Pauvre Mike Grier. On a encensé le travail de son homologue Kelly McCrimmon, des Golden Knights de Vegas, pour l’acquisition de Tomas Hertl, mais pas un mot sur le sien.

Dans un contexte de reconstruction, le directeur général des Sharks de San Jose a pourtant réussi à se défaire d’un joueur de 30 ans sous contrat pour encore six ans, et son salaire annuel de 6,75 millions, doté d’une clause complète de non-échange, tout en recevant un choix de premier tour en 2025 et un espoir repêché au 32rang l’an dernier, le centre David Edstrom.

Hertl demeure un centre de qualité. Gros gabarit, 6 pieds 3 pouces et 215 livres, une production moyenne de 67 points par saison depuis six ans. En route vers une saison de 58 points cet hiver.

Les Sharks ne seront pas compétitifs avant au moins trois ou quatre ans. Hertl fêtera ses 31 ans en novembre. Il aurait eu 35 ans au moment où San Jose aspirerait à des jours meilleurs. On gaspillait, et on aurait gaspillé, quatre ans de talent et d’argent (il touchait 8,1 millions annuellement à San Jose, gracieuseté du prédécesseur de Grier, Doug Wilson, mais les Sharks absorberont 17 % du salaire d’Hertl).

* Toutes les informations sur les salaires proviennent du site capfriendly. com.

Mike Grier a hérité d’une organisation à la dérive lors de son embauche, en juillet 2022. Les Sharks venaient de rater les séries éliminatoires trois années de suite et de perdre leur premier choix de 2020, troisième au total, pour obtenir Erik Karlsson. San Jose était garni de vedettes en perte de vitesse surpayées pour encore de nombreuses années. En bref, les Sharks ressemblaient à ce que les Penguins de Pittsburgh ressembleront d’ici deux ans.

Le DG des Sharks aurait-il pu être plus patient dans le dossier Brent Burns, au lieu de se contenter d’un modeste choix de troisième tour des Hurricanes de la Caroline en juillet 2022 ? Probablement. Grier venait d’arriver en poste, Burns avait 37 ans, avait déjà entamé son déclin, quoiqu’une saison de 54 points n’avait rien de désastreux, mais la perspective d’inscrire 8 millions par année sur la masse salariale pendant encore trois ans ne plaisait pas aux Sharks.

Grier s’est bien repris avec Erik Karlsson. Il a profité d’une production inespérée de 101 points de son défenseur de 33 ans l’an dernier, et d’un club désespéré, pour obtenir des Penguins leur choix de premier tour en 2024.

Le choix des Penguins est situé au neuvième rang à l’heure actuelle. Le DG Kyle Dubas détient cependant une clause de protection et pourrait garder ce choix s’il se trouve parmi les dix premiers en 2024 et céder celui de l’an prochain.

Pittsburgh sera-t-il supérieur en 2024-2025 ? Dubas doit faire un gros travail d’introspection. S’il garde son choix de top 10, il n’a plus de filet protecteur pour l’an prochain. Les Sharks pourraient même mettre la main sur le premier choix au total si les Penguins s’écroulent dans la cave du classement !

L’échange de Timo Meier aux Devils du New Jersey, en février 2023, a été critiqué au départ, mais paraît mieux aujourd’hui. Meier était le meilleur compteur des Sharks au moment de la transaction, mais il allait avoir 27 ans en octobre et était à un an et quelques mois de son autonomie complète. Les Sharks n’allaient évidemment pas lui offrir de prolongation de contrat dans un contexte de reconstruction.

Grier a obtenu le choix de premier tour des Devils en 2023, un espoir de 21 ans, le défenseur Shakir Mukhamadulin, repêché au 20rang en 2020, et l’attaquant de 23 ans Fabian Zetterlund.

Les Sharks ont repêché l’ailier Quentin Musty au 26rang. Ce jeune homme de 6 pieds 2 pouces et 200 livres toujours âgé de 18 ans fait un malheur à nouveau dans la Ligue junior de l’Ontario avec 87 points, dont 35 buts, en seulement 47 matchs à Sudbury. Ses détracteurs lui reprochent un manque d’intensité/de souci du détail défensif par moments, voyons comment il progresse à ce chapitre.

