(Calgary) En sandwich entre Connor Howe et Hayden Mayeur, les dents serrées, Antoine Gélinas-Beaulieu ne voyait qu’une chose en filant à plus de 50 km/h : les fesses du premier.

C’était un bon signe, celui que les patineurs canadiens étaient vraiment synchrones dans la poursuite par équipes.

Cette « danse à trois », dixit Gélinas-Beaulieu, a mené le Canada vers une médaille d’argent pour clore une journée autrement tranquille pour le pays hôte de la Coupe du monde de patinage de vitesse de Calgary, vendredi après-midi.

Après une 11e place aussi surprenante que décevante de la triple médaillée olympique Isabelle Weidemann au 3000 m, le trio canadien a donné matière à se réjouir aux quelques centaines de spectateurs, dont plusieurs écoliers, en cette première journée de compétition à l’auguste Anneau olympique.

Gélinas-Beaulieu ne cachait pas sa joie de décrocher ce qu’il croyait alors être la deuxième médaille de sa carrière sur le circuit.

« C’est le fun », a-t-il réagi, chapeau de cow-boy de circonstance sur la tête après la cérémonie du podium.

PHOTO DAVE HOLLAND, DAVE HOLLAND/CANADIAN SPORT INSTITUTE CALGARY

Antoine Gélinas-Beaulieu, Hayden Mayeur et Connor Howe, sur la deuxième marche du podium

C’est le fun aussi de voir qu’on a de la synergie sans avoir besoin de travailler ensemble à longueur d’année. On sait quoi faire. On est là les uns pour les autres. On se fait confiance. On est passés à quatre centièmes du record canadien sur une glace qui n’était pas très vite aujourd’hui. C’est très prometteur.

Antoine Gélinas-Beaulieu

Intégré au groupe de poursuite cette saison, l’athlète qui s’entraîne à Québec n’avait disputé qu’une seule course jusqu’ici, une cinquième place à Stavanger le mois dernier. Il était alors jumelé à Tyson Langelaar et Howe, qui patinent à Calgary.

Les Canadiens avaient adopté une nouvelle stratégie popularisée par les Norvégiens puis les Américains, soit de n’effectuer aucun échange durant les huit tours de piste (3200 m). Langelaar avait patiné devant, suivi de Gélinas-Beaulieu et de Howe.

« On n’utilisait pas les forces de chacun », a estimé le Québécois.

À Calgary, Mayeur a remplacé Langelaar, tandis que Howe s’est installé en tête. « Connor, c’est un train, l’a louangé Gélinas-Beaulieu. Il est capable de tirer et d’être très à l’aise en avant. C’est vraiment sa place. »

Le jeune Howe, sixième au 1500 m plus tôt dans la journée après une brillante victoire à Heerenveen le mois dernier, n’a pas pris son rôle à la légère.

« Mentalement, c’est toujours un peu épeurant de mener huit tours à un rythme plus élevé que tu peux tenir seul, a admis le longiligne athlète, qui mène le classement général de la Coupe du monde sur 1500 m. Tu dois donc t’appuyer sur tes coéquipiers. Mais ça a bien fonctionné. Quand j’étais sur le point de mourir, j’ai senti cette poussée. On a pu garder une vitesse assez stable. »

Après l’épreuve, Howe a dit à Gélinas-Beaulieu qu’il pouvait sentir son casque et son visage sur ses fesses. « Moi, c’est tout ce que je voyais tout le long de la course : ses fesses, a raconté le Québécois. On se suit de tellement proche, je suis presque comme un non-voyant ! J’ai un peu de vision périphérique. Tout ce que je sens, c’est son ballant avec la main. Je me fie à la façon dont son corps bouge. Quand il rentre dans un virage, je me mets à pousser. C’est vraiment tout un feeling. J’adore ça. »

Gélinas-Beaulieu a reçu les félicitations de Ted-Jan Bloemen, le double médaillé olympique qui disputera ses premières courses de la saison après avoir assisté à la naissance de son fils.

Un baume

Ce podium derrière les États-Unis et devant la Norvège est un baume pour Gélinas-Beaulieu, qui a vécu une amère déception aux sélections canadiennes en octobre. Alors qu’il se dirigeait vers la victoire à l’épreuve de départ de groupe, un bris soudain de l’attache de sa lame l’a fait chuter. Il n’a donc pas été choisi pour sa discipline de « cœur », celle pour laquelle il patine encore à l’âge de 30 ans et qui lui avait valu le bronze aux Championnats du monde de 2020.

« Il a pris un mois et demi pour s’en remettre », a expliqué son entraîneur Gregor Jelonek.

« Oui, ça m’a shaké », a confirmé le principal intéressé.

J’ai trouvé ça dur de remonter de ça. Je n’avais comme plus de direction, plus de motivation parce que c’était vraiment pour ça que je voulais continuer le patin. Mais en y repensant, je dois être patient. Le cycle olympique, c’est quatre ans.

Antoine Gélinas-Beaulieu

Sa victoire au 1500 m au Championnat des quatre continents, la semaine dernière à Québec, l’a relancé. Vendredi, il a fini deuxième du groupe B, ce qui lui permettra de réintégrer le groupe A la semaine prochaine pour la deuxième tranche de la Coupe du monde présentée dans la métropole albertaine.

Pris d’une quinte de toux incontrôlable après son 1500 m, Gélinas-Beaulieu a dû s’excuser dès le début de son entrevue avec les journalistes pour reprendre une demi-heure plus tard. À l’issue de la poursuite, tout était revenu à la normale.

« Mon système a de la misère avec l’altitude, a rappelé celui qui souffre d’asthme depuis longtemps. Je suis peut-être tombé un peu en panique et j’ai eu de la difficulté à respirer. Ça va être des trucs que je devrai travailler sur le long terme. »

Comme il n’était plus certain du nombre de podiums qu’il avait obtenus en Coupe du monde, il a texté son coéquipier Laurent Dubreuil pour en avoir le cœur net. Ce dernier lui a immédiatement rappelé qu’ils avaient gagné deux médailles avec Christopher Fiola au sprint par équipes au Japon en novembre 2018…

Parlant de Dubreuil, une véritable encyclopédie sur deux lames, il croit « carrément impossible » de réussir un record mondial au 500 m samedi au vu des chronos enregistrés ce vendredi. La réputation de la glace albertaine en a pris pour son rhume.

« C’était assez décevant comme temps, a jugé Dubreuil qui a suivi les épreuves de l’hôtel. La glace semble assez “difficile”. 33,9 secondes, ce serait excellent [samedi], je pense. »

Dur, dur pour les Néerlandais

Tout le contingent néerlandais avait les yeux rivés sur les écrans de téléphone et d’ordinateur pendant la séance de tirs de barrage entre les Pays-Bas et l’Argentine à la Coupe du monde de la FIFA, vendredi après-midi. La remontée dramatique de deux buts des leurs en fin de match s’est terminée en queue de poisson dans les tirs : 4-3 pour l’Albiceleste de Messi. Pour mal faire, les Néerlandais ont connu une rare déconvenue à la poursuite par équipes, échouant à la sixième place dans les minutes qui ont suivi…