Chris Kreider vient peut-être d’entrer dans la légende sportive à New York. Sa carrière était déjà bien remplie, à 33 ans, après 304 buts en carrière, trois saisons de plus de 36 buts, dont une de 52 buts en 2021-2022, mais son exploit en troisième période jeudi soir ne sera pas oublié de sitôt.

Les Hurricanes de la Caroline menaient 3-1 avec un peu moins de 13 minutes à faire en troisième période. Ils menaçaient de provoquer l’égalité dans cette série de deuxième tour contre les Rangers après avoir perdu les trois premières rencontres. On devine sur quelles épaules aurait reposé la pression lors d’une septième rencontre.

Kreider a choisi le bon moment pour marquer trois buts, entre la sixième et la treizième minute, pour provoquer la consternation au PNC Arena de Raleigh et éliminer les Hurricanes en six matchs.

Mark Messier avait réalisé un exploit encore vif dans la mémoire des plus vieux partisans des Rangers en 1994 en garantissant non seulement une victoire lors du sixième match de la finale de l’Association de l’Est contre les Devils, mais en marquant trois buts. New York avait remporté la Coupe Stanley quelques semaines plus tard.

Kreider n’a pas joué les prophètes comme Messier, mais il est devenu le deuxième joueur de l’histoire des Rangers, après Messier, à marquer trois buts consécutifs en séries éliminatoires. Il n’a pas compté de manière anthologique, mais comme un attaquant de puissance digne de ce nom : à l’orée du filet adverse grâce à de l’acharnement et un flair inné.

L’ennemi des Montréalais

L’exploit de Kreider fait sans doute grimacer bien des Montréalais ce matin. S’il n’avait pas foncé sur Carey Price, patins devant, après avoir chuté lors d’une échappée, dans les séries en mai 2014, qui sait si Price et le Canadien n’auraient pas remporté la Coupe Stanley cette année-là, ou du moins atteint la finale ?

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Chris Kreider fait une chute sur Carey Price en mai 2014

Price s’est bousillé le genou dès le premier match de la finale de l’Association de l’Est contre les Rangers. Dustin Tokarski, et ses dix matchs d’expérience dans la LNH, n’allait pas être de taille.

Price était au sommet de son art au moment de se blesser. Il venait de mener le Canada à la conquête de l’or à Sotchi et montrait une fiche de 8-3, une moyenne de 2,15 et un taux d’arrêts de .926 avant d’affronter New York. Le CH venait d’éliminer la meilleure équipe en saison régulière, les Bruins de Boston, en sept matchs.

Non seulement Kreider, dans son geste qu’il a dit accidentel, a-t-il peut-être privé le Canadien de gloire cette année-là, mais il a sans doute contribué à raccourcir la carrière de Price, condamné à l’inactivité de façon permanente il y a trois ans, à seulement 33 ans.

Il n’y a pas seulement l’infâme accident de 2014. Kreider aurait pu appartenir au Canadien et rien de tout ça ne serait arrivé. Kreider a été repêché au 19rang par New York en 2009, dans l’indifférence presque totale au Centre Bell.

Un rang plus tôt, le Canadien a plongé l’amphithéâtre dans l’hystérie en choisissant le favori local, Louis Leblanc, sous les cris soutenus : « Louis ! Louis ! Louis ! »

Seuls quelques témoins connaissent le fond de l’histoire, mais l’ancien recruteur en chef du Canadien, Trevor Timmins, a confié dans ces pages en 2017 qu’il aurait opté pour Kreider s’il n’avait pas subi de pression à l’interne.

« Chris Kreider était mon choix à la place de Louis. On ne m’a jamais forcé à prendre Leblanc, mais on m’a clairement laissé entendre que je devais m’éloigner des espoirs américains issus d’une école secondaire. Si j’avais choisi Kreider à la place de Louis Leblanc, j’aurais eu besoin d’une escorte policière pour quitter le Centre Bell, lance-t-il en riant. Je ne serais peut-être pas en train de donner cette entrevue en ce moment… »

Sans détenir de preuves de ce que Timmins avançait, on devine la pression de choisir Leblanc. Le Canadien avait préféré un défenseur d’une école secondaire américaine, David Fischer, devant Claude Giroux en 2006. Fischer venait de compléter une troisième saison décevante à l’Université du Minnesota en 2009. Giroux était déjà dans la LNH.

Les deux choix de premier tour américains de 2007, Ryan McDonagh et Max Pacioretty, constituaient encore des projets à long terme. McDonagh était toujours à l’Université du Wisconsin, où son rendement offensif était très modeste, et Pacioretty, ballotté entre la LNH et la Ligue américaine, était encore loin de rassurer. Repêché après eux, David Perron venait de connaître une saison de 50 points à sa deuxième année avec les Blues de St. Louis.

Préférer un ailier de Boston College originaire du Massachusetts à un centre de Pointe-Claire, outrageusement dominant dans les rangs Midget AAA avec les Lions du Lac Saint-Louis, avant de joindre une équipe de l’USHL à Omaha ? Le Centre Bell aurait explosé de rage en effet…

Malheureusement, on ne peut reculer dans le temps, n’est-ce pas ?

Brad Marchand parle… beaucoup !

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Brad Marchand

Le rugueux attaquant des Bruins de Boston, Brad Marchand, a mis la Ligue nationale de hockey dans une position délicate en dévoilant un secret bien gardé, lors d’une interview jeudi. « Personne ne veut le dire, mais l’une des missions en séries consiste à blesser les joueurs de l’autre équipe. Plus tu en blesses, plus tu prends l’avantage. Quand tu poses le patin sur la glace, un joueur essaie d’en blesser un autre. »

Les déclarations de Marchand surprennent peu au fond. Les équipes de la LNH ne cachent pas les blessures subies par leurs joueurs pour rien : on veut éviter de voir l’adversaire viser les parties sensibles du blessé. Mais la direction de la Ligue nationale n’est sans doute pas heureuse de voir le capitaine des Bruins dévoiler un aspect moins glorieux de la culture du hockey.

Marchand réagissait au coup salaud de Sam Bennett à son endroit, en début de série de deuxième tour entre les Bruins et les Panthers. On saura avant le match de vendredi seulement si Marchand est en mesure de revenir au jeu, après avoir raté deux matchs pour blessure… au haut du corps.