Une femme dirigera l’équipe féminine canadienne de ski alpin à partir de la saison prochaine.

Karin Harjo, une Américaine d’origine norvégienne, sera la première à occuper cette fonction à ce niveau au pays. Elle devient également l’une des rares femmes à chapeauter une équipe sur le circuit de la Coupe du monde. La dernière – et peut-être la seule – a été la Suissesse Marie-Theres Nadig, une championne olympique qui a été entraîneuse-chef de l’équipe féminine helvète lors de la saison 2004-2005.

Harjo, qui possède une expérience de 22 ans dans l’entraînement sportif, est issue du programme américain. Depuis 2017, elle était entraîneuse adjointe de l’équipe féminine de vitesse en Coupe du monde. Elle a joué le même rôle au sein du groupe technique de 2015 à 2017. Auparavant, elle avait été entraîneuse-chef de la région Ouest.

Même si elle est l’une des rares femmes à exercer son métier dans le cirque blanc, Harjo ne voit pas cela comme un défi supplémentaire.

« C’est un travail et on s’efforce de le faire au mieux de ses capacités et de travailler avec d’autres professionnels autour de soi », a-t-elle expliqué en entrevue avec La Presse, mercredi.

« Ce n’est un défi que si on le voit ainsi. Ce n’est pas mon cas parce que je ne suis pas ici à cause de mon sexe. Je n’ai jamais commencé à entraîner parce que j’étais une femme. C’est parce que j’aimais travailler avec les gens pour les aider à devenir la meilleure version d’eux-mêmes. »

En 2016, Harjo avait brisé une barrière en devenant la première femme à tracer un parcours pour une épreuve technique de Coupe du monde lors de la première manche du slalom de Flachau, en Autriche.

Le directeur de la haute performance, Phil McNichol, a précisé que le sexe d’Harjo n’avait pas joué dans sa décision de l’embaucher.

« Je n’ai pas cherché une femme, j’ai cherché un excellent candidat nord-américain et, dans notre industrie, il n’y en a que quelques-uns, a expliqué l’Américain d’origine. Dieu merci, nous avons eu un certain nombre de candidats canadiens et nord-américains. »

La combinaison de l’expertise sportive et de l’expérience en gestion des personnes et du développement de leurs compétences était ce que je recherchais. J’ai trouvé ça chez Karin. Le fait qu’elle soit une femme n’est qu’un plus.

Phil McNichol, directeur de la haute performance à Canada Alpin

Harjo succède à l’Italien Manuel Gamper, qui avait annoncé son départ à La Presse durant les Jeux olympiques de Pékin, où les Canadiennes n’ont pas réussi à concrétiser une saison prometteuse.

Cette nomination est « un rêve devenu réalité » pour Harjo, dont la philosophie d’entraînement est « centrée sur l’athlète ».

« En premier lieu, on doit toujours se rappeler que les athlètes de haut niveau ne sont pas des machines. Ce sont des humains et on doit en tenir compte en créant un environnement pour les aider à obtenir du succès et devenir les meilleures personnes et les meilleurs athlètes possible. »

Sans être leur entraîneuse personnelle, Harjo a eu l’occasion de travailler avec deux des meilleures skieuses de l’histoire, Lindsey Vonn et Mikaela Shiffrin. Elle en retient leur infatigable volonté de dépassement.

« Comme je le dis souvent, elles m’ont plus appris que moi je leur ai enseigné ! […] Elles sont tellement déterminées chaque jour à faire en sorte que chaque virage compte. Je ne dis pas que la plupart des athlètes ne le font pas, mais si vous me demandez ce qui les distingue des autres athlètes, c’est leur volonté de toujours s’améliorer. Peu importe leurs succès, elles travaillent toujours pour devenir meilleures. »

La nouvelle entraîneuse-chef a souligné la progression des Canadiennes au cours des dernières années. La présence de quatre slalomeuses aux finales de la Coupe du monde de Méribel, où les 25 meilleures étaient invitées, « est un résultat impressionnant pour n’importe quel pays ». « Et cela montre la profondeur et les capacités de l’équipe. »

Au total, 11 athlètes canadiens se sont qualifiés pour ces finales, contre huit pour l’équipe américaine, dont le budget et le nombre de skieurs sont « deux fois » plus élevés que ceux du Canada, a relevé McNichol.

Quel avenir pour Gagnon ?

Ni McNichol ni Harjo n’ont voulu se mouiller sur la mise en place d’un véritable programme de vitesse.

Depuis deux hivers, Marie-Michèle Gagnon était l’unique Canadienne à évoluer à temps plein en super-G et en descente. Elle avait son propre entraîneur et son propre technicien dans une structure semi-indépendante de l’équipe.

PHOTO CHRISTIAN HARTMANN, ARCHIVES REUTERS

Marie-Michèle Gagnon aux Jeux olympiques de Pékin

Quelques semaines avant la fin de la saison, la Québécoise de 32 ans s’était fait dire par McNichol qu’elle ne figurait plus dans les plans de l’équipe. « Marie-Michèle fait partie du plan », a pourtant assuré le directeur de la haute performance, mercredi. Compte tenu de ressources limitées, il a cependant laissé entendre qu’un programme personnalisé à la « Sofia Goggia ou Lara Gut-Behrami » n’était pas possible.

« Elle a eu beaucoup de succès en Coupe du monde, mais pas au niveau où nous aimerions la voir et elle aimerait se voir. Et donc, clairement, un changement s’impose pour l’aider et aussi pour que nous ayons une meilleure approche. »

Harjo, qui connaît bien Gagnon, aura le mandat de prendre ces décisions dans les prochaines semaines à la suite du bilan de la dernière saison.

Sans vouloir entrer dans les détails de sa situation personnelle, l’athlète de Lac-Etchemin, meilleure Canadienne aux Jeux de Pékin avec une huitième place en descente, s’est réjouie de l’arrivée d’Harjo.

Karin est super. On est très chanceux de l’avoir avec nous. Je l’ai côtoyée sur le circuit de vitesse ces dernières années et je crois qu’elle nous aidera à retrouver un bon environnement d’équipe.

Marie-Michèle Gagnon

Laurence St-Germain a également applaudi l’embauche de Harjo.

« C’est une super nouvelle d’avoir une coach qui vient de l’Amérique du Nord, a-t-elle d’abord affirmé. Ça faisait longtemps qu’on avait des Européens. Je n’ai rien contre eux, mais je pense que ça va amener une culture un peu plus comme chez nous, si je puis dire. Je pense qu’on est toutes contentes. »

La slalomeuse de Saint-Ferréol-les-Neiges connaît peu Harjo, qu’elle a croisée à ses débuts sur le circuit. Sans être une priorité absolue, l’arrivée d’une femme à la tête de l’équipe ne peut également qu’être un atout, selon elle.

« C’est super pour le sport, super pour nous aussi. Honnêtement, je ne sais pas à quel point ça va faire une différence. Nous, on veut le meilleur head coach possible. Mais oui, je pense que ça va amener quelque chose de différent dans l’équipe. »