Le processus de reconstruction auquel se prête le Canadien creuse inévitablement un fossé entre les objectifs de l’organisation et le quotidien des joueurs.

La direction du club a, on l’imagine, un objectif en tête. Le chemin pour l’atteindre, toutefois, est aride. Les défaites s’accumulent, les unes après les autres.

Que ce soit par séquences – les cinq revers consécutifs que vient de subir l’équipe, par exemple. Ou à grande échelle : depuis le début de la saison 2021-2022, le Tricolore a essentiellement perdu deux fois plus de matchs (147) qu’il en a gagné (75).

Nick Suzuki était sur la glace pour chacun de ces matchs. Il est donc un interlocuteur crédible quand il affirme à quel point il peut être « frustrant » de composer avec des résultats aussi décevants, surtout récemment. Si la reconstruction peut sembler abstraite par moments, les défaites, elles, sont très concrètes.

« On veut gagner autant de matchs que possible. On a eu cet état d’esprit toute la saison, ça ne va pas changer », a-t-il assuré, lundi matin, après l’entraînement de son équipe.

Un reporter lui a demandé s’il ressentait un empressement à, enfin, connaître une saison gagnante. « Oui, bien sûr, a-t-il répondu. Les dernières années ont été difficiles dans la colonne des victoires, et on a perdu des éléments importants. »

On doit être patients, le temps va venir.

Nick Suzuki

Suivre l’équipe au quotidien permet de mesurer les fluctuations dans l’humeur du groupe.

Après les deux plus récentes défaites, jeudi à Pittsburgh et samedi au New Jersey, les visages étaient longs. Les joueurs qui entraient dans le vestiaire et en sortaient avaient des mines d’enterrement. À l’évidence, personne n’avait en tête le portrait global [« big picture »] dont ils parlent à l’unisson à tête reposée, comme lundi matin, au centre d’entraînement de Brossard.

« Dans le moment, tu es frustré, tu es furieux, confirme Jordan Harris. Mais on a eu le temps de dormir là-dessus. Aujourd’hui, on peut regarder le portrait global. Mais quand tu es dans le match, tu te concentres à gagner. Les émotions augmentent, et c’est là que naît la frustration. »

PHOTO CHARLES LECLAIRE, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Jordan Harris

« Et je pense que la manière dont on a perdu récemment rend ça encore plus frustrant : on était dans chaque match, tout près, juste là, mais on a été incapables de terminer le travail. »

Perdre autant, « comme compétiteur, c’est terrible », a poursuivi le défenseur.

Dualité

Martin St-Louis est conscient de cette dualité. Il tente donc de se détacher le plus possible des émotions du match, peu importe le pointage final.

« C’est facile, après une victoire, de se faire convaincre qu’on a bien joué, comme c’est facile, après une défaite, de dire qu’on a mal joué », a-t-il noté.

« Je fais attention à ça. Tout part avec la vérité. Parfois, on va gagner des matchs et les réunions [subséquentes] ne sont pas trop positives. Et parfois, on perd, mais les réunions sont plus positives. C’est la vérité, c’est comme ça qu’on avance. Si on se concentre seulement sur le résultat final d’un match, c’est dur de s’améliorer et d’avoir de la constance. Il y a trop de zones grises. »

PHOTO CHARLES LECLAIRE, USA TODAY SPORTS

« C’est facile, après une victoire, de se faire convaincre qu’on a bien joué, comme c’est facile, après une défaite, de dire qu’on a mal joué. Je fais attention à ça », note l’entraîneur-chef Martin St-Louis.

C’est justement le discours qu’il a offert à ses joueurs, lundi. « On a parlé de chances de marquer, a indiqué Jordan Harris. Récemment, on a eu le meilleur sur tous nos adversaires. C’est frustrant [de perdre], mais il y a beaucoup de positif. »

Aux journalistes, St-Louis a même affirmé que ses hommes venaient de connaître « une de leurs meilleures séquences de cinq ou six matchs de la saison ».

La déclaration peut faire sursauter. Or, en y regardant de plus près, on constate qu’au cours des sept dernières rencontres, le Canadien offre un bien meilleur rendement à cinq contre cinq que dans l’ensemble des 51 matchs jusque-là. Cette amélioration se traduit sur les plans de la possession de rondelle, du partage des chances de marquer et du jeu défensif en général, calcule le site Natural Stat Trick.

Six de ces sept matchs se sont pourtant soldés par une défaite. Comme quoi, comme le répète souvent St-Louis, tout dans la vie n’est pas juste, surtout pour un club aussi vulnérable.

« Notre jeu évolue dans la bonne direction, a estimé Michael Pezzetta. On est tout près de se sortir de cette situation et d’aller vers l’avant. Il faut regarder le portrait global, rester positifs et prendre les petites victoires. »

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Michael Pezzetta et Johnathan Kovacevic

« Mais en définitive, une défaite est une défaite, a-t-il ajouté. On vient d’en perdre cinq de suite. On doit trouver une manière de gagner. »

Que la prochaine victoire survienne dès ce mardi contre les Coyotes de l’Arizona ou après, le crédo de l’entraîneur-chef ne changera pas. Au cours des 24 derniers matchs du calendrier, il souhaite voir ses joueurs démontrer « des intentions honnêtes qui aident l’équipe à gagner ». L’apprentissage se poursuivra, peut-être parfois dans la douleur.

Dans des séquences aussi difficiles, les joueurs sont-ils parfois plus durs à convaincre de la direction empruntée ?, lui a demandé un journaliste.

« Ça dépend comment tu mesures le succès, lui a répondu St-Louis. Si un joueur n’est pas convaincu de la manière dont on fait les choses, peut-être qu’il n’est pas à sa place ici. »

Montembeault contre les Coyotes, Struble à l’entraînement

PHOTO CHARLES LECLAIRE, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Jayden Struble

Jayden Struble semblait en pleine forme à l’entraînement de lundi matin. C’est une bien bonne nouvelle, car il n’en menait pas large, jeudi soir à Pittsburgh, lorsqu’il a péniblement retraité au vestiaire après avoir été saisi d’une étrange douleur. En mêlée de presse, il a dit avoir ressenti un « pincement » au dos, mais que la douleur avait rapidement passé. Il a néanmoins sauté son tour pour le match de samedi. À le voir prendre part aux rotations régulières à Brossard, on peut s’attendre à ce qu’il soit de retour dans l’escouade défensive ce mardi, tandis que Jordan Harris ou Johnathan Kovacevic risque d’être laissé de côté. C’est par ailleurs Samuel Montembeault qui sera devant le filet du Canadien. Le Québécois a perdu ses trois derniers matchs.