(Québec) L’odyssée des chouchous du Tournoi international pee-wee de Québec, l’équipe ukrainienne, s’est terminée vendredi, par une défaite de 2-1 contre Vermont Flames Academy.

Certains de ces jeunes retourneront bientôt chez eux, sous le feu, dans les régions de Zaporijia, Kherson, Dniepr, des lieux maintenant tristement célèbres, ravagés par les combats.

Après le match, sur la glace du Centre Vidéotron, les joueurs du Select Ukraine ont salué la foule clairsemée, qui les acclamait en ce matin de tempête, et ont brandi un drapeau ukrainien bien spécial.

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Les joueurs des deux équipes ont posé ensemble après la rencontre.

Y figuraient le nom du père d’un des joueurs, mort au combat, et le nom d’un autre papa, lui toujours au front pour repousser l’envahisseur russe.

« Tellement tristes »

« Je voulais quasiment pleurer à la fin du match », a confié le Québécois à l’origine de la composition de cette équipe et de sa venue ici, l’entrepreneur Sean Bérubé.

« De les voir tellement tristes, c’est venu me chercher », a poursuivi celui que les hockeyeurs avaient affectueusement baptisé « oncle Sean », vêtu pour l’occasion d’une chemise brodée traditionnelle ukrainienne.

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« Là, le but, c’est de se changer les idées », a-t-il lancé, comme pour tourner la page.

L’équipe de jeunes réfugiés qui a conquis le cœur des Québécois a donc été éliminée, mais restera ici jusqu’à lundi, avec un « programme spécial » chargé d’activités d’hiver : cabane à sucre, pêche blanche, peut-être des glissades à Valcartier, avant de retourner soit dans leur pays en guerre, soit dans des États voisins qui accueillent les familles réfugiées.

« Ils représentaient leur pays »

« Ils représentaient leur pays, c’est pourquoi ils voulaient tant gagner », a commenté après le match l’entraîneur Ievgen Pysarenko, qui est resté stoïque, malgré la défaite.

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Ievgen Pysarenko, entraîneur de l'équipe ukranienne

Nous avons manqué quelques occasions et la chance n’était pas de notre côté, mais ils se sont battus jusqu’à la fin, ils n’ont pas abandonné, ils ont démontré du caractère.

Ievgen Pysarenko

Il a raconté qu’un de ses protégés avait parlé jeudi à son père qui est actuellement au front. « C’était très émouvant », a relaté M. Pysarenko.

Il garde comme plus beaux souvenirs les moments où il a vu ses jeunes « sourire, rire, oublier la guerre. […] C’est difficile pour eux de penser de façon positive ».

L’entraîneur ne tarissait pas d’éloges concernant l’accueil « formidable » des Québécois, qui voulaient prendre des photos avec eux dans la rue. « Merci Québec ! » a-t-il lancé.

Dans le vestiaire, la mine de plusieurs joueurs était déconfite. Le gardien Matvii Kulish, tenant le pavillon ukrainien dans ses mains, consolait son coéquipier Yehor Kosenko.

Avantages numériques

L’Ukraine n’a pas su profiter de trois avantages numériques en sa faveur, tandis que les Américains se montraient d’attaque à chaque occasion.

Les Vermontois ont rapidement fait savoir qu’ils n’étaient pas là pour être indulgents : Phillip Groeling a ouvert la marque à la fin de la première période avec un lancer qui a dévié, déjouant ainsi Matvii Kulish.

En deuxième période, Kuba Pavlik a marqué pour les Américains, qui profitaient d’une punition infligée aux Ukrainiens parce qu’ils avaient un joueur de trop sur la glace.

Malgré un but in extremis d’Oleksii Shkrabak à 11 secondes de la fin, les jeunes Ukrainiens n’ont pas pu échapper à l’élimination.

Ils n’ont pas réussi à renouveler le miracle de leur première apparition sur la glace, samedi, quand ils ont effectué une remontée spectaculaire contre les Bruins.

Une équipe miracle

Il a fallu des mois pour assembler cette équipe de jeunes Ukrainiens. Ils étaient réfugiés dans différents pays d’Europe et quelques joueurs étaient encore en Ukraine et ont dû sortir du pays en guerre.

Certains de ces jeunes devront retourner dans les zones de Zaporijia, de Kherson, de Dniepr, pilonnées par les Russes, a précisé Sean Bérubé.

L’épopée de cette équipe, qui tient du miracle, a pu voir le jour en grande partie grâce à l’initiative de cet entrepreneur de Valcartier, grand ami de l’Ukraine.

Son histoire d’amour avec ce pays remonte à il y a 30 ans, grâce au tournoi pee-wee.

Alors jeune joueur, il rêvait de jouer pour l’équipe de hockey de l’Armée rouge. Ses parents avaient accueilli de jeunes athlètes d’une équipe de Kyiv et il a tissé des liens.

Il a pu ainsi aller jouer trois saisons de hockey mineur à Kyiv.

Après être sorti d’Ukraine au début de la guerre avec les parents qui l’avaient accueilli, il s’est lancé le défi avec son ancien coéquipier Ievgen Pysarenko de former une équipe de jeunes Ukrainiens.

Redonner à l’Ukraine

« Je voulais redonner à l’Ukraine après tout ce qu’elle m’a donné », a justifié M. Bérubé.

Après plusieurs mois de tractations et de paperasse, ils ont réussi à constituer une formation. L’équipe a tenu son camp d’entraînement en Roumanie il y a environ trois semaines avant d’arriver au Québec.

« C’est incroyable, tout ce qui a pu se passer, avec tous ces documents à compléter, a commenté M. Pysarenko. Leurs parents sont fiers. »

Samedi dernier, ils avaient remporté leur premier match contre les Bruins Junior de Boston, dans un amphithéâtre Vidéotron presque rempli qui les a accueillis triomphalement.

Lundi, ils ont aussi vaincu une équipe roumaine par la marque de 2-0.

Mardi, ils avaient été invités par le Canadien de Montréal à assister au match contre les Blackhawks de Chicago au Centre Bell.

« Mission accomplie »

« C’est mission accomplie pour la thérapie de soutien qu’on voulait faire », estime M. Bérubé, au bout de cette aventure.

Il y a peut-être aussi une autre lueur d’espoir. L’équipe a été invitée à un tournoi international de hockey en Autriche en avril. Mais il faudra trouver du financement, a tempéré M. Pysarenko.

Entre-temps, les jeunes athlètes devront retourner à leur quotidien, la plupart dans des pays voisins comme la Roumanie qui leur ont accordé asile temporairement, mais quelques-uns dans leur pays en guerre.

« Ils vont revivre les sirènes des bombardements, je ne veux pas penser à ça », a conclu « oncle Sean ».