Les Jeux d’hiver de Vancouver ont 10 ans. Le Comité olympique canadien soulignera l’anniversaire dans le cadre d’un festival public et d’un gala qui se dérouleront dans la métropole de la Colombie-Britannique le 22 février. Plusieurs des athlètes qui ont marqué cette quinzaine historique s’y retrouveront, dont Alexandre Bilodeau. Il replonge dans ses souvenirs, en entrevue avec La Presse.

Assis seul dans le télésiège, Alexandre Bilodeau avançait dans l’obscurité presque totale. À peine distinguait-il les spatules de ses skis. L’unique endroit éclairé sur Cypress Mountain était la piste de bosses où l’attendait, presque littéralement, un pays entier.

À quelques minutes de disputer la course la plus importante de sa vie, le skieur acrobatique était déchiré entre l’assurance et le doute. « Au deuxième poteau, j’étais confiant. Au troisième, j’étais désespéré… »

Bilodeau a surmonté ses peurs pour devenir le premier athlète canadien champion olympique dans son pays. Sa réaction à l’annonce des résultats et la célébration émouvante avec son frère Frédéric, atteint de paralysie cérébrale, ont symbolisé les succès canadiens aux Jeux d’hiver de Vancouver, qui se sont ouverts il y a 10 ans jour pour jour, mercredi.

PHOTO BERNARD BRAUT, ARCHIVES LA PRESSE

Alexandre Bilodeau a remporté la médaille d’or en bosses aux Jeux olympiques de Vancouver en 2010.

« Difficile à croire que ça fait déjà 10 ans », a réalisé Bilodeau, rencontré en matinée à la Maison olympique canadienne à Montréal. « Pour moi, c’est comme si c’était hier. »

La saison 2009-10 ne s’était pas déroulée comme prévu. En novembre, il s’était brisé un os d’un pied en courant dans les marches du mont Royal. Il avait dû disputer deux compétitions sous anesthésie locale. Il était donc arrivé à Vancouver à titre de quatrième mondial.

La veille de son triomphe, il avait eu du mal à s’endormir. Dans la soirée, sa coéquipière Jennifer Heil, grande favorite de l’épreuve féminine, avait dû se contenter de la médaille d’argent. Les projecteurs s’étaient tournés vers les hommes. « Ça a brassé la baraque un peu », reconnaît Bilodeau, devenu soudainement le principal candidat pour marquer l’histoire.

Un peu avant minuit, il avait rejoint son psychologue à la cafeteria du Village olympique. Ensemble, ils ont dressé une liste des choses que l’athlète avait accomplies dans sa préparation jusqu’aux Jeux. Baptisée « Je sais », elle comptait une centaine d’éléments…

« Après avoir lu ça, je ne pouvais pas dire que je n’étais pas prêt ! J’ai dormi comme un bébé jusqu’au lendemain matin. »

Il a quand même vécu la journée de la compétition comme dans une montagne russe, jusqu’à ce qu’il se dise en haut du télésiège : « OK, c’est là. »

« Tout le monde est humain, fait Bilodeau. Ceux qui disent qu’ils ne sont pas stressés dans la vie, c’est soit qu’ils ne donnent pas d’importance à ce qu’ils font, soit ils te boulechitent. »

Retraité peu après sa deuxième médaille d’or à Sotchi en 2014, Bilodeau a vécu un autre moment de grande pression quand il a passé son examen final pour devenir comptable professionnel agréé, trois ans plus tard.

« Les gens me disent : le CPA, ça ne peut pas être pareil que les Olympiques. Oui, c’est pareil. J’étais stressé, j’y donnais autant d’importance. Tu as fait cinq ans d’études pour y arriver, ça fait trois mois que tu es dans tes livres huit heures par jour, sept jours semaine. Et là, tu écris ton examen pendant trois jours. Tu passes ou tu coules, il n’y a pas de milieu. C’est intense. »

La veille de l’évaluation, Bilodeau, aujourd’hui âgé de 32 ans, a donc sorti un rare souvenir conservé des JO de 2010 : sa liste « Je sais ».

Des nouvelles de Frédéric

Parmi les autres objets olympiques que Bilodeau n’a pas donnés à des encans ou des organismes de bienfaisance figurent les drapeaux canadiens et québécois qui ont flotté devant le Parlement et l’Assemblée nationale après sa victoire de 2010. Ils sont accrochés dans la chambre de son frère Frédéric, devenu une célébrité dans la foulée des JO.

« Il va super bien, a indiqué Alexandre. À proprement parler, la paralysie cérébrale n’est pas dégénérative, mais la sienne l’est, sans qu’on sache pourquoi. La motricité est plus difficile. Il a beaucoup de misère à marcher. Il est donc souvent en fauteuil roulant. Pour la parole, il s’étouffe de plus en plus avec sa salive. Mais le moral est toujours bon. »