Quand on est la vice-doyenne d’une ligue, le spectre de la retraite rôde inévitablement.

Ce spectre, Ann-Sophie Bettez en sent bien sûr la présence. Mais elle n’est pas prête à lui serrer la main. Pas du tout, même.

Celle qui fêtera son 37e anniversaire en novembre, au début de la prochaine saison, a essentiellement tout connu du hockey féminin à Montréal. Après une belle carrière collégiale, à Dawson, et universitaire, à McGill, cette native de la Côte-Nord a passé sept saisons dans l’ancienne Ligue canadienne avec les Stars de Montréal, éventuellement rebaptisées les Canadiennes. Lorsque le circuit a fermé boutique, en 2019, Bettez occupait le deuxième rang de son histoire au chapitre des points.

Elle a ensuite roulé sa bosse dans l’Association des joueuses professionnelles, avant de disputer la seule saison de l’histoire de la Force de Montréal, dans l’ancienne Premier Hockey League.

Malgré son âge vénérable – qui ne la placerait qu’au 26e rang dans la LNH, par ailleurs –, l’attaquante ne semble pas rassasiée.

En tout cas, pas après une seule saison dans la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF), et encore moins alors qu’elle a dû rater neuf matchs de saison et trois autres en séries éliminatoires en raison de blessures. Une opération à un genou subie au début du printemps a mis fin à tout espoir de retour.

Debout devant les micros et les caméras, malgré ses béquilles, Bettez n’a laissé place à aucune ambiguïté quant à ses intentions, vendredi dernier, dans le cadre du bilan de fin de saison de l’équipe montréalaise.

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Ann-Sophie Bettez, vendredi dernier, lors du bilan de fin de saison de l’équipe de Montréal

« Quand tu as la passion du sport depuis que tu as 4 ou 5 ans, tu n’es pas prête à arrêter, a dit l’attaquante. J’ai parlé à plusieurs personnes [à la retraite], pour savoir comment ça s’était passé. Elles m’ont dit : “Tu vas le savoir quand c’est le temps.” Je n’ai pas encore eu ce message. J’ai encore l’énergie et la forme. C’est la passion qui m’a permis de me rendre jusqu’ici, cette passion demeure. »

Il y a donc l’amour de son sport, mais aussi un peu de fierté. « J’aimerais finir ma carrière d’une autre façon que sur une blessure », a admis Bettez.

Évasive sur la nature de ses blessures ayant nécessité une opération – « probablement une accumulation » –, elle a indiqué que sa rééducation allait bon train et qu’elle souhaitait être de retour sur patins à l’automne.

Ici ou ailleurs

Du reste, il n’y a pas que son état de santé qui pourrait complexifier son retour dans l’uniforme montréalais. « Je veux un contrat ! », a-t-elle rétorqué, en riant, à une reporter qui lui a demandé ce qu’elle recherchait pour la suite des choses.

Bettez fait en effet partie des dizaines de joueuses dont l’entente viendra à échéance au cours des prochaines semaines. Comme l’a écrit La Presse, samedi dernier, toutes les équipes de la LPHF sont appelées à changer considérablement de visage, la saison prochaine, à la suite d’un influx attendu de talent provenant des universités américaines et des ligues européennes.

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Plusieurs des pionnières de la première saison du circuit se retrouveront donc sans travail. On pourrait croire qu’Ann-Sophie Bettez, avec 5 points en 15 matchs, a démontré qu’elle est de calibre pour décrocher un poste en 2024-2025. Rien, toutefois, n’est acquis, ni pour elle ni pour ses nombreuses collègues qui partagent son incertitude.

Malgré son « gros sentiment d’appartenance » envers l’équipe de Montréal, ville où elle joue depuis essentiellement deux décennies, elle laisse croire qu’elle pourrait faire ses valises si c’est ce qui lui permet de jouer encore.

S’il n’y a pas de place pour moi, mais qu’il y a des offres ailleurs, j’y réfléchirai à ce moment.

Ann-Sophie Bettez

On ne la sent pas amère par rapport à sa situation. Elle est heureuse d’avoir vécu des « moments historiques » tout au long de la dernière saison. « Je savais qu’une ligue professionnelle allait éventuellement être là pour de bon, mais je ne pensais pas pouvoir en bénéficier », a-t-elle noté, reconnaissante.

« Comme toute nouvelle organisation », la LPHF n’a pas été parfaite. La gestion des joueuses de réserve gagnerait à être améliorée, a suggéré Bettez, qui préfère toutefois se concentrer sur les « beaux moments » des derniers mois.

Entre autres exemples, le premier but gagnant de l’histoire de la franchise, qu’elle a elle-même inscrit en prolongation au match inaugural à Ottawa le 2 janvier.

Elle raconte la séquence comme si elle s’était déroulée le matin même. L’échec-avant de Kristin O’Neill, le tir de Kati Tabin bloqué en défense. La rondelle libre dans l’enclave. Bettez qui la récupère et qui tire sans trop regarder.

« Je n’aurais jamais pu prévoir que ce serait moi qui compterais ce but-là, a-t-elle poursuivi. On est à Ottawa, Marie-Philip Poulin se fait huer sur un tir de pénalité au Canada… Il y a eu tellement de beaux moments, mais celui-là, il était vraiment spécial ! »

Elle espère désormais en vivre d’autres, et puis d’autres encore. À Montréal ou ailleurs, encore que l’histoire serait joliment bouclée si elle se terminait où elle a commencé.

Ce qui compte, au fond, c’est qu’elle ne se termine pas maintenant.