(Calgary) Laurent Dubreuil sera un spectateur particulièrement attentif à la première journée de la Coupe du monde de Calgary, vendredi.

Le patineur de vitesse de Lévis ne sera pas de la partie, mais les chronos enregistrés, en particulier au 500 m féminin, pourraient avoir une forte incidence sur son lendemain.

S’ils sont rapides, Dubreuil aura une chance réelle de battre le record du monde du 500 m.

Sylvain Bouchard est le dernier Québécois à s’être ainsi inscrit à la postérité. Le 15 janvier 1999, l’athlète de Loretteville était devenu le premier humain à être passé sous les 1 min 10 s au 1000 m (1 min 9,69 s) lors d’une compétition à Calgary. Jeremy Wotherspoon avait repris la marque… un mois plus tard.

Le record mondial du 500 m appartient à Pavel Kulizhnikov depuis le 9 mars 2019. Le Russe avait franchi le tour et quart de piste en 33,61 s durant un week-end un peu fou où six références mondiales ont été réalisées.

PHOTO PETER DEJONG, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Pavel Kulizhnikov

À cette compétition, Dubreuil se souvient d’avoir été… « pourri ». Depuis, il s’est établi comme l’un des meilleurs, sinon le meilleur spécialiste du 500 m sur la planète. Il occupe d’ailleurs le premier rang du classement de la Coupe du monde en vertu de ses médailles d’or et d’argent à ses deux premiers départs.

À pareille date et au même endroit l’an dernier, il avait éclaté le record national de Wotherspoon en franchissant la distance en 33,77 s, la troisième performance de l’histoire à ce jour.

L’idée de s’inscrire tout en haut du palmarès lui apparaît de plus en plus concevable, considérant qu’il s’estime encore meilleur qu’il y a un an.

« C’est la fois où j’y crois le plus », a affirmé Dubreuil, jeudi matin, en jetant un œil sur la séance d’entraînement à l’Anneau olympique, lui qui profitait d’une journée de congé.

Derrière son masque, le nouveau trentenaire faisait ce constat sans pavoiser, dans un mélange de confiance et de réalisme, lui qui ne ressent pas une once de pression à se faire questionner sur le sujet.

« C’est motivant, ce n’est pas stressant, a tempéré le médaillé d’argent olympique du 1000 m. En ce moment, je ne l’ai pas, le record du monde. Au pire, je ne l’aurai toujours pas en sortant d’ici cette fin de semaine. Ce ne serait pas plus grave que ça, mais c’est un de mes objectifs et je pense que j’ai des chances réelles d’y arriver. »

Une question de glace

Plusieurs éléments hors de son contrôle sont à considérer, au premier chef la qualité de la glace, inconstante depuis le début de la saison au pays de Danielle Smith.

La pression barométrique est également un facteur primordial. C’est d’ailleurs la première chose que le père de famille a vérifiée en posant les pieds en Alberta. Pour l’heure, elle s’annonce dans la moyenne, autour de 101 kPa, ce qui n’est donc ni bon ni mauvais pour les sprinteurs.

Ce n’est pas ma dernière chance, mais c’est sûr que j’aimerais le faire. Ce serait une réussite majeure.

Laurent Dubreuil

Avec l’arrivée des patins clap à la fin des années 1990, les temps ont progressé de façon fulgurante en patinage de vitesse longue piste. L’amélioration des techniques d’entraînement, en particulier pour les sprinteurs, selon Dubreuil, a également augmenté la vitesse sur deux lames.

« Des records du monde, il y en a de moins en moins. On a un peu atteint la limite dans le sport. […] Les records ne tombent plus toutes les années. Celui de Shani Davis au 1000 m a tenu pendant 10 ans. C’est ce qui fait que c’est prestigieux quand tu as la chance de le faire. »

Pendant neuf ans, Dubreuil a détenu le record mondial junior au 500 m. Le prodige américain Jordan Stolz l’a « anéanti » en l’améliorant d’une demi-seconde l’an dernier à Calgary.

« Le record senior, on s’entend que c’est une coche de plus. Et Kulizhnikov a eu un peu d’aide biochimique !* Ce n’est pas un record facile à battre. Je ne pense pas que j’avais les jambes pour le faire l’an passé : 33,7, c’était une course presque parfaite dans une journée où je me sentais à mon meilleur. Seize centièmes, c’est proche, mais pas proche. »

À combien évalue-t-il ses chances de réaliser l’exploit samedi ? « En bas de 10 %, a-t-il prévenu. Je ne crois pas que c’est probable, mais c’est possible, ce qui n’était pas le cas l’an passé. »

Simplement que la conversation ait lieu témoigne du statut atteint par le champion du monde de 2021.

*Kulizhnikov a été suspendu deux ans pour un contrôle positif à un stimulant alors qu’il était junior. En 2016, du meldonium a également été découvert dans son corps, mais il a été amnistié par l’Agence mondiale antidopage pour manque de preuves scientifiques claires sur la période où le produit restait dans le système. Sans compter toutes les manigances du milieu sportif et politique russe. Comme ses collègues, Kulizhnikov ne participe pas au circuit cette saison en raison de l’invasion illégale de l’Ukraine.

Déception pour les sprinteurs

Habitué de disputer deux 500 m à chaque Coupe du monde depuis le début de sa carrière, Dubreuil doit se contenter d’un seul cette saison. Le Québécois ne s’explique pas cette décision de l’International Skating Union qu’il trouve « totalement injuste ». Il relève que les spécialistes du sprint sont déjà désavantagés aux JO et aux Mondiaux par rapport aux demi-fondeurs, qui ont plus de départs à se mettre sous la dent. « La plupart des sprinteurs, on n’est pas contents, a asséné Dubreuil. C’est nous qui avons le moins d’épreuves. Aux Olympiques, on peut gagner une ou deux médailles. Les athlètes de distances moyennes peuvent légitimement en gagner cinq. Là, ils nous enlèvent des courses en Coupe du monde. Fouille-moi pourquoi. »

Huit Québécois

En plus de Valérie Maltais et de Laurent Dubreuil, cinq autres Québécois s’aligneront à la Coupe du monde de Calgary : les sprinteurs Christopher Fiola et Cédrick Brunet, les polyvalents Antoine-Gélinas-Beaulieu (1000, 1500, 5000 m et poursuite par équipes) et Béatrice Lamarche (500, 1000, 1500, 3000 m) et la recrue Rose Laliberté-Roy (500 m). L’Ontarien Jordan Belchos, fiancé de Maltais, fait également partie du groupe de Québec puisqu’il s’entraîne au Centre de glaces Intact Assurance depuis le début de la saison.