Pratiquement toutes les entreprises en Occident tentent de se mettre à l’heure de la diversité. Ou du moins affirment qu’elles veulent le faire.

Le sport professionnel n’y échappe pas. Et s’il y a bien un écosystème qui part de loin, c’est celui du hockey.

Les formations de la LNH, depuis toujours, sont gérées et dirigées par des hommes blancs. Sur la glace, les joueurs, dans une écrasante majorité, sont blancs.

Des équipes tentent donc, depuis quelques années, d’opérer des changements. Certaines connaissent à ce chapitre plus de succès que d’autres. C’est le cas du Kraken de Seattle.

« Ils ne font pas qu’en parler ; ils passent à l’action », souligne à ce sujet Jessica Campbell, entraîneure adjointe des Firebirds de Coachella Valley, club-école du Kraken dans la Ligue américaine.

« Je veux être entourée de personnes qui sont différentes de moi, ajoute-t-elle. C’est comme ça qu’on apprend, pas en réunissant dans une pièce 20 personnes qui pensent de la même manière. C’est une organisation dont je suis fière de faire partie. »

Une philosophie fondatrice

Cette philosophie est ancrée dans les valeurs du club depuis sa création même, bien avant que les premiers joueurs sautent sur la glace.

On en a parlé dès le premier jour : nous voulons une équipe ouverte, diversifiée.

Ron Francis, directeur général du Kraken

Force est de constater que les bottines ont suivi les babines. L’une des premières employées de la franchise a été Alexandra Mandricky, à qui on a confié l’équipe d’analyse. La voilà depuis l’été dernier vice-présidente et directrice générale adjointe.

En 2019, le Kraken avait aussi fait de Cammi Granato, ex-étoile du hockey féminin et membre du Temple de la renommée, la première femme de l’histoire de la LNH à occuper un poste de dépisteur professionnel. Elle a depuis été embauchée par les Canucks de Vancouver comme directrice générale adjointe.

En 2020, l’organisation a créé un poste de consultante en intersectionnalité, qui a été confié à Chanel Keenan, rare personne handicapée à travailler dans le milieu du hockey.

Au moins trois personnes de couleur font également partie des opérations hockey du Kraken. En fait, de tous les employés de l’organisation, 44 % sont des femmes et 25 %, des personnes de couleur, avance Ron Francis. Ce dernier se défend toutefois de faire de la discrimination positive, mais dit rechercher les meilleurs candidats, sans biais ; « des personnes qualifiées à qui nous voulons donner une voix, écouter ce qu’elles ont à dire », précise-t-il.

« Nous sommes fiers de ça, mais comme je l’ai souvent répété : je n’embauche pas quelqu’un parce que cette personne correspond à des critères de diversité, insiste le DG. J’ai engagé Jessica parce qu’elle méritait pleinement le poste. »

PHOTO TED S. WARREN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le directeur général du Kraken de Seattle, Ron Francis

« Depuis mon entrevue d’embauche, je ne me suis jamais sentie différente », confirme Jessica Campbell.

Progrès

Au-delà de la diversité, on sent à Seattle une réelle volonté de progrès, de modernité.

L’organisation décrit son amphithéâtre, le Climate Pledge Arena, comme « le plus responsable et durable du monde ». L’édifice tend vers la carboneutralité et tente de limiter sa production de déchets et son utilisation de plastiques à usage unique.

Cette situation n’est pas sans lien avec le marché, résolument progressiste. Aux élections présidentielles, l’État de Washington est démocrate depuis 1988. Les gouverneurs y sont bleus depuis 1984.

Joe Biden avait coiffé de peu Bernie Sanders lors de la primaire démocrate de 2020, signe d’une présence considérable de la gauche au sein de l’électorat. Le comté de King, qui comprend Seattle, a donné 75 % de ses voix à Biden lors de la présidentielle qui a suivi.

Le club-école de Coachella Valley s’inscrit dans la même lignée, a expliqué son président Steve Fraser à La Presse. Avec son toit couvert de panneaux solaires, il partage les visées de carboneutralité de son grand frère plus au nord. Dans cette région qui connaît des chaleurs infernales en été, on a creusé le roc et construit la patinoire 25 pieds sous terre afin d’optimiser l’efficacité énergétique.

« On a voulu que la mission de l’organisation se poursuive ici, souligne M. Fraser. Les objectifs [du Kraken] correspondent à notre marché, à notre vision. » Le président lance d’ailleurs le défi à son club de devenir « le champion de la communauté LGBTQ+ », fortement représentée à Palm Springs, principale ville de la vallée de Coachella.

« Beaucoup de choses changent dans notre société, conclut Ron Francis. On progresse, on apprend, on devient meilleurs. D’un point de vue organisationnel, nous voulons que nos portes soient ouvertes à tout le monde. C’est comme ça qu’on va aller de l’avant. »