Il y a un an, les Championnats du monde de patinage artistique 2020 devaient être présentés à Montréal, le résultat de plusieurs années d’efforts et de préparation, l’occasion aussi pour les patineurs d’ici d’évoluer au plus haut niveau devant leurs partisans.
L’annulation de l’évènement en raison de la pandémie, quelques jours seulement avant les premiers entraînements, a évidemment constitué une terrible déconvenue, d’autant qu’elle a été suivie de plusieurs autres.
« Ç’a été une grosse déception pour tout le monde, les patineurs, les entraîneurs, tous nos amis qui étaient impliqués dans l’organisation », rappelait la semaine dernière l’entraîneur Patrice Lauzon, qui gère avec sa conjointe, Marie-France Dubreuil, et Romain Haguenauer l’Académie de glace de Montréal.
« Nous n’avions pas eu beaucoup d’occasions de patiner au Québec pendant notre carrière et c’était vraiment gros de le faire comme entraîneurs. Se retrouver ensuite complètement arrêtés pendant trois mois n’a pas été facile non plus, d’autant plus qu’on voyait que des patineurs continuaient de s’entraîner en Russie, en Asie. »
On a fait beaucoup d’enseignement en ligne, on a pu trouver des glaces pour reprendre le travail l’été dernier et on n’a pas pris trop de retard finalement. Certains en ont profité pour travailler des choses, loin de la course folle des compétitions.
Patrice Lauzon
« En fait, il y a eu beaucoup de positif dans tout ça. Dans une saison, c’est dur de faire du développement quand il y a toutes ces compétitions qui s’enchaînent. Par contre, c’est dur de garder les jeunes motivés quand il n’y a pas de compétition. Là, on a eu un peu les deux, avec des entraînements et l’espoir d’une reprise prochaine des compétitions. »
Deux couples différents
À tout juste un an des Jeux olympiques, nos meilleurs patineurs ont finalement l’occasion de reprendre la compétition. Les Québécois Laurence Fournier-Beaudry, Nikolaj Sorensen, Marjorie Lajoie et Zachary Lagha sont membres de l’équipe canadienne qui prendra part cette semaine aux Mondiaux 2021 à Stockholm, en Suède.
« C’est particulier de reprendre directement avec les Mondiaux, concède Lauzon. On a toutefois la chance d’avoir près de la moitié du top 15 mondial en danse qui s’entraîne ici, à l’Académie, et les Canadiens sont très avantagés.
« Nous avons organisé une simulation il y a quelques jours, avec la musique, les costumes, des juges qui étaient présents, afin de bien préparer tous nos patineurs. En fait, on a un Championnat du monde tous les jours à l’entraînement, la compétition est déjà commencée d’une certaine façon, puisque les couples s’entraînent ensemble, qu’ils savent où ils se situent par rapport aux autres. »
Ce sont deux couples québécois très différents qui sont à Stockholm. Laurence Fournier-Beaudry et Nikolaj Sorensen ont déjà pris part à six Mondiaux (d’abord sous les couleurs du Danemark), alors que Marjorie Lajoie et Zachary Lagha y font leurs débuts après avoir été sacrés Champions du monde juniors en 2019.
« Laurence et Nikolaj sont plus avancés dans leur carrière, souligne Lauzon. Ce sont des athlètes accomplis qui ont l’expérience des grandes compétitions et qui ont l’espoir de finalement aller aux Jeux olympiques et peut-être d’y gagner une médaille. Pour eux, ces Mondiaux sont une occasion d’afficher leurs ambitions et de se démarquer auprès des juges.
« Zach et Marjorie, eux, commencent chez les séniors. Ce sont leurs premiers Mondiaux et ils n’ont rien à perdre. C’est une occasion de se faire remarquer pour la suite de leur carrière, d’acquérir de l’expérience et surtout d’avoir du plaisir sur la glace. »
En pensant déjà aux Jeux olympiques
Au-delà de leurs différences, les quatre athlètes sont animés par la même volonté de bien patiner afin d’aider le Canada à obtenir un maximum de patineurs aux Jeux.
Blessé à un genou, Sorensen a profité de la pandémie pour bien se rétablir. « Ce ne sera jamais un genou neuf, mais je peux maintenant patiner sans inquiétude, explique-t-il. Reprendre directement aux Mondiaux ne nous dérange pas trop. On connaît le feeling de cette compétition, on sait à quoi s’attendre. Et on connaît bien nos principaux concurrents. »
« On a pris ça un peu “mollo” au début quand on est revenus sur la glace, souligne Fournier-Beaudry. L’annulation de toutes les compétitions a ensuite compliqué les choses, mais on n’avait pas de contrôle là-dessus. Finalement, ça nous a aussi permis de travailler sur nos programmes et sur plusieurs détails importants. Et ça nous a rapprochés des Jeux ! »
Lajoie et Lagha ont eux aussi tiré avantage de la situation. « Nous avons beaucoup travaillé depuis un an, d’abord de façon virtuelle, puis sur la glace. Je pense que nous nous sommes beaucoup améliorés, estime Lagha. Il faut maintenant le montrer avec de bons résultats. Nos entraîneurs nous disent qu’il n’y a pas de pression sur nous, mais je suis compétitif et je ressens toujours une pression de bien performer. »
De son côté, Lajoie s’estime prête à relever le défi des Mondiaux, même si elle reconnaît que « c’est gros, les Mondiaux ».
Ça m’a aidée quand Marie-France [Dubreuil] nous a dit que nous étions les “underdogs” [négligés], que personne ne s’attendait à des exploits de notre part. Je vais patiner de façon plus détendue, en ne pensant qu’à offrir ma meilleure performance.
Marjorie Lajoie
Si les quatre patineurs et leurs entraîneurs assurent ne pas être inquiets outre mesure à l’idée de voyager et de vivre plusieurs jours dans un environnement différent en pleine pandémie, ils sont plus préoccupés par le processus de qualification olympique.
En danse sur glace, le Canada pourrait s’assurer trois places aux Jeux si le total des deux meilleurs résultats à Stockholm ne dépasse pas 13. Le duo formé de Piper Gilles et Paul Poirier vise un top 5 et l’un ou l’autre des deux couples québécois devra aussi s’en approcher pour atteindre l’objectif.
L’absence des champions du monde en titre, les Français Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron, qui s’entraînent à Montréal et ont préféré se concentrer sur la prochaine saison, pourrait donner un coup de pouce aux Canadiens, mais c’est sur la glace de l’Ericsson Globe que ça va se jouer.
Lauzon insiste d’ailleurs : « La plus grosse crainte en fait est liée à la qualification olympique. Si un athlète attrape la COVID-19 en route vers ou à Stockholm, il ne pourra participer à la compétition, même s’il ne présente aucun symptôme, et ça pourrait compromettre la qualification de son pays. Si ça arrive, j’espère que l’ISU va trouver une façon de régler ça sans pénaliser personne. »
Des patineurs à suivre
Les Championnats du monde de Stockholm sont déjà le dernier grand rendez-vous avant les Jeux olympiques de 2022. Une occasion donc d’établir une hiérarchie provisoire, même si certains patineurs ont préféré faire l’impasse sur la saison et tout miser sur les Jeux.