La présentation des joueurs de l’équipe visiteuse, en avant-match au Centre Bell, suscite rarement de vives réactions. La plus commune : des applaudissements, bien circonscrits dans une section, lorsqu’un joueur québécois est annoncé, comme on l’a entendu jeudi après qu’Alexandre Carrier eut été annoncé parmi le six partant des Predators.

Parfois, un joueur vedette sera hué. Les anciens du Canadien, eux, provoquent des réactions variables.

Le 5 janvier dernier, la mention du nom de Jaroslav Halak, annoncé comme gardien partant des Rangers, a suscité des applaudissements. Le lendemain, les Rangers s’entraînaient à Brossard. C’était l’occasion de lui demander ce qu’on ressent d’être encore acclamé, 13 ans après son départ. Son visage s’illumine.

« Je ne l’ai pas entendu parce que j’étais dans le vestiaire ! Mais c’est bien de voir que même après toutes ces années, les gens se souviennent de moi. C’est spécial. »

Halak n’a pas exactement eu à se fendre en quatre pour signer la 289victoire de sa carrière. Le Tricolore n’a tiré que 18 fois sur lui ce soir-là, et les Rangers l’ont emporté 4-1.

« C’est encore bizarre de jouer à Montréal, avoue-t-il à La Presse. Le plus important, ce sont les deux points. Et tu ne sais jamais quand tu joues ton dernier match dans cet aréna. Qui sait ? Peut-être que c’était mon dernier match au Centre Bell. Peut-être qu’au prochain match ici, l’entraîneur va envoyer l’autre gardien. J’aurai 38 ans dans quatre mois. La santé est la chose la plus importante. »

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Jaroslav Halak a connu des séries éliminatoires exceptionnelles en 2010.

Parmi les doyens

Le Canadien et les Rangers renoueront en fin d’après-midi dimanche, cette fois au Madison Square Garden. On ne sait pas encore qui, de Halak ou d’Igor Shesterkin, obtiendra le départ.

Mais le simple fait que Halak soit dans cette conversation est étonnant en soi. On ne répertorie que trois gardiens plus vieux que lui dans la LNH cette saison : Craig Anderson, Marc-André Fleury et Brian Elliott. Mais surtout, il fait partie d’une espèce en voie de disparition : les gardiens de moins de 6 pi. Il mesure 5 pi 11, soit la même taille que Juuse Saros (Predators de Nashville) et Alex Stalock (Blackhawks de Chicago).

Aucun gardien n’est plus petit qu’eux. Et la tendance se poursuivra, puisqu’un seul gardien de moins de 6 pi a été sélectionné dans les trois derniers repêchages.

C’est ce qui nous ramène à la fameuse phrase « En bas de 6 pi 2, on ne le regarde même pas », entendue souvent de la bouche de recruteurs ou même d’agents à la recherche de futurs clients.

« Ça fait 20 ans qu’on me parle de ma taille. Dès mon année de repêchage, on me disait que j’étais trop petit, que je ne me rendrais jamais à la Ligue nationale, rappelle-t-il. Et je suis encore ici. On me demande souvent si j’aurais aimé mesurer 6 pi 3, 6 pi 4. Je ne le sais pas. Peut-être qu’à cette grandeur, je n’aurais jamais joué dans la LNH. »

Si j’avais écouté ce que les gens disent sur ma taille, je n’aurais jamais joué au hockey et je ne sais pas ce que j’aurais fait dans la vie.

Jaroslav Halak

Il poursuit : « Si tu es un gardien de moins de 6 pieds, tu dois utiliser tes atouts et essayer de maximiser ta taille, jouer gros. Je vois des gardiens de 6 pi 5 qui jouent petit. Et je vois des gardiens de 6 pi qui ont l’air gros parce que leur posture est différente. »

Halak cite au premier chef Roland Melanson et Marc Champagne parmi les personnes qui l’ont le plus aidé à surmonter son désavantage. Le premier l’a épaulé dans l’organisation du Canadien, de même que dans des camps estivaux organisés par l’agence Octagon. Champagne a quant à lui d’abord travaillé avec Halak à Lewiston et a été embauché comme entraîneur des gardiens des Islanders quand le Slovaque s’est joint à l’équipe en 2014.

PHOTO FOURNIE PAR MARC CHAMPAGNE

Jaroslav Halak avec Marc Champagne

« Je lui disais de jouer devant la peinture, de jouer gros et de compétitionner, détaille Champagne. Il avait le couteau entre les dents et il l’a montré à Montréal. C’était ça, son wow factor.

« J’ai eu des gardiens pas capables de faire les arrêts à 6 pi 4, poursuit Champagne. Vas-tu lutter pour faire ta job, ou juste espérer que la rondelle te frappe ? Samuel Montembeault, il se bat, Saros aussi. Si tu ne compétitionnes pas, tu vas perdre ta grandeur assez vite. »

PHOTO ANDRE PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Carey Price et Jaroslav Halak en 2010 avec le Canadien de Montréal

Plus durable que Price

En 2010, Pierre Gauthier mettait fin au feuilleton entourant ses gardiens en échangeant Halak aux Blues, confirmant ainsi le statut de Carey Price comme gardien d’avenir.

On n’a pas gardé le contact, mais on se salue quand on se croise. C’est triste qu’il ne joue plus. C’est son genou, n’est-ce pas ? Ç’aurait été bien de le revoir sur la glace.

Jaroslav Halak

La cohabitation entre deux gardiens en début de carrière « n’est pas toujours facile », convient-il. « Les deux, on essayait de se faire un nom. On se poussait l’un l’autre, on se défiait. Mais ça m’a aidé à passer à l’étape suivante. J’ai été échangé, j’ai eu la chance d’être numéro 1 à St. Louis. Lui a joué bien des matchs à Montréal. Moi, j’ai joué pour bien des équipes. J’imagine que ça a fonctionné pour nous deux ! »

Depuis la transaction, Price a disputé 651 matchs (incluant les séries), contre 484 pour Halak. Price a gagné un trophée Hart, un Vézina et il a mené le Canadien à trois victoires de la Coupe Stanley en 2021. On ne saura jamais s’il aurait aussi pu le faire en 2014.

Sauf que Halak aura été le plus durable des deux, en nombre d’années jouées, malgré toutes les appréhensions dues à sa taille. Les facteurs sont nombreux, mais sa longévité n’est pas banale.