Mukhamadulin, 22 ans en janvier, poursuit son apprentissage dans la Ligue américaine. Ce défenseur de 6 pieds 4 pouces et 185 livres a amassé 27 points en 47 matchs jusqu’ici dans les mineures et a eu droit à un bref rappel de trois matchs en janvier, où il en a profité pour obtenir un premier point.

Zetterlund surprend. Il a passé la majorité de la saison au sein du premier trio et s’achemine vers une saison de 39 points, dont 21 buts.

Meier a signé une prolongation de contrat de huit ans pour 70 millions en juin, un salaire annuel de 8,8 millions sur la masse salariale. Meier a 34 points, dont 18 buts, en 51 matchs cette saison, une fiche de -23, la pire après celle de la recrue Luke Hughes, après une fin de saison décevante l’an dernier.

Les choses pourraient néanmoins changer avec le congédiement de Lindy Ruff. Meier a obtenu six points en trois matchs depuis le départ de Ruff la semaine dernière et vu son temps d’utilisation augmenter de plusieurs minutes sous Travis Green.

Les Sharks ont repêché le centre Will Smith au quatrième rang en 2023, devant David Reinbacher. À sa première saison dans la NCAA, à seulement 18 ans, Smith a une production hallucinante de 57 points en seulement 34 matchs à Boston College, avec ses anciens coéquipiers du programme de développement américain, Gabriel Perreault et Ryan Leonard. Il a cinq points de plus que Cutter Gauthier, cinquième choix au total en 2022, échangé récemment à Anaheim.

Le septième choix au total de 2021, William Eklund, 21 ans, est désormais implanté au centre du deuxième trio des Sharks. Il a obtenu 11 points à ses 14  derniers matchs, après en avoir amassé 19 à ses 47 premiers.

Au repêchage, l’an dernier, ils ont échangé le 11choix au total aux Coyotes de l’Arizona pour obtenir les 27e, 34e et 45choix. Les Coyotes ont repêché Conor Geekie, les Sharks les centres Filip Bystedt et Cam Lund, et le défenseur Mattias Havelid. Bystedt et Havelid poursuivent leur progression en Suède, Lund a presque un point par match à sa deuxième saison à Northeastern, dans la NCAA.

Les Sharks sont à égalité au dernier rang de la LNH avec les Blackhawks de Chicago, mais ont disputé deux matchs de plus. Ils repêcheront parmi les quatre premiers, avec 13,5 % de chances de remporter la loterie et mettre la main sur le surdoué Macklin Celebrini. Ce taux passera à 25 % si les Blackhawks les devancent.

San Jose possèdera un deuxième choix de premier tour si les Penguins cèdent le leur, deux choix de premier tour en 2025 avec celui obtenu des Golden Knights pour Hertl et un choix de deuxième tour des Devils en 2025 dans la transaction pour Meier. Ils ont cédé à Vegas deux choix de troisième tour, en 2025 et 2027 dans l’échange pour Meier.

Les reconstructions ne garantissent jamais de résultats favorables, mais celle des Sharks est bien entamée dans les circonstances.

Les Golden Knights et les choix au repêchage

PHOTO DAVID BECKER, ASSOCIATED PRESS

Vegas a prouvé ces dernières saisons qu’ils pouvaient maintenir un niveau d’excellence en sacrifiant leurs choix au repêchage et leurs espoirs. Pourquoi changer une formule gagnante ? Pour obtenir Tomas Hertl et deux joueurs de location autonomes sans compensation à la fin de la saison, Noah Hanifin et Anthony Mantha, ils ont donc cédé deux choix de premier tour, en 2025 et 2026, leur espoir repêché au premier tour en 2023, David Edstrom, deux choix de deuxième tour, en 2024 et 2025, des choix de quatrième et cinquième tour et le défenseur Daniil Miromanov.

Les Golden Knights ne pourront sans doute pas conserver Hanifin avec l’arrivée de Hertl et son salaire annuel frisant les 7 millions, à moins de réussir un autre spectaculaire exercice gymnastique au plan salarial.

Mais avec une Coupe Stanley en 2023, des carrés d’as en 2020 et 2021, une finale en 2018, qui peut douter de leur stratégie ?