Ce n’est pas comme si les Rangers étaient des pieds de céleri. Ils viennent, après tout, de remporter le trophée du Président, remis à la meilleure équipe de la saison dans la LNH.

Et on ne pourrait évacuer de l’équation le fait que Chris Kreider, un favori du public montréalais, a connu l’une des périodes d’un match éliminatoire la plus inspirée que l’on ait vue depuis longtemps.

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Or, si les Hurricanes de la Caroline ont rejoint les rangs des équipes éliminées, c’est avant tout par leur faute. Leur très grande faute, même.

En avance 3-1 en début de troisième période, jeudi soir, les hommes de Rod Brind’Amour ont vu leurs adversaires marquer quatre buts consécutifs pour l’emporter 5-3, mettre un point final à la série en six matchs et accéder à la finale de l’Est. Les Rangers ayant remporté les trois premiers duels, les Canes ont certes le mérite d’avoir réduit l’écart, passant même près de provoquer une septième et ultime rencontre. Mais passer tout près n’a jamais fait gagner personne. Parlez-en aux Maple Leafs de Toronto.

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Erik Gustafsson (56) et Seth Jarvis (24) échangent des amabilités en deuxième période.

En fait, parlez-en aux Hurricanes, aussi. Ce n’est pas comme si c’était la première fois que le ballon leur glissait des mains. Il y a un an, ils ont peut-être atteint la finale d’association, mais c’était pour s’y faire liquider en quatre matchs. Ce qui leur était aussi arrivé en 2019, première saison de Brind’Amour derrière le banc.

En réalité, en six ans sous son règne, son équipe a perdu deux fois 4-0 et deux fois 4-1 la série, mettant fin à sa saison. Le duel de cette année contre les Rangers a été plus serré, mais l’effondrement de ce sixième match laissera une profonde empreinte.

Inspirés par une foule en délire, les locaux se sont approprié des avances de 2-0 et de 3-1 au cours des deux premiers tiers. Les visiteurs, en revanche, semblaient incapables de menacer le gardien Frederik Andersen. Ce dernier semblait pourtant bien disposé à distribuer les cadeaux, peinant à contrôler ses retours et luttant parfois avec des tirs de routine. N’eût été un sauvetage spectaculaire de l’attaquant Jordan Martinook, qui a empêché le disque de traverser la ligne des buts en deuxième période, les New-Yorkais auraient amorcé leur remontée plus tôt.

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Igor Shesterkin (31) et Frederik Andersen (31) se serrent la main après la fin du match.

Puis ce qui devait arriver arriva. Sebastian Aho et Jake Guentzel, des Hurricanes, ont touché le poteau deux fois en début de troisième période, mais vous vous souvenez de ce qu’on se disait plus haut sur la valeur de « passer près » ? À l’autre bout de la patinoire, Andersen, lui, a fini par accorder le mauvais but qui semblait lui pendre au bout du nez depuis longtemps : 3-2. Les Canes étaient visiblement ébranlés et le capitaine Jordan Staal a écopé d’une pénalité fort inopportune : 3-3. Plus rien n’allait.

Le but suivant, le troisième de suite de Kreider, on l’a vu venir de très loin : 4-3. Le gardien Igor Shesterkin, peu impressionnant en première moitié de match, a fait le reste, frustrant notamment Andrei Svechnikov en fin de parcours.

Changements

Au risque de se répéter, malgré toutes les qualités des Rangers, les Hurricanes étaient parfaitement maîtres de cette rencontre. Leur brio défensif de la saison aurait pu, et dû, leur permettre de fermer les livres à 3-1. Ce n’est pas arrivé. Brett Pesce leur a cruellement manqué en défense, c’est vrai. Mais ce serait court de s’en tenir à cet argument.

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Jaccob Slavin (74) et Evgeny Kuznetsov (92)

Cette franchise, au cours des six dernières années, s’est bâtie l’indésirable réputation d’un club excellent, voire dominant, en saison, mais incapable d’achever ses adversaires en séries. On évoquait les Leafs, et ce n’est pas fortuit. Depuis 2018-2019, cinq des sept équipes qui ont accumulé le plus de points de classement ont atteint la finale (Boston, Floride) ou gagné la Coupe (Tampa Bay, Colorado, Vegas). Les deux autres sont Toronto et la Caroline.

La comparaison ne tient pas en tous points, puisque dans l’ère Brind’Amour, les Hurricanes ont gagné sept tours de séries. Il y a évidemment une valeur à cela… mais cette valeur est forcément teintée par la nature des déconfitures qui ont, la plupart du temps, mis fin à leurs espoirs.

Parlant de Brind’Amour, on peut légitimement se demander s’il sera de retour l’automne prochain. Il est rare qu’un entraîneur-chef écoule la dernière année de son contrat sans renouvellement ; ç’a pourtant été son cas en 2023-2024. Cherchera-t-on une « nouvelle voix » pour inspirer ce groupe si talentueux ? On ne s’en étonnerait pas.

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L’entraîneur-chef des Hurricanes, Rod Brind’Amour

L’effectif aussi pourrait changer sérieusement de visage. Teuvo Teravainen, Jake Guentzel, Jordan Martinook, Stefan Noesen, Brady Skjei et Brett Pesce, entre autres, s’apprêtent à devenir joueurs autonomes sans compensation. Plus complexe encore : Seth Jarvis, Martin Nečas et Jack Drury seront, à compter du 1er juillet, joueurs autonomes avec compensation. Et l’organisation n’aura qu’une trentaine de millions à dépenser, selon le site CapFriendly. Les sacrifices pourraient être cruels, à moins que l’on réussisse à se séparer de joueurs moins performants, par exemple Brent Burns, Dmitry Orlov ou, exemple le plus évident, Jesperi Kotkaniemi.

Tous ces dossiers chauds attendaient invariablement la direction de l’équipe dans le détour. On déduit toutefois que les Hurricanes croyaient devoir les attaquer quelques semaines plus tard, peut-être même après avoir gagné la Coupe Stanley.

On le sait, ça n’arrivera pas. Par leur faute. Leur très grande faute.