« J’ai une petite histoire à raconter », a lâché Ann-Renée Desbiens, du haut de la scène de la salle de conférence de presse du Centre Bell.

« Ma coiffeuse à Charlevoix, Denise, me racontait que certaines de ses clientes ont 70, 75 ans, a poursuivi la gardienne de l’équipe montréalaise. À chacune de nos parties, elles se font des watch partys. Une d’entre elles conduit une heure et demie parce que les femmes de leur âge n’ont jamais eu la chance de rayonner, la chance d’avoir le soutien, la visibilité qu’on a aujourd’hui. »

« Donc ça va vraiment au-delà des 21 000 personnes qui vont être là demain [samedi]. Ça n’impacte pas seulement les gens qui ont pavé la voie, mais aussi toutes les femmes dans le monde. C’est vraiment important. Je vais profiter de ce moment-là. C’est un moment que je n’oublierai jamais dans ma carrière. Et j’espère que ça va devenir la norme pour notre sport. »

Voilà des semaines que les joueuses de Montréal répondent à des questions au sujet de ce match historique qui aura lieu ce samedi, à 13 h, au Centre Bell.

Elles peinent parfois à trouver les mots pour expliquer ce que ce moment signifie pour elles et pour le hockey féminin. Cette déclaration de Desbiens, prononcée vendredi matin en conférence de presse, résume bien l’importance de l’évènement.

Marie-Philip Poulin, quant à elle, s’est souvenue du 10 décembre 2016, jour où elle a joué une partie au Centre Bell avec les Canadiennes de Montréal de la défunte Ligue canadienne de hockey féminin. À l’époque, 6000 personnes y avaient assisté.

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Marie-Philip Poulin

« C’était surréel. C’était un rêve. Tu sautes sur la patinoire, tu vois des sièges vides et tu espères qu’un jour, ce sera rempli. […] C’est difficile de mettre en mots ce qui arrivera demain. »

« Les partisans ont demandé un match au Centre Bell, avait dit un peu plus tôt la directrice générale, Danièle Sauvageau. On les a entendus. Demain, ce sera mission accomplie. »

Un exploit inattendu

Danièle Sauvageau possède le même talent que Martin St-Louis pour imager ses propos. Afin d’illustrer le travail qui a été fait ces dernières années dans le monde du hockey féminin, la directrice générale a parlé d’une pierre que l’on pousse jusqu’au sommet d’une montagne. « Tout d’un coup, tu la laisses aller et elle déboule… »

C’est exactement ce qui se passe avec le hockey féminin, qui prend finalement la place qu’il mérite. Depuis le début de cette première saison historique, ça n’arrête plus de bien aller.

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Danièle Sauvageau, directrice générale de l’équipe montréalaise

Les joueuses n’ont néanmoins pas été gênées d’admettre qu’elles ne se seraient jamais imaginé jouer au Centre Bell dès l’an un.

« Quand on s’imaginait la ligue, c’étaient les fondations qui étaient importantes, la structure, de dire Desbiens. On savait qu’on allait gagner le cœur des partisans au fur et à mesure qu’ils viendraient nous voir, mais pour moi, remplir le Centre Bell à l’année I… C’était quelque chose qu’on allait peut-être faire plus tard. »

« Nous n’avons jamais pensé que jouer professionnellement dans des places comme le Centre Bell était un rêve ou une possibilité », a ajouté Laura Stacey, qui a pourtant l’habitude des grands moments avec Équipe Canada. « Le sentiment que nous aurons en arrivant sur la patinoire, il est inattendu et on ne l’a jamais vraiment vécu auparavant. Ça ouvre un peu une porte, voire un monde de nouvelles émotions. »

Pour Danièle Sauvageau, ça ne fait pas de doute : « Le hockey féminin est au niveau de l’industrie du sport. Et il n’y a pas de retour en arrière possible. »

Et le match, dans tout ça ?

Les joueuses de l’équipe montréalaise n’auront pas beaucoup de temps pour réaliser ce qu’elles seront en train de vivre, samedi. Elles devront rapidement placer leur attention sur le match qu’elles ont à disputer.

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L’entraîneuse de l’équipe montréalaise Kori Cheverie

Avec quatre parties à jouer cette saison, rien n’est encore coulé dans le béton pour les séries éliminatoires. Jeudi soir, la troupe de Kori Cheverie a réussi à vaincre celle du Minnesota à Verdun. Samedi, elle affrontera Toronto, l’équipe qui occupe le premier rang du classement général avec seulement un point d’avance sur le Minnesota et deux points d’avance sur Montréal.

Détail important : les Montréalaises n’ont gagné aucun de leurs quatre affrontements contre les Torontoises cette saison. Autrement dit, la tâche sera grande.

« Demain, on va prendre une respiration, on va regarder autour, on va voir ce qui se passe, on va prendre ça à l’intérieur, mais quand la rondelle va tomber sur la patinoire, le match va commencer », a lancé Poulin.

« [Il s’agira] de continuer avec notre énergie de [jeudi soir]. On sait qu’on va jouer devant 21 000 personnes, mais au bout du compte, notre but, ça va être de gagner. »

D’autres matchs ?

Interrogée sur la possibilité de jouer plus de matchs dans de plus grands amphithéâtres, Danièle Sauvageau a répondu sans la moindre hésitation : « C’est sur la table présentement. La discussion est ouverte, mais nous allons jouer devant plus de gens. Comment ? C’est une combinaison des trois [l’Auditorium de Verdun, la Place Bell et le Centre Bell], probablement, mais nous allons augmenter. Les gens me demandent comment ils peuvent avoir des billets pour [ce samedi]. Je leur dis : peut-être qu’on pourrait vous installer dans le stationnement. […] Nous devons répondre à ça. Nous allons faire le mieux possible pour faire plaisir au plus de gens possible. »