Une admiratrice norvégienne a signalé à Alex Harvey la publication d'un article sur le site internet de NRK la semaine dernière. Anders Skjerdingstad, journaliste en chef pour le ski de fond à la société norvégienne de radiodiffusion, a écrit une chronique très flatteuse sur le fondeur canadien.

En gros, il soulignait que le départ à la retraite de Harvey, «l'un des modèles les plus importants pour le ski de fond», était une bien plus mauvaise nouvelle pour le sport que le scandale de dopage qui a entaché les Championnats du monde de Seefeld*.

«Harvey a montré que les athlètes de plus petites nations (dans le contexte du ski de fond) peuvent rivaliser avec des pays plus puissants, comme la Norvège, la Suède et la Russie, a relevé Skjerdingstad. Il a démontré que les plus grands budgets et l'équipe de fartage la plus nombreuse ne signifient pas toujours un meilleur résultat.»

Tout en s'inquiétant de l'intérêt pour le ski de fond au Canada après le départ de son représentant le plus illustre, le journaliste poursuit en louangeant les positions fortes exprimées par Harvey sur le dopage.

«Alors que les athlètes norvégiens ont souvent évité de parler de sujets controversés en prétextant se concentrer sur le travail à accomplir, Harvey n'a pas eu peur de s'avancer pour donner une opinion claire. [...] Personne dans l'élite mondiale du ski de fond n'a été plus clair que lui dans la lutte contre le dopage.»

Skjerdingstad conclut que pour quiconque aime le ski nordique, l'athlète de Saint-Ferréol-les-Neiges mérite remerciements et félicitations.

«J'ai vraiment été touché par ça», a reconnu Harvey, lundi soir, au moment où il rentrait d'Europe en prévision des finales de la Coupe du monde de Québec, les trois dernières courses de sa carrière, présentées de vendredi à dimanche sur les plaines d'Abraham.

Imperturbable durant les Mondiaux de Seefeld, où il est arrivé à court de son objectif de monter sur le podium (6e au skiathlon, 12e au 50 km), il avoue s'être laissé gagner par les émotions lors de son ultime semaine de compétition en Europe. D'autant que ces courses se déroulaient à Falun, en Suède, où il a vécu plusieurs de ses plus beaux moments en piste, dont sa première victoire sur le grand circuit en 2012 et ses deux podiums aux Mondiaux de 2015.

«Ça a commencé à m'atteindre plus durant la semaine à Falun, mais c'est cool», a-t-il dit depuis l'aéroport de Toronto, où il attendait son vol pour Québec.

«C'est mon dernier vol transatlantique de retour en tant qu'athlète. C'est spécial. Il y a de la nostalgie et une part de tristesse aussi. Pas parce que j'arrête en me faisant montrer la porte. Je le fais à mes conditions. Il reste que je m'entraîne de façon quasi professionnelle depuis que j'ai 16 ans. J'ai donc passé presque la moitié de ma vie à faire ça. C'est vraiment une page qui va se tourner pour moi.»

Après l'article de NRK, le quintuple médaillé mondial, qui a décroché 25 podiums en Coupe du monde, a reçu de nombreux messages de partisans scandinaves sur les réseaux sociaux.

Avant son retour, il a également pu mesurer le respect qu'il inspire à ses pairs. Martin Johnsrud Sundby, l'un des meilleurs skieurs de sa génération, l'a invité à se joindre à lui pour le souper post-Holmenkollen, la prestigieuse course de 50 km disputée chaque année à Oslo. Harvey et son compatriote Jack Carlyle, une recrue, se sont retrouvés avec toute l'équipe norvégienne de distance dans un restaurant réservé en entier pour l'occasion.

«C'était le traitement V.I.P. Jack Carlyle, il capotait! Je m'entends bien avec les Norvégiens. On a jasé longtemps ce soir-là. Ils ne me croyaient pas [que je prenais ma retraite]! Ils disaient en riant: "Ce n'est pas vrai, tu n'arrêtes pas." Ils comprennent ma situation, le voyagement, le fait que j'ai perdu la plupart des coéquipiers avec qui je m'entraînais, ce qui a rendu l'année beaucoup plus difficile.»

À l'exception de Sundby (voir plus bas), Harvey retrouvera la plupart de ses collègues norvégiens dans un bar de la Grande Allée, dimanche soir, dans le cadre de la soirée post-Coupe du monde. L'évènement fera aussi office de party de retraite pour un athlète qui aura laissé sa trace où le ski de fond est roi.

* Cinq fondeurs se sont fait arrêter pour dopage sanguin lors d'une frappe conjointe des polices autrichienne et allemande. Une photo de l'Autrichien Max Hauke, une seringue dans le bras, reliée à une poche de sang, a particulièrement marqué l'imaginaire.

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Sundby forfait

Avec le Russe Sergey Ustiugov, apparemment malade, Martin Johnsrud Sundby sera l'un des rares absents de marque aux finales de la Coupe du monde de Québec.

Le Norvégien de 34 ans, triple gagnant du classement général de 2014 à 2017, n'a plus l'énergie et la motivation après avoir enfin décroché une médaille d'or au 15 km classique des Mondiaux de Seefeld, titre individuel qui manquait à sa collection. Il a aussi remporté l'or au relais, le bronze au skiathlon et terminé 4e au 50 km.

«Il a tellement bûché toute sa vie pour ça, a souligné Harvey. Il n'a pas eu sa meilleure saison du tout, pas son meilleur été d'entraînement, loin de là, et, comme par magie, les astres se sont alignés aux Mondiaux. C'est bizarre, le sport, finalement.»

PHOTO MATTHIAS SCHRADER, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Martin Johnsrud Sundby