(Ottawa) Il ne se trouve pas grand monde, à travers la LNH, pour pleurer sur le sort des Coyotes de l’Arizona.

Au cours de ses 28 saisons dans le désert, l’organisation a bien davantage fait parler d’elle pour ses problèmes – surtout financiers – que pour ses performances sur la glace.

L’équipe a joué dans trois villes différentes et connu toutes sortes de conflits avec les autorités locales. Déjà raillée par bien du monde, elle s’est établie la saison dernière dans un aréna de moins de 5000 places assises. Son déménagement imminent à Salt Lake City, à bien des égards, mettra un point final à une longue agonie.

Il existe toutefois une réelle communauté d’amateurs de hockey en Arizona. L’intérêt grandissant envers ce sport a mené à un accroissement de sa pratique chez les jeunes, et voilà que les premiers joueurs issus de cet État méridional apparaissent dans la LNH. Ils ne sont pas nombreux, mais ils sont fiers de revendiquer leurs origines.

Mark Kastelic, des Sénateurs d’Ottawa, fait partie d’un trio d’Arizoniens établis sur le circuit – les autres étant Auston Matthews et Matthew Knies, des Maple Leafs de Toronto. En ce samedi matin, après l’entraînement de son équipe en prévision au match contre le Canadien, il ne cache pas sa tristesse à l’idée de voir le club de son enfance s’envoler vers l’Utah.

« Ça fait mal », souffle-t-il, d’une voix douce qu’on n’aurait pas soupçonnée chez ce colosse de 6 pi 4 po.

L’histoire familiale de Kastelic est intimement liée à celle du hockey en Arizona. Son père, Ed, né en Ontario, a roulé sa bosse une quinzaine d’années dans le hockey professionnel nord-américain. Il a disputé une saison avec les Roadrunners de Phoenix, dans la défunte Ligue internationale et, à sa retraite, après quelques années passées en Europe, c’est là qu’il est retourné pour fonder une famille. Son oncle, Mike Stapleton, a quant à lui disputé trois saisons avec les Coyotes à la fin des années 1990.

Né en 1999, Mark a « grandi en regardant les Coyotes ». Enfant, il adulait Curtis Joseph, Mike Smith, Shane Doan, Radim Vrbata… Les souvenirs des séries éliminatoires de 2012, au cours desquelles les Yotes avaient successivement vaincu les Red Wings de Detroit et les Predators de Nashville, sont encore frais à sa mémoire.

Je ne connais pas la vie en Arizona sans hockey de la LNH. Du point de vue de la ligue, j’imagine que c’est ce qu’il fallait faire [le déménagement]. Mais c’est vraiment malheureux.

Mark Kastelic

Essor

Ce n’est pas une situation extrêmement documentée au nord du continent, mais le hockey a connu un véritable essor dans cette région des États-Unis.

En novembre dernier, La Presse décrivait les succès fracassants des Sun Devils de l’Université de l’Arizona, qui évoluent en première division de la NCAA. Greg Powers, leur entraîneur-chef, liait directement le développement du hockey en Arizona à la présence des Coyotes.

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En Arizona, les inscriptions au hockey mineur ont augmenté de 135,5 % au cours de la dernière décennie, selon USA Hockey. Des arénas ont poussé dans les grandes villes de l’État, et on s’y arrache les heures de glace.

Kastelic, comme Matthew Knies, a grandi au sein des Coyotes Junior. En 2014, les Hitmen de Calgary, dans la Ligue junior de l’Ouest, l’ont repêché au deuxième tour. En 2019, les Sénateurs l’ont repêché au cinquième tour. Il dispute actuellement sa première saison complète dans la LNH.

À ses yeux, il est « terrible » qu’aucune solution n’ait été trouvée pour assurer la survie des Coyotes. Il se considère comme « la preuve vivante » que le hockey est en croissance en Arizona.

Je me sens mal pour les jeunes qui ne pourront plus encourager leur équipe. De loin, on peut penser que le hockey n’a pas sa place là-bas [en Arizona], mais quand on prend la peine de s’y intéresser, on découvre à quel point les partisans sont passionnés par le hockey.

Mark Kastelic

D’après lui, les difficultés de l’organisation à s’établir en permanence dans un aréna auront causé sa perte. Son choix, par défaut, de jouer au Mullett Arena, un complexe initialement prévu pour un club universitaire, a constitué « le dernier clou dans le cercueil ».

« Il leur fallait un aréna de la LNH, tranche Kastelic. À Glendale [de 2003 à 2022], la localisation n’était pas bonne, mais au moins, c’était un grand amphithéâtre. En séries, il était rempli. On sentait la passion. »

Il ne garde que de bons souvenirs de ses deux visites au Mullett Arena, un édifice « petit, mais à la fine pointe ». Il attribue cependant son emballement à la fébrilité d’enfin jouer devant parents et amis. « J’étais tellement content d’être là… »

Rentrer chez lui l’été et ne plus s’entraîner avec des professionnels établis dans la région de Phoenix à l’année « sera bizarre », conclut-il. Plus rien ne sera pareil.

Selon les dernières informations disponibles, il semble que l’actuel propriétaire des Coyotes, Alex Meruelo, ait conclu avec la ligue une entente lui garantissant le retour d’une franchise d’ici cinq ans si son projet d’aréna à Scottsdale voit le jour.

Le hockey de la LNH n’est donc pas complètement mort en Arizona. Pour beaucoup, dont Mark Kastelic, c’est toutefois un deuil bien réel qui s’amorce.