Samedi soir, il y a un peu plus d’une semaine, Rosalie Demers soulignait avec sa famille le 88e anniversaire de sa grand-mère. Vers 17 h 30, un texto a fait vibrer son cellulaire.

« Est-ce que je peux t’appeler ? »

C’était Michael Hirshfeld, directeur général de l’équipe d’Ottawa de la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF). Le lendemain matin, à 7 h, la hockeyeuse de 23 ans était dans sa voiture en direction de la capitale fédérale. Elle venait d’accepter un contrat d’un an, le premier de sa carrière. Elle devait toutefois se dépêcher pour rejoindre ses coéquipières, qui s’apprêtaient à sauter dans l’avion vers Boston pour y disputer deux matchs.

« J’ai paqueté ma valise et je suis partie. Je ne sais pas trop ce que j’ai apporté ! », a-t-elle raconté en riant, vendredi, dans une entrevue avec La Presse.

Après le doublé bostonien, l’équipe a mis le cap sur Montréal en vue du match de samedi après-midi à Verdun. À son arrivée dans la métropole, Demers est passée chez elle, le temps de faire une brassée de lavage et de souffler un peu, après une semaine « émotive ». « Je suis vraiment contente d’avoir cette occasion de faire partie d’une si belle équipe », a-t-elle dit.

Cette séquence un peu folle s’est conclue samedi par son premier match de la saison. Une rencontre au cours de laquelle elle a été blanchie. « Je trouve que ça s’est bien passé pour une première game », nous écrira-t-elle après coup.

Ce qui lui arrive, Rosalie Demers ne l’a pas volé. Elle l’attendait même depuis longtemps.

Cette native de Blainville n’est pas la plus connue des joueuses québécoises. Elle est essentiellement passée sous le radar médiatique lorsque les organisations de la LPHF ont constitué leur effectif, l’automne dernier. Plusieurs joueuses du circuit, toutefois, la connaissent bien.

Après avoir passé quatre ans à l’Université Colgate, dans l’État de New York, elle s’est entraînée pendant toute la saison  2022-2023 au centre 21,02, à Montréal, avec certaines des meilleures athlètes du pays – Marie-Philip Poulin, Laura Stacey et Ann-Renée Desbiens, entre autres. Puisqu’elle était la plus jeune joueuse du groupe d’entraînement, elles l’ont prise « sous leur aile », affirme l’attaquante.

À la suggestion de Jessie Eldridge, son ancienne capitaine à Colgate, elle s’est jointe à l’équipe Harvey’s dans la défunte Association des joueuses professionnelles (PWHPA). Au sein d’un club constitué exclusivement de joueuses plus vieilles, notamment des membres des équipes nationales canadienne et américaine, elle a disputé les 20 matchs de son club, amassant 3 points.

« Monde professionnel »

Au cours de cette saison, elle dit avoir appris « à se comporter dans un monde professionnel ». Cette expérience a aussi facilité sa transition après sa carrière universitaire, dont elle avait appréhendé la fin.

« Quand j’ai obtenu mon diplôme, j’ai vécu un moment d’inquiétude par rapport à mon futur, avoue-t-elle. On ne savait pas si la ligue fonctionnerait, si on allait pouvoir vivre de ça. Je me suis retrouvée dans un trou ; j’avais un peu perdu mon identité. Je joue depuis que je suis toute petite. »

Quand le monde me demande qui je suis, je réponds que je suis une joueuse de hockey. Il n’y a pas grand-chose d’autre pour moi. C’est juste ma passion.

Rosalie Demers

La jeune femme ne se résume évidemment pas qu’à son sport. Elle a développé, pendant ses études en psychologie et en sciences du cerveau, une fascination pour le développement des enfants. De quoi lui donner une bonne idée de sa vie après sa carrière de hockeyeuse.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Rosalie Demers

Le hockey professionnel, toutefois, c’est maintenant que ça se passe. Après avoir vu la LPHF prendre vie l’été dernier, Demers s’est rendue admissible au repêchage du mois de septembre. À défaut d’être sélectionnée, elle a reçu une invitation au camp d’entraînement à Ottawa. A priori, elle ne connaissait personne dans l’organisation, si ce n’est l’entraîneuse-chef Carla MacLeod et son adjointe Haley Irwin, seulement de réputation, parce qu’elles avaient participé à la conquête olympique de 2010.

Elle a donc tout donné pour montrer de quoi elle était capable. C’est-à-dire être « une joueuse d’énergie », rapide, prête à remplir plusieurs rôles, notamment « déranger l’adversaire et jouer des minutes importantes », résume-t-elle.

Reconnaissante

Elle est ressortie du camp sans contrat, mais avec un poste de réserviste. C’était déjà ça de gagné.

Depuis le début de la campagne, en janvier, elle s’est rendue à Ottawa une à deux fois par semaine pour s’entraîner avec le groupe principal, et elle a assisté à la majorité des matchs locaux du club. Elle a découvert des partisans passionnés, qui n’ont pas hésité à huer Marie-Philip Poulin lors de la joute inaugurale contre Montréal. « C’est ce qu’on veut, que les fans soient engagés comme ça ! », note-t-elle.

Il y a deux semaines, des directeurs généraux de la LPHF ont commencé à s’activer. Minnesota et Boston se sont échangé des joueuses. Et à Ottawa, on a libéré l’attaquante Mikyla Grant-Mentis. Le jour même, on offrait un contrat à Rosalie Demers.

Au moment de la discussion avec La Presse, vendredi, elle ne savait pas encore qu’elle ferait ses débuts le lendemain, à Verdun, devant sa famille. Au bout du fil, toutefois, la fébrilité était bien perceptible.

« Être de retour officiellement dans une équipe, c’est un grand soulagement, a-t-elle dit. Ça me manquait, de faire partie d’un groupe, d’une famille. Je suis vraiment reconnaissante. »

Et probablement que le meilleur est encore à venir.