L’ancien quartier ouvrier de Saint-Henri renferme l’un des plus beaux bijoux sportifs de la planète. Les meilleurs patineurs artistiques au monde s’y donnent rendez-vous. Comme si les différences entre nations n’existaient plus parce qu’elles s’unissent sous le drapeau de l’excellence.

Le sud-ouest de Montréal a mis au monde des générations de travailleurs et de gens dévoués capables de rendre l’ordinaire extraordinaire. L’Académie de glace de Montréal ( I.AM) a jeté ses bases au Complexe récréatif Gadbois. C’est par là que sont passés notamment Scott Moir et Tessa Virtue. Depuis 2010, Patrice Lauzon, Marie-France Dubreuil et Romain Haguenauer y font des miracles.

Deux séances d’entrevues ont été organisées avec les patineurs québécois pour discuter de leur fulgurant début de saison. En les attendant dans les gradins, des athlètes défilent avec des manteaux de différentes nations. Des Français rigolent avec les Canadiens. Des Américains lacent leurs patins en bordure de la patinoire. Des Chinois font leurs étirements sur la passerelle.

L’entraînement commence et Ginette Cournoyer filme les patineurs avec sa tablette électronique du banc des joueurs.

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Ginette Cournoyer, coach de ballroom

On entraîne des athlètes d’une vingtaine de nations. C’est parce que c’est ici qu’il y a les meilleurs coachs.

Ginette Cournoyer, coach de ballroom, lorsqu’interrogée sur le nombre de patineurs étrangers

Cournoyer fait une pause et se dirige vers la deuxième glace. Elle y pointe des Australiens, des Japonais et des Ukrainiens. « La compagnie, c’est comme une famille. Il n’y a pas vraiment de concurrence entre nos athlètes. Après tout, c’est un sport jugé. »

S’expatrier pour gagner

Pendant l’heure du repas, les patineurs chinois Shi Yue Wang et Xin Yu Liu discutent à une table. Pendant ce temps, leur chihuahua s’amuse dans la cafétéria. Les quadruples champions de Chine sont à l’Académie depuis 2018.

« Ici, il y a d’excellents couples et les meilleurs entraîneurs. Ça nous pousse à être meilleurs », explique Wang, les patins détachés.

Sa partenaire et lui sont établis à Montréal. « Ce qu’on aime le plus, c’est la nourriture et le fait que c’est très propre, souligne Liu, debout. On reste surtout pour manger de la poutine et des burgers », lance-t-elle d’un rire timide. Leur vie a changé depuis leur départ du nord de la Chine, où ils retournent tous les deux ans.

Les Américains Evan Bates et Madison Chock ont quant à eux la chance d’être plus près de leur pays d’origine. Les médaillés olympiques bavardent avec nous pendant leur courte pause de la séance d’après-midi. Pendant que Chock finit de discuter d’une figure avec Lauzon, Bates raconte, sur le banc des joueurs, pourquoi les patineurs du Michigan ont choisi de venir se développer dans la métropole. « Ces personnes sont les meilleures au monde », dit-il en pointant Lauzon et Dubreuil.

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Madison Chock et Evan Bates, des États-Unis

Il se rappelle qu’en 2018, « tous les meilleurs patineurs au monde étaient ici. Donc on les a appelés pour leur demander s’ils avaient de la place pour nous », raconte-t-il en mimant un téléphone avec sa main.

Il y a une magie ici. Tu n’as pas le choix de tout donner, parce que tout le monde est tellement bon.

Madison Chock

Juste avant que le chauffeur de la surfaceuse ne lui demande de faire une enjambée pour quitter la glace, elle évoque une « culture forte instaurée par les entraîneurs ». C’est grâce à cet environnement qu’ils visent une médaille aux prochains Championnats du monde.

Le meilleur pour tous

Les mains dans les poches de son manteau noir, accoté au mur, Patrice Lauzon parle de la réunion de rivaux de différentes nations. « Il n’y a pas tant de différences entre les pays. Le but de tout le monde ici est d’être le meilleur possible. On essaye de les aider, peu importe le pays. »

Le plus important pour ses collègues et lui est de créer un « environnement sain ». C’est « naturel pour nous de créer un espace sécuritaire ». Cela doit notamment passer par la transparence, croit-il.

Au cours de leur carrière, Dubreuil et lui ont été témoins de pratiques d’autres entraîneurs d’autres nations et « on n’aimait pas toujours ça », raconte-t-il au moment où la surfaceuse termine son travail.

Habituellement, sur une patinoire, chaque duo est accompagné de son entraîneur. « Ici, les athlètes sont maîtres de leur destin. » À l’Académie, tous les patineurs s’exécutent et reviennent vers leurs entraîneurs pour recevoir des commentaires. À au moins cinq reprises, les autres athlètes ont applaudi leurs homologues au terme d’un numéro.

  • Allison Reed et Saulius Ambrulevicius, de Lituanie

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    Allison Reed et Saulius Ambrulevicius, de Lituanie

  • Samuel Chouinard, coach de danse

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    Samuel Chouinard, coach de danse

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« Chaque danseur a différentes qualités », souligne le chorégraphe Samuel Chouinard. La barrière de la langue n’a jamais compliqué sa tâche, assure-t-il, debout en train d’expliquer un mouvement aux Québécois Zachary Lagha et Marjorie Lajoie à l’autre bout de la patinoire. « La danse est un langage universel. On trouve toujours le moyen de se comprendre. »

Si New York a l’ONU, Montréal a l'I.AM. Dans les deux cas, leur mission est portée par l’idée que l’union fait la force.