(Kanata) Profitant d’un rare samedi de congé, Owen Beck avait prévu souper avec son père.

Celui-ci ne s’est pas formalisé lorsque son fils l’a appelé pour l’aviser qu’il devait lui faire faux bond. Le paternel s’est tout de même enquis des motifs derrière cette annulation tardive. Fiston lui a donc doucement répondu qu’il allait disputer son premier match dans la LNH.

« Il est devenu comme fou ! », a raconté Beck, samedi, après l’entraînement matinal de son club. À sa mère, il a simplement demandé si elle était en mesure de se rendre à Ottawa en soirée. Elle aussi a explosé en apprenant la raison de l’invitation. Tous ses collègues de travail autour d’elle se sont joints à la frénésie. Certains d’entre eux ont même souhaité bonne chance directement au jeune homme au bout du fil.

« À Port Hope, tout le monde connaît tout le monde », a rappelé le joueur de centre, en référence à sa ville natale, petite municipalité ontarienne de moins de 20 000 habitants

Surtout, « tout le monde est survolté », a-t-il assuré.

L’évènement n’est pas banal. Souhaitant protéger ses arrières à un moment où presque tous ses joueurs de centre traînent des blessures, et alors qu’un rappel du Rocket de Laval semblait logistiquement impossible, la direction du Canadien a rapatrié Beck d’urgence, vendredi. Cela faisait un peu plus de 20 ans que l’organisation n’avait pas recouru à un joueur évoluant dans les rangs juniors en plein milieu d’une saison.

La surprise était donc de taille pour le principal concerné. Vendredi matin, il s’est entraîné avec ses coéquipiers des Petes de Peterborough comme à l’habitude et s’est prêté à une séance vidéo. Puis on a requis sa présence dans le bureau de l’entraîneur, où on lui a annoncé qu’il connaîtrait son baptême de feu avec le CH le lendemain.

Les 24 dernières heures, on le comprend, ont donc été « assez folles » pour lui. Sur la route entre Peterborough et Ottawa, où le Canadien affrontera les Sénateurs samedi soir, il a reçu un texto de Nick Suzuki l’avisant de ne rien se prévoir pour souper. À son arrivée dans la capitale fédérale, en soirée, il a donc rejoint son capitaine ainsi que Josh Anderson, Christian Dvorak, Mike Hoffman et Jake Allen, qui l’ont invité à manger pour apprendre à le connaître et le faire sentir à son aise.

Un mois de fou

Ce rappel est le dernier rebondissement en date pour celui qui connaît un mois de janvier 2023 simplement surréel.

Au tout premier jour de la nouvelle année, l’équipe nationale junior l’a invité à la rejoindre dans les Maritimes pour remplacer un joueur blessé. Il a disputé trois matchs dans le maillot unifolié, récoltant une aide.

Une semaine plus tard, les Steelheads de Mississauga, équipe avec laquelle il avait disputé une saison et demie dans la Ligue junior de l’Ontario (OHL), l’ont échangé aux Petes. Trois semaines plus tard, le voilà dans la LNH.

Je n’ai pas encore eu le temps de m’asseoir et de tout digérer ça. C’est assez spécial. Je n’oublierai jamais ça.

Owen Beck

Comment compose-t-il avec le chaos qui l’entoure depuis quelques semaines ? « Un jour à la fois, a-t-il répondu. C’est déjà prenant de s’habituer à la vie d’un hockeyeur, en étant souvent sur la route, loin de sa famille. Tu dois tirer le meilleur de ce qui t’arrive. C’est un rêve qui devient réalité. Il faut l’aborder tranquillement et en profiter. »

Choix de deuxième tour (33e au total) du CH au plus récent repêchage, Beck est reconnu pour ses qualités offensives et défensives, ainsi que pour ses prouesses au cercle de mise au jeu – il est l’un des meilleurs de l’OHL à ce chapitre.

Arber Xhekaj, qui évoluait avec les Bulldogs de Hamilton dans les rangs juniors, l’a affronté en séries éliminatoires la saison dernière. « Je ne le connaissais pas vraiment avant ça, mais il a été leur meilleur joueur pendant toute la série, a-t-il souligné. C’était cool de voir le Canadien le repêcher, et très emballant de le voir ici aujourd’hui. Je crois que sa fébrilité va le transporter sur la glace ce soir. »

Nick Suzuki l’a d’ailleurs enjoint de tenter de s’en tenir à ce qu’il fait de mieux, sans pécher par excès. « Il a mérité sa chance d’être ici, même si c’est un rappel d’urgence, a-t-il affirmé. Je lui ai dit d’avoir du plaisir et de faire de son mieux devant sa famille et ses amis. […] Il a la chance de gagner en confiance et de rapporter ça dans le junior après pour faire un long chemin en séries. »

L’entraîneur-chef Martin St-Louis, lui, ne s’est pas exactement confondu en compliments à l’égard de son nouveau joueur. « C’est une journée spéciale pour lui, je suis sûr qu’il va s’en souvenir », a-t-il dit, sobrement.

Il ne place pas d’« attentes » spécifiques à son endroit et n’a pas précisé de quelle manière il comptait l’employer. Bien que Beck soit un joueur de centre naturel, il semble que les quatre joueurs actuellement affectés à cette position soient en mesure de jouer. De fait, St-Louis recourra à une formation de 12 attaquants et 6 défenseurs. Cela coûtera sa place à Chris Wideman, seul patineur laissé de côté.

Le gardien Samuel Montembeault défendra le filet du Canadien. La rencontre, disputée au centre Canadian Tire de Kanata, s’amorcera à 19 h.