Comme par enchantement, de gros flocons se sont mis à tomber sur la petite Piazza Giuseppe Verdi, dans la vieille ville de Cavalese. Ils étaient peut-être 2000 spectateurs à être venus applaudir les premiers médaillés de ces Championnats du monde de Val di Fiemme, hier soir.

Sous les réflecteurs, Alex Harvey était éclatant dans son manteau d'équipe jaune fluorescent. Large sourire, casquette sur la tête, il a levé les bras au ciel en montant sur la troisième marche du podium. Il a remis les mains dans ses poches de jeans en attendant de se laisser passer la médaille de bronze au cou par le président de la FIS, Gian Franco Kasper.

Rien à voir avec le décorum d'Oslo, deux ans plus tôt, alors qu'Harvey avait été accueilli par plus de 50 000 partisans norvégiens en liesse après avoir gagné l'or au relais sprint avec Devon Kershaw.

Un sacré beau moment quand même. «Ce n'est pas comme Oslo, mais ce n'est pas loin deuxième», a soufflé le fondeur de 24 ans, encore sur un nuage après être descendu de l'estrade pour se mêler aux membres de son équipe, tous venus l'applaudir. «Avec la petite neige, ça rend ça magique.»

Chacun voulait une photo avec lui. À commencer par sa mère, Mireille Belzile, médecin de l'équipe, pas surprise de la résilience démontrée par son fils malgré une saison difficile.

«Alex parle beaucoup, vous le savez, racontait-elle après la course. Quand il a un problème, il est capable d'en parler. C'est une qualité qu'on ne voit pas souvent chez les hommes. Les hommes ne veulent pas en parler, ne veulent pas voir leurs faiblesses. Lui, il est capable d'en parler, d'analyser. Une fois que tout a été dit, il rentre en mode stratégie, résolution de problèmes. C'est une bonne attitude et ça fait longtemps qu'il est comme ça. Ça l'aide beaucoup.»

Les yeux rêveurs, l'entraîneur Louis Bouchard savourait le moment. Quelques heures plus tôt, au stade, il avait frôlé la crise d'apoplexie en descendant la côte à la course pour essayer de voir où son protégé allait aboutir à l'issue de cette finale de sprint classique un peu folle. Son bon pressentiment s'est concrétisé.

«Alex aime les grands événements, a rappelé Bouchard. Il y a eu toutes sortes de choses autour de lui. Des blessures, il a été malade. Malgré tout ça, il ne s'est pas laissé distraire.»

La journée avait pourtant si mal commencé pour les Canadiens. Tout le monde était passé à la trappe en qualifications, femmes et hommes, sauf Harvey, qualifié de justesse au 26e rang. «Vraiment, seulement une médaille pouvait sauver cette journée, a avoué l'entraîneur-chef, Justin Wadsworth. C'était un désastre total ce matin pour toute l'équipe.»

Ce n'était pas la panique, mais pas loin. «On était déprimés, a admis le farteur en chef, Yves Bilodeau. On se demandait ce qui se passait. On se disait: c'est les skis, c'est la glisse, c'est quoi? Et là, Alex passe. On va avoir une chance de rejouer.»

Harvey était confiant. Son temps n'était pas indicateur de sa forme; il s'en était simplement trop gardé dans la première montée. Avant le début des quarts de finale, il est retourné à la salle de fartage, a mis ses écouteurs sur les oreilles, avant de s'étendre les jambes.

Après une première ronde sans histoire, une autre petite inquiétude est survenue pendant la demi-finale. «Le ski jamme!» a lancé Harvey à Bilodeau en sortant de piste. De la glace? s'est-il demandé. Non, un petit morceau de papier qui s'était pris dans la cire...

Troisième de sa vague, le fondeur de Saint-Ferréol-les-Neiges a été repêché pour la finale grâce à son temps. «Y est in!» s'est exclamé le technicien avant de repartir à courir, skis aux mains. Une course historique se préparait.