Gravir des montagnes à pied, même sans courir, demande déjà un certain effort. Suffisamment pour la grande majorité des gens. Mais pas tous. Pas pour la famille Corbeil, par exemple.
Les Corbeil pratiquent le ski-alpinisme, qui combine les deux sports que vous devinez, aussi invraisemblable que cela puisse paraître.
Le père Jocelyn, les fils Antoine et Maxime (19 et 16 ans), accompagnés de leur mère et entraîneuse Anne-Marie Deshaies, sont revenus il y a quelques semaines de l’Ouest canadien, où ils ont fait forte impression. Le plus jeune de la famille, en particulier.
« Ils lui ont dit : ‟Tu sors d’où ? !” Ils étaient surpris. Mais ils étaient aussi fiers de voir une représentation canadienne qui arrive de l’Est, sortie de nulle part, qui performait sur leur montagne », raconte Mme Deshaies.
Interlude. Avant d’aller plus loin s’impose une rapide définition de ce sport – qui fera par ailleurs son entrée aux Jeux olympiques de 2026, en Italie –, bien que son appellation mette d’emblée sur la bonne piste.
En ski-alpinisme, il y a l’épreuve dite verticale, qui consiste simplement à rallier le sommet d’une montagne à ski le plus rapidement possible. Avec des skis spéciaux, plus larges que des skis de fond, plus étroits que des skis alpins, sous lesquels se trouve ce que les adeptes ont surnommé une « peau de phoque », qui est en fait synthétique ou à base de laine, pour l’adhérence.
Et puis, il y a les épreuves dites individuelles, de distances variables, lors desquelles, une fois rendu au sommet, il faut redescendre la montagne. À ski, évidemment. Et ce, après une transition où les athlètes retirent les peaux le plus rapidement possible.
Pendant l’ascension, certains segments trop abrupts exigent d’enlever les skis et de les accrocher au sac à dos. Ce que l’on appelle les « bootpacks ».
Et, pendant la descente, certains passages demandent des manœuvres périlleuses, qui peuvent à la limite exiger l’utilisation de matériel d’alpinisme.
Dans le sac, on traîne des crampons, un harnais, avec tout ce qu’il faut pour descendre en rappel ou pour se sécuriser sur des crêtes.
Jocelyn Corbeil
Et on se déplace alors comme on le fait en via ferrata, ajoute M. Corbeil.
Dans ce sac se trouvent également divers articles de survie, obligatoires et vérifiés.
Finalement, il y a les épreuves par équipes.
Voilà pour les grandes lignes.
L’extraterrestre du mont Gleason
Jocelyn Corbeil, dentiste de profession et skieur alpin de longue date, a commencé à entendre parler de ski-alpinisme par un ami, il y a une dizaine d’années.
Résidant de Victoriaville, M. Corbeil était un habitué du mont Gleason, très loin de rivaliser d’altitude avec les plus hautes montagnes skiables de la province.
Peu de temps après, pour pimenter l’expérience, il s’est donc équipé adéquatement – léger – pour essayer le ski-alpinisme, appelé « skimo » dans le milieu.
« Là, je me suis rendu compte que la petite montagne qu’on a ici devenait pas mal plus grosse avec ces skis-là, parce qu’il faut la monter à pied…, laisse-t-il tomber. Et je suis tombé amoureux de ça. »
Une passion qui le mènera deux fois à la Pierra Menta, en France, où se déroule une compétition renommée, et à la Patrouille des glaciers, en Suisse.
« À Gleason, quand j’ai commencé à faire ça, les gens me regardaient comme si j’étais un extraterrestre. J’avais des patients qui montaient dans les chaises et quand j’arrivais en haut en même temps qu’eux, plusieurs fois, certains m’ont dit : ‟Bon, on s’est cotisés, Jocelyn, on va te payer un billet pour monter en chaise !” »
Mais, comme ses fils, M. Corbeil ne veut rien savoir des chaises. Si ce n’est celles de sa clinique dentaire.
L’an dernier, pour garder la forme malgré les contraintes imposées par la pandémie, il s’est mis en tête d’accumuler le plus de dénivelé positif possible à Gleason. Il s’est rendu à 200 000 m, soit quelque 1000 ascensions du mont.
