Ils reviennent du Japon sans regret.

Les patineurs artistiques Laurence Fournier Beaudry et Nikolaj Sorensen ont vécu une saison haute en couleur, jamais en demi-teinte. C’était pour eux la saison de tous les possibles et ils l’ont terminée au sommet de leur art, aux Championnats du monde, avec un tableau digne des plus grands artistes.

Elle était vêtue d’une jupe noire scindée pour mettre en évidence sa jambe gauche. Un tissu mince et fleuri à manches longues pour couvrir le buste et les cheveux en chignon. Lui portait une chemise blanche et ample sur laquelle les boutons étaient pris entre deux longues lignes noires, pour rappeler la couleur du pantalon.

Comme dans un film, ils sont passés de l’ombre à la lumière lorsque les rideaux séparant le couloir donnant accès au vestiaire et aux escaliers ont été tirés. De la concentration à l’euphorie. Du calme à l’engouement. De la solitude à l’extase.

En montant les escaliers menant à la surface gelée, il y avait dans leur tête leur routine, leurs enchaînements et le désir de redescendre ces marches en ayant le sentiment d’avoir tout laissé sur la glace. Il y avait aussi les flashs de caméra et le bruit provoqué par les 18 000 personnes réunies dans l’enceinte du Saitama Super Arena. Il existe peu d’endroits où les Championnats du monde de patinage artistique attirent autant d’amateurs.

« La tonne de gens qu’il y avait, c’était wow. Ça créait vraiment de l’émotion avant d’embarquer sur la glace », se souvient Fournier Beaudry, lors d’une rencontre au Complexe sportif Claude-Robillard, à Montréal, trois jours après leur retour.

Le patinage artistique, au Japon, c’est un des plus gros sports. Les gens qui regardent ça, ils aiment ça. Presque plus que nous qui le faisons !

Nikolaj Sorensen

Ils ont exécuté un programme presque sans faille. Ils étaient au zénith. Leur dernière performance du programme libre leur a valu 128,45 points. Leur meilleure marque de la saison. Lorsqu’ils ont reçu le résultat, Sorensen a regardé par terre, par soulagement. Fournier Beaudry a tapé au sol avec ses patins, par satisfaction. Ça s’est fini par un baiser.

Ils ont finalement terminé au cinquième rang.

Le sentiment du devoir accompli

« On est vraiment, vraiment, vraiment très contents et fiers de notre performance », a affirmé le patineur canado-danois, trois fois plutôt qu’une.

Sorensen est fier d’avoir exécuté avec souci et détails la performance sur laquelle ils avaient travaillé pendant toute la saison sur la scène la plus imposante au monde. Ces Mondiaux sont la preuve, selon lui, d’une nette amélioration : « On a vraiment sauté quatre ou cinq marches. Et quand tu finis ta saison aux Championnats du monde avec tes deux meilleures performances de la saison, ça fait vraiment du bien, c’est immense. »

L’année dernière, aux Mondiaux, ils avaient pris le neuvième rang. Bondir de quatre positions dans un sport où il est extrêmement difficile de progresser est donc un exploit en soi. Toutefois, « on espérait mieux. On espérait un podium », confie Sorensen.

« Notre but cette saison était de faire un podium aux Championnats du monde », complète Fournier Beaudry.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Laurence Fournier Beaudry et Nikolaj Sorensen

Dans un long entretien en janvier, Sorensen, 34 ans, et Fournier Beaudry, 30 ans, avaient révélé à La Presse avoir pensé à tout arrêter pendant l’entre-saison. S’ils sont revenus, c’est pour gagner. Pas pour jouer les figurants.

Toute la saison, ils ont comblé leurs propres attentes en matière de résultats. Ils ont été couronnés champions canadiens. Ils ont terminé deuxièmes au Championnat des Quatre Continents. Puis, ils ont gagné le Grand Prix de Sapporo, au Japon. Leur résultat en clôture de saison les a quelque peu déçus, mais il est impossible pour eux de regretter quoi que ce soit.

On était super contents. […] Le plaisir qu’on a eu aussi à le faire. Dans certaines performances, tu es plus dans ta tête, mais là, on a vraiment connecté avec le public.

Laurence Fournier Beaudry

« Quand tu laisses tout ce que tu as sur la glace, que tu ne peux rien faire de mieux, c’est comme si on avait gagné », rappelle quant à lui Sorensen.

Les prochains Mondiaux auront lieu à Montréal, en 2024. Même si leur saison est terminée, les patineurs retourneront à la planche à dessin dans les prochains jours. D’une part pour choisir la musique en vue de la prochaine campagne, ensuite pour mettre en place le programme qui leur permettra, espèrent-ils, de réaliser leur grand rêve : devenir champions du monde. Après les émotions des derniers mois, le duo croit être sur la bonne voie.

« Notre but est toujours de gagner. Notre saison nous prouve que le travail qu’on a fait jusqu’à maintenant, ça fonctionne », conclut Fournier Beaudry.