(Ottawa) Chaque année, dans toute la LNH, à peine une dizaine de défenseurs, parfois moins, atteignent la barre des 60 points. Dans la riche histoire du Canadien, ils sont seulement 10 à l’avoir fait.

Le seuil qu’a atteint Mike Matheson à Long Island, jeudi soir, n’a donc rien de banal. Au sein de l’organisation du Tricolore, ceux qui sont passés par là avant lui sont essentiellement des membres du Temple de la renommée du hockey – Larry Robinson, Guy Lapointe, Serge Savard, Chris Chelios –, sinon des arrières qui ont fait partie de l’élite du circuit à leur époque – Jean-Claude Tremblay, Andrei Markov, P.K. Subban…

Depuis des mois, on parle beaucoup de Nick Suzuki, dont les 76 points forment déjà la deuxième meilleure récolte d’un joueur du CH au XXIsiècle. Matheson navigue dans les mêmes eaux, lui qui s’approche des 64 points de Sheldon Souray (2006-2007) et d’Andrei Markov (2008-2009).

En mêlée de presse, vendredi, après l’entraînement de son club dans la région d’Ottawa, le Montréalais s’est peu ému de ses exploits. Ce n’est qu’après le match contre les Islanders qu’on l’a informé qu’il grossissait un club aussi sélect, a-t-il assuré.

« Ce n’est pas quelque chose que je regarde beaucoup, a-t-il dit en souriant. Plus je pense à ça, moins je me concentre sur les aspects de mon jeu qui m’aident à bien jouer. En même temps, ça montre que je suis chanceux de jouer avec d’aussi bons joueurs. Tu ne peux pas amasser 50 mentions d’aide si d’excellents joueurs ne sont pas avec toi sur la patinoire. »

En eaux profondes

La saison que connaît Mike Matheson sur le plan offensif est assurément exceptionnelle. Cela étant, lorsque l’on étudie la liste des récoltes d’au moins 60 points dans l’histoire du CH, une autre statistique saute aux yeux.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Mike Matheson connaît une saison offensive impressionnante, atteignant le plateau des 60 points.

À -24, le différentiel du défenseur est démesurément inférieur à celui de ceux qui le précèdent. En cela, sa performance rappelle celle de Sheldon Souray évoquée plus haut : 64 points et -28.

Le différentiel est une statistique lourdement imparfaite, ne serait-ce qu’en raison des buts inscrits dans des filets déserts. Et un joueur peut se voir attribuer un +1 ou un -1 sans avoir eu d’impact sur le jeu.

Qu’à cela ne tienne, les extrêmes sont généralement révélateurs. Tout en haut de la liste, on retrouve de bons joueurs évoluant dans de bonnes équipes. Tout en bas, des joueurs défensivement vulnérables, notamment, mais surtout des patineurs associés à de mauvaises équipes – 9 des 10 derniers rangs de la LNH sont actuellement occupés par des joueurs des Sharks de San Jose ou des Blackhawks de Chicago.

Le cas de Matheson est plus nuancé. À cinq contre cinq, il affronte la crème de la crème du circuit soir après soir, a souligné Martin St-Louis, vendredi. Cela nous semblait déjà une évidence, mais une rapide compilation de La Presse le confirme.

Pour chacun des huit principaux défenseurs du Tricolore, nous avons établi la liste des 15 attaquants contre lesquels ils ont disputé le plus de minutes à cinq contre cinq en 2023-2024. Pour l’ensemble de la saison, toujours à cinq contre cinq, les top 15 de Matheson et de Kaiden Guhle ont maintenu des moyennes de points par match de 0,61 et 0,6, respectivement. Derrière eux, David Savard (0,49) et Jordan Harris (0,44) ont eux aussi dû composer avec des affectations corsées, auxquelles on a davantage soustrait Justin Barron (0,41) et Johnathan Kovacevic (0,39), mais surtout Arber Xhekaj (0,32) et Jayden Struble (0,31).

Matheson, en outre, avale beaucoup, beaucoup de minutes. Dans toute la LNH, seuls Drew Doughty et John Carlson ont un temps de glace moyen supérieur au sien (25 min 31 s).

« Plus notre équipe va s’améliorer, plus son différentiel va s’améliorer », a prédit Martin St-Louis. Matheson, lui, a avoué qu’il pouvait être « frustrant » de voir ce -24 entacher sa fiche, « mais ce n’est pas ça le plus important », a-t-il précisé.

Il avance que plusieurs des buts qui se sont marqués contre lui l’ont été dans une cage déserte (13, en effet), ou que bien d’autres n’étaient sans doute « pas [sa] faute ». « Mais il y en a qui étaient ma faute, et c’est à ceux-là que je pense le plus », ajoute celui qui se décrit comme son critique le plus sévère.

« Je veux juste être meilleur dans tous aspects du match, renchérit-il. Je regarde cette année, et je me souviens beaucoup plus des jeux que j’aimerais revoir, pour lesquels j’aurais pu faire quelque chose de différent. »

« Gérer le risque »

Il est vrai que les statistiques, comme l’a encore souligné Martin St-Louis, « ne racontent pas toute l’histoire ».

Il n’en demeure pas moins que le jeu de Matheson, malgré toutes ses qualités individuelles, est imparfait. Ses indicateurs défensifs sont essentiellement dans le rouge, et il se retrouve sur la glace pendant… beaucoup de buts de l’adversaire. À cinq contre cinq, surtout, mais aussi lorsque son équipe évolue en avantage numérique – là encore, la responsabilité est partagée. Sobrement, St-Louis parle de l’importance pour lui de « gérer le risque qu’il prend durant les matchs ».

« C’est un joueur qui a beaucoup d’atouts, a-t-il rappelé. Comme entraîneur, il faut trouver l’équilibre pour coacher des joueurs comme ça. Il faut qu’il soit responsable défensivement, mais c’est aussi un joueur qui peut changer l’allure d’un match avec ses atouts. »

C’est plus facile de demander à un gars de gérer le risque que de demander à un gars d’en faire plus.

Martin St-Louis

Matheson, de son côté, aborde la suite des choses avec humilité. « J’ai beaucoup plus à donner, croit-il. C’est emballant. Je vais continuer à travailler pour atteindre de nouveaux niveaux. »

La déclaration peut paraître banale. Mais venant d’un joueur qui, à l’aube de la trentaine, pulvérise tous ses précédents sommets personnels, on peut présumer qu’elle est prononcée avec sérieux.

Primeau contre les Sénateurs

PHOTO MARY ALTAFFER, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Cayden Primeau

Cayden Primeau sera le gardien partant du CH contre les Sénateurs d’Ottawa, samedi. L’Américain a subi la défaite en temps réglementaire à ses deux plus récents départs, sa première séquence du genre cette saison. Par ailleurs, Kaiden Guhle ne s’est pas entraîné avec ses coéquipiers, vendredi, lui qui les a pourtant suivis dans ce voyage de trois matchs. À moins d’une surprise de taille, il ne devrait pas être en uniforme à Kanata.