« Il convainc tout le monde, mais la personne la plus importante à convaincre, c’est lui-même, et il est en train de le faire. »

Martin St-Louis pouvait difficilement trouver de meilleurs mots pour encenser Rafaël Harvey-Pinard, vendredi.

Il faut dire que l’entraîneur-chef du Canadien s’était déjà exprimé la veille, dans le langage universel des minutes de jeu. Dans la défaite de jeudi contre les Rangers de New York, Harvey-Pinard a en effet joué 23 min 54 s, un chiffre impressionnant pour un attaquant, à plus forte raison un attaquant qui disputait son 25match dans la LNH.

« C’est sûr que 24 minutes, c’est gros, je ne m’en suis pas aperçu, s’est excusé St-Louis. Mais des fois, des joueurs te forcent à les faire jouer. »

Le temps de jeu peut être très circonstanciel. La saison dernière, pendant les Fêtes, une éclosion de COVID-19 faisait en sorte que la formation du Canadien était dégarnie comme une équipe de ligue de garage du dimanche soir le jour du Super Bowl. Dans ces circonstances, Jonathan Drouin, qui n’était pas au cœur d’une saison de rêve, avait joué 23 min 10 s le 1er janvier en Floride.

PHOTO DAVID KIROUAC, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Alexis Lafrenière (13), des Rangers de New York, et Rem Pitlick (32) bataillent pour la rondelle, jeudi soir au Centre Bell.

Le 12 décembre dernier, Rem Pitlick agissait comme quatrième centre, mais n’avait clairement pas la confiance de St-Louis et terminait le duel contre les Flames de Calgary avec cinq minutes de jeu. Le CH avait donc disputé l’essentiel du match avec trois centres, et la rencontre avait nécessité une prolongation. Résultat : Christian Dvorak, un travailleur honnête, certes, avait passé 23 min 15 s sur la patinoire.

N’empêche que les soirées du genre sont rares. Depuis le lock-out de 2012, Harvey-Pinard n’était que le 13attaquant du Canadien à atteindre les 23 minutes dans un match. Parmi les 12 autres, on retrouve des noms tels que Phillip Danault, Tomas Plekanec et Max Pacioretty, mais aussi, puisqu’on a parlé de lui, Rem Pitlick.

S’il y a une preuve que cette statistique peut être circonstancielle, elle est là.

Les qualités

Un an plus tard, tout porte à croire que le Pitlick de l’an passé était plutôt une étoile filante. Qu’est-ce qui peut donc laisser croire qu’Harvey-Pinard, lui, est en train de s’établir comme un véritable joueur de la Ligue nationale ?

Point encourageant pour lui : il a droit à la confiance de St-Louis même si sa production offensive a ralenti. À ses sept derniers matchs, il a été limité à un point.

« Je compte un peu moins dernièrement, pour une raison ou une autre, je manque des filets, reconnaît le numéro 49. Mais pour mon jeu en général, mes passes, mes jeux en zone offensive, je suis quand même confiant, je me sens bien. »

Il est toujours à la bonne place. Il fait tous les détails. C’est rare qu’il ne fait pas la bonne lecture. Si ça ne marche pas, c’est parce qu’il manque un peu d’exécution, mais les intentions sont toujours là.

Martin St-Louis, à propos de Rafaël Harvey-Pinard

Sa capacité à gagner des batailles le long des rampes joue certainement en sa faveur. Cette statistique n’est pas compilée par les sites de référence, mais il semble générer une chance de marquer ou deux par match en remportant de telles luttes avant de remettre la rondelle dans l’enclave.

Défensivement, il bloque des tirs à une cadence inégalée, si bien que même s’il hérite de mandats costauds à titre d’ailier de Suzuki, il affiche un rendement de + 6. Les centres qu’il a affrontés le plus souvent cette saison : Tim Stützle, Mika Zibanejad, John Tavares et Sebastian Aho.

« Je ne peux pas être impressionné par les gros trios, sinon ça n’ira pas bien ! lance le jeune homme. Je me sens à l’aise sur la patinoire ; peu importe contre qui je joue, je veux jouer de la même façon. »

Il reconnaît qu’il pouvait être impressionné l’an dernier, lors de son premier rappel. « J’étais vraiment stressé avant les matchs. C’était normal, c’étaient mes premières expériences. Cette année, je me sens plus à l’aise, et je connais les gars dans le vestiaire, donc ça fait une différence quand j’embarque sur la patinoire. »

S’il conserve la confiance de St-Louis, il sera intéressant de voir en quoi il forcera la main de la direction en vue de la saison prochaine.

Au moment où on écrit ces lignes, le Tricolore regorge d’ailiers qui détiennent un contrat valide pour 2023-2024 : Brendan Gallagher, Josh Anderson, Mike Hoffman, Joel Armia, Juraj Slafkovsky et Rem Pitlick.

À ces six ailiers s’ajoute Cole Caufield, en négociation pour une future entente. Denis Gurianov, Jesse Ylönen et Michael Pezzetta sont dans la même situation, et l’espoir Sean Farrell devrait théoriquement s’ajouter à l’équipe à la fin de sa saison universitaire.

Cela dit, la période estivale est celle des échanges et même des rachats de contrat, pour ceux qui traînent la patte. Les irremplaçables sont rares dans la liste ci-dessus, et on ne se trompe pas en disant qu’Harvey-Pinard a déjà supplanté quelques noms parmi eux. Reste à voir s’il en doublera d’autres dans les 17 derniers matchs de la saison.