Laisser sa marque
Antoine et Maxime sont donc tombés dans la marmite en bas âge, en suivant le paternel dans ses aventures en tant que spectateurs, relate leur mère, qui a appris à skier en même temps que son aîné.
Puis, les fils ont emprunté le même sillage.
À la fin du mois de mars, le quatuor a pris la direction de la station Kicking Horse, en Colombie-Britannique, pour participer au Steep Dreams, championnat nord-américain comptant pour le classement mondial.
« Un rêve », dit Anne-Marie Deshaies, gestionnaire d’une clinique privée dans le domaine de la santé. « Pour des gars qui s’entraînent au mont Gleason, Kicking Horse, c’est comme du free ride pour les skieurs. Par moments, il y a un petit accès, il faut se lancer cinq ou six pieds plus bas, entre deux falaises, et espérer de pouvoir se ralentir parce que c’est en descente libre. »
Maxime, qui en était à son premier championnat, a eu le meilleur sur ses deux concurrents en U18, tant en vertical qu’en individuel. En vertical, il s’est classé 21e sur 46 hommes, tous âges confondus. Impossible d’établir cette comparaison en individuel, la distance chez les juniors – 875 m de dénivelé positif pour 8,2 km – étant environ la moitié de celle des compétiteurs plus âgés.
« Les gars de la fédération [internationale] étaient un peu sous le choc ! », affirme Mme Deshaies, à propos des performances de Maxime, qui a ensuite fait parvenir une demande pour intégrer l’équipe canadienne.
Antoine, qui a également fort bien tiré son épingle du jeu en U20, encense lui aussi son jeune frère.
« Max a le potentiel pour se rendre loin », lance-t-il de son plein gré lors de l’entretien par visioconférence avec sa mère et son frère, alors qu’ils prenaient part à un camp cycliste en Virginie. Parce que les deux jeunes sont également des athlètes en vélo de route, en vélo de montagne et en triathlon… « Il est très bon. »
Quant à leur père, il a pris le premier rang dans les deux épreuves chez les 45 ans et plus, en dépit d’un claquage au mollet gauche peu avant l’évènement. En individuel, il a rallié l’arrivée en 2 h 42 min, loin devant le deuxième des quatre concurrents seniors.
Finalement, au dernier des trois jours du championnat, lors de l’épreuve par équipes, tous âges confondus, Maxime Corbeil et Olivier Gagnon ont pris le 12e échelon sur 23 duos masculins, Jocelyn et Antoine Corbeil, le 18e. Les compétiteurs devaient gravir 2325 m et parcourir 20,6 km.
Antoine, qui a fait le Tour cycliste de l’Abitibi en 2019, ne serait pas surpris de voir son frère aux Jeux olympiques en ski-alpinisme. À cet égard, une meilleure structure dans l’est du pays aiderait grandement, ajoute cependant sa mère.
Quoi qu’il en soit, Jocelyn Corbeil s’enthousiasme à l’idée de l’admission de la discipline aux Jeux de 2026.
« Ça va être hyper spectaculaire. »
Consultez le site de la Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade Consultez le site de SkimoEast, organisateur des évènements au Québec Consultez le site de la Fédération internationale de ski-alpinisme (en anglais)Sublime Pierra Menta
La Pierra Menta est à la fois un rendez-vous incontournable de l’élite du ski-alpinisme et l’une des six étapes de la Grande Course, qui regroupe les compétitions les plus importantes de la saison. Coup d’œil en quelques (magnifiques) clichés sur cette épreuve renommée.
Avec la collaboration de Jean-Sébastien Mercier, La Presse
Regardez un résumé de la première étape de la Pierra Menta 2022-
- 1897
- L’Allemand Wilhelm Paulcke réussit la première traversée des Alpes, point de départ du ski-alpinisme moderne.
SOURCE : SITE WEB DES JEUX OLYMPIQUES- 2002
- Année lors de laquelle se sont déroulés, en France, les premiers championnats du monde de ski-alpinisme.
SOURCE : SITE WEB DES JEUX OLYMPIQUES