On ne pourra jamais reprocher au président des Blue Jackets de Columbus, John Davidson, son manque de franchise.

« Nous ne sommes pas encore prêts à gagner, de toute évidence », a-t-il admis lundi au collègue Aaron Portzline, affecté à la couverture du club depuis de nombreuses années.

Un discours aux antipodes de ses déclarations de septembre, à l’occasion du départ de Mike Babcock et de l’arrivée du nouvel entraîneur Pascal Vincent. « Mon enthousiasme demeure le même sur ce que nous serons en mesure d’accomplir cette saison. Nous devons nous améliorer de façon importante et je nous crois capables de le faire. Nos propriétaires y croient également. C’est à nous de le prouver. »

Il a fallu 19 matchs à Davidson pour comprendre ce qui semblait pourtant une évidence même avant le début du camp d’entraînement : les Blue Jackets sont encore très jeunes et n’ont pas encore les outils pour aspirer aux séries.

Leur fiche de 4-11-4 leur confère le 29rang au classement général, mais ils chuteraient d’un rang derrière les Oilers d’Edmonton si on tenait compte du taux de victoires.

Columbus semblait tellement convaincu de ses chances de succès cet hiver que le DG Jarmo Kekalainen a cédé un choix de premier tour, 22e au total, en 2023 et un choix de deuxième tour en 2024 pour obtenir le défenseur des Flyers Ivan Provorov et qu’il a accordé 50 millions pour huit ans au défenseur de 29 ans Damon Severson, pourtant relégué au sein de la troisième paire au New Jersey l’an dernier.

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Damon Severson

Un an avant cette opération de consolidation en défense, les Blue Jackets accordaient 68 millions pour sept ans à l’ailier de 29 ans Johnny Gaudreau douze mois après avoir échangé son meilleur défenseur Seth Jones pour des espoirs et des choix au repêchage. Gaudreau débarquait donc à Columbus à l’aube de la trentaine au sein d’une équipe au cœur d’une reconstruction.

Or, on embauche généralement ce profil de joueur quand on possède un club aguerri, prêt à rivaliser pour une Coupe Stanley, afin de ne pas gaspiller les dernières bonnes années du joueur au début de la trentaine avec une formation trop peu mature pour aspirer aux séries.

Aaron Portzline a osé poser la question qui tue au président des Blue Jackets :

« Ce club a-t-il été construit de la bonne façon, c’est-à-dire Gaudreau et Patrik Laine sont-ils des leaders ?

— C’est une bonne question, une question légitime, a répondu le président.

La réponse de John Davidson voulait tout dire.

Les Blue Jackets pourraient perdre un dixième match de suite mercredi à Chicago. Il s’agirait d’un triste record d’équipe pour une organisation qui a pourtant eu son lot de saisons difficiles depuis sa naissance en 2000.

Jarmo Kekalainen a été embauché à titre de directeur général en 2012. Ce brillant recruteur est difficile à suivre dans un rôle de gestionnaire.

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Jarmo Kekalainen, en 2015

On pouvait s’attendre à une vague de rajeunissement à son arrivée puisqu’il a hérité d’un club médiocre, le pire de la LNH.

N’échangeait-il pas Jeff Carter aux Kings de Los Angeles en février 2012 pour un choix de premier tour et le défenseur de 25 ans Jack Johnson, et Rick Nash aux Rangers quelques mois plus tard pour une bande de jeunes joueurs ?

Mais l’acquisition en 2013 de Marian Gaborik, alors âgé de 31 ans, pour un jeune Derek Brassard, 25 ans, et le défenseur John Moore, laissait entrevoir le contraire. La transaction a constitué un fiasco total et Gaborik a été vendu au rabais aux Kings de Los Angeles avant même de disputer une saison complète à Columbus.

L’arrivée d’Artemi Panarin, obtenu contre Brandon Saad, l’acquisition du défenseur Seth Jones contre Ryan Johansen, l’éclosion du jeune Zach Werenski et la tenue du gardien Sergei Bobrovsky a permis à Columbus de rêver grand pour la première fois de son histoire en 2016. On a même pris part aux séries deux années de suite en 2017 et 2018, une première dans l’histoire de cette organisation.

Mais dès 2019, Kekalainen, bien malgré lui, a été confronté à une situation impossible, ses stars Bobrovsky et Panarin menaçaient de quitter à la fin de la saison pour explorer le marché des joueurs autonomes.

Notre homme a tenté le tout pour le tout et refusé d’échanger ses deux vedettes à la date limite des transactions, quitte à les perdre sans rien obtenir en retour. Il a même joué davantage d’audace en acquérant les joueurs de location Matt Duchene et Ryan Dzingel moyennant un choix de premier tour et deux choix de deuxième.

Columbus a surpris Tampa Bay au premier tour, mais perdu au second. Tout ce beau monde a quitté à l’été 2019 et il a fallu repartir à zéro avec une jeune équipe.

En 2021, les vétérans, et éventuels joueurs autonomes sans compensation, David Savard et Nick Foligno étaient échangés pour des choix de premier tour. Seth Jones quittait à son tour pour Chicago contre deux choix de premier tour, un choix de deuxième et un jeune défenseur, Adam Boqvist.

La demande de transaction de son jeune premier centre Pierre-Luc Dubois a évidemment compliqué les choses. Kekalainen a pu s’en sortir en obtenant Laine, un joueur du même âge et aux mêmes problèmes de constance. Aurait-il pu acquérir un joueur encore plus jeune, et/ou des choix dans un contexte de reconstruction ? Peut-être. Mais Kekalainen a choisi de ménager la chèvre et le chou.

Ça nous amène à 2023. Dans un contexte de reconstruction, après une 28place au classement général, Kekalainen répète le même manège avec l’embauche de Severson et Provorov, un an après celle de Gaudreau. Et cette certitude du président John Davidson de voir l’équipe gagner cette année alors que la majorité des observateurs leur prédit le mur.

De grands changements sont à prévoir à Columbus, surtout après le fiasco Babcock de cet été.

Le premier compteur de la LNH est un défenseur

À l’approche du premier quart de la saison, le meilleur compteur de la Ligue nationale de hockey, avec 30 points en 19 matchs, joue en défense. À 24 ans seulement, Quinn Hughes vient de devancer David Pastrnak avec ses deux points contre San Jose lundi. Hughes produit à un rythme de presque deux points par match en novembre.

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Quinn Hughes

Il a pourtant été repêché au septième rang seulement en 2018, entre autres en raison de sa taille, 5 pieds 10 pouces, malgré une agilité hors norme sur patins et un flair offensif indéniable avec les Wolverines du Michigan.

On doit ce coup de génie au recruteur Judd Brackett, désormais chez le Wild du Minnesota à la suite d’une embrouille avec le directeur général de l’époque chez les Canucks, Jim Benning.

Rasmus Dahlin (Buffalo), Andrei Svechnikov (Caroline), Jesperi Kotkaniemi (Montréal), Brady Tkachuk (Ottawa), Barrett Hayton (Arizona) et Filip Zadina (Detroit) ont été repêchés dans l’ordre avant lui. Si le repêchage était à refaire aujourd’hui, Dahlin et Hughes se disputeraient le premier rang.