituée de patiner sur longue piste dans l’Ouest canadien, Blondin tente un retour dans le monde du courte piste.

« Au début, je prenais ça avec un grain de sel », dit-elle. Dans les dernières semaines, Blondin avait laissé planer le doute concernant un éventuel retour en publiant certaines photos sur ses médias sociaux. Comme si elle avait besoin de se convaincre en lançant ses images dans l’univers. En réalité, elle-même était incertaine de sa destinée.

Comme si en l’annonçant, elle pouvait enfin aller de l’avant. « Je ne savais pas quoi faire. Je n’avais aucune idée qu’il fallait que j’entre dans des temps de référence, je ne savais pas comment les essais allaient fonctionner. En ce moment, sur la glace, je suis encore en train d’apprendre », laisse-t-elle entendre une fois dans l’un des couloirs de l’édifice.

Elle affirme avoir développé une belle relation avec Marc Gagnon, aujourd’hui entraîneur de l’équipe canadienne. « J’ai vraiment cliqué avec Marc. »

Suffisamment pour se faire taquiner par le triple champion olympique. « Chaque fois qu’on se croisait, il niaisait un petit peu. Il me disait que la porte était toujours ouverte si je voulais venir en courte piste. C’était devenu un running-gag, mais je pense qu’il y avait de la vérité derrière ça. »

Cet acharnement aura eu son effet. Blondin est officiellement de retour sur courte piste pour la première fois depuis 2010, après avoir atteint les normes nationales à Calgary.

Un sport différent

« La tactique, les règles, l’équipement et la technique », répond l’entraîneuse Elizabeth Ward lorsqu’on lui demande ce qui diffère entre le patinage de longue et de courte piste. En fin de compte, ce sont deux disciplines distinctes. Comme le ski alpin et le ski de fond, même si en fin de compte, ces sports partent de la même base.

La patineuse devra également réapprendre à gérer ses courses. En longue piste, dans les départs groupés, c’est un peu le Far West. « Il n’y a pas de règles », tranche Blondin.

PHOTO YAN DOUBLET, ARCHIVES LE SOLEIL

« Je suis habituée à vraiment jouer du coude, parfois je pogne des filles et je les garroche ! Ça ne passera pas en courte piste. Mes habitudes, je ne peux pas les transférer en courte piste, parce que je vais me faire expulser de l’aréna ! », pousse-t-elle avant d’éclater de rire.

« Je suis habituée à vraiment jouer du coude, parfois je pogne des filles et je les garroche ! Ça ne passera pas en courte piste. Mes habitudes, je ne peux pas les transférer en courte piste, parce que je vais me faire expulser de l’aréna ! », pousse-t-elle avant d’éclater de rire.

Il reste qu’il s’agira d’une réelle adaptation, même si aux yeux des néophytes, elle ne fait que changer de piste. Si elle le fait, toutefois, et qu’elle a accordé plusieurs entrevues dans les derniers jours, ce n’est pas nécessairement pour être mise en lumière à tout prix, c’est pour elle.

« Je n’ai rien à perdre en ce moment. J’ai déjà mes médailles. Et j’aime être sous-estimée. Je suis motivée par ça. […] Je n’ai rien à prouver à personne. C’est pour moi », poursuit la double médaillée olympique.

Retour en longue piste

Ivanie Blondin n’abandonne pas le longue piste pour autant. Championne du monde en titre à la poursuite par équipe et vice-championne au départ groupé, elle continue de mettre l’accent sur la discipline l’ayant rendu célèbre.

Les trois quarts de ses entraînements sont consacrés à sa discipline de prédilection. L’autre quart, en courte piste, « c’est surtout pour la technique ».

À ses débuts, Blondin était incapable de tourner en raison des lames plus longues et des murets plus rapprochés.

« Je dirais que j’ai fait une vingtaine d’entraînements en courte piste », précise-t-elle avant de se faire reprendre par son entraîneuse : « Probablement moins. »

Elle n’a pas d’objectif précis pour les prochains essais. « En ce moment, j’y vais comme ça vient et on verra où ça va me mener. »

Si ça ne fonctionne pas, ça ne fonctionne pas et je retourne en longue piste à 100 %. Là, je veux le faire pour une année au complet et voir jusqu’où je peux aller.

Ivanie Blondin

La Canadienne aimerait être en mesure de se qualifier pour des Coupes du monde l’année prochaine. Parce que cette saison, « les chances sont très, très, très petites ». Elle voudrait néanmoins vivre les prochains Jeux olympiques, en 2026, en patinant dans les deux disciplines. Ce que peu de patineurs ont fait.

Et comme si ce n’était pas suffisant, elle envisage aussi une carrière en cyclisme. Blondin a déjà participé aux Championnats canadiens sur route en 2022. Comme Clara Hughes, elle rêverait de prendre part aux Jeux d’été et d’hiver dans le même cycle.

« J’ai commencé à parler avec Cyclisme Canada, même si c’est prématuré, pour essayer de me qualifier pour la poursuite par équipe sur la piste pour les Jeux l’été prochain. Je sais que la fin de ma carrière approche. Je suis fière de ce que j’ai fait dans le passé, mais j’ai besoin de motivation. »

Cette motivation sera assurément quintuplée si elle réussit à se tailler un poste au sein de l’équipe nationale de courte piste en fin de semaine. Mais au moins, elle se laisse du temps, même s’il est compté. Elle a couché le sablier momentanément en attendant de voir de quoi sera fait son avenir.