(Tempe, Arizona) La manière et le résultat se confondent drôlement depuis quelques jours chez le Canadien.

Trois récentes défaites se sont succédé dans autant de scénarios différents. Une première au terme d’une performance positive, une deuxième après une triste déconfiture et une troisième en dépit d’un effort louable contre un adversaire trop fort.

En Arizona, lundi soir, « ce n’était pas beau », a convenu Martin St-Louis. Mais cette victoire de 3-2 en prolongation, personne n’allait la renier. « Le groupe savait à quel point on en avait besoin », a ajouté l’entraîneur-chef montréalais.

On ne fera pas grand cas de l’élégance – ou non – avec laquelle la Flanelle a amorcé son voyage dans l’ouest. Mais cette dualité entre la manière et la finalité est un thème drôlement important dans le grand ordre des choses pour le Tricolore.

Depuis son embauche, il y a bientôt un an, Martin St-Louis a souvent justifié les défaites par la priorisation du « processus » avant les résultats. Tel joueur éprouve des difficultés offensivement ? Peut-être, mais il peaufine d’autres éléments de son jeu. L’équipe a échappé un match qu’elle devait gagner ? Peut-être, mais elle a soigné certains détails spécifiques qui laissent croire en des jours meilleurs. Et cætera.

C’est cette vision à long terme qui donne à Martin St-Louis une dégaine plutôt détendue après certaines défaites. La plupart du temps, en tout cas.

Il arrive parfois que les priorités se nuancent. Et cette conception élastique de la primauté du « processus » sur les résultats s’est manifestée à travers deux joueurs dans la victoire en Arizona.

D’abord, Kirby Dach. Pour la deuxième fois en un peu plus d’une semaine, celui-ci a amorcé un match au centre du deuxième trio, mais l’a terminé à l’aile droite de la principale unité, avec Nick Suzuki et Cole Caufield.

D’un point de vue de résultats, la décision de St-Louis se défend parfaitement. « T’es dans une position où tu essaies de gagner un match en troisième période, a justement expliqué l’entraîneur, tard lundi soir. Tu essaies de te donner la meilleure chance possible. » Comme tout le monde, il sait à quel point Dach, Suzuki et Caufield « sont capables de bien jouer ensemble ».

Difficultés

À plus forte raison, au centre de Jonathan Drouin et de Juraj Slafkovsky, Dach avait connu, au cours des deux premières périodes, des moments horribles. Le site Natural Stat Trick calcule que, contre ce trio, les Coyotes ont obtenu huit chances de marquer de qualité contre aucune en à peine 6 min 22 s de jeu à cinq contre cinq.

Dans une moindre mesure, le trio de Josh Anderson, avec Caufield et Suzuki, était loin d’être transcendant lui aussi. L’ajout de Dach à ses deux camarades favoris a provoqué un effet instantané.

« On ne créait pas grand-chose et on perdait des rondelles en zone neutre, a reconnu Drouin à propos de son trio avec Dach et Slafkovsky. Martin n’aimait pas notre match, il a changé les lignes, et ç’a mieux été après. » Au centre d’Anderson et d’Anthony Richard, Drouin a en effet mieux paru.

« Comme entraîneur, il faut suivre ce que ton instinct te dit. C’est ce que j’ai fait », a justifié St-Louis.

Son instinct l’a bien servi. Ce fameux instinct de compétiteur, celui qui a fait sa renommée comme joueur et qui définira sa carrière d’entraîneur. Soit.

Or, cet instinct se butera tôt ou tard à des dilemmes inhérents au développement de ses jeunes joueurs. Ce n’est un secret pour personne : en acquérant Kirby Dach, la direction a payé cher afin de se renforcer au centre.

À court terme, le grand gaillard est l’indiscutable meilleur complément à Caufield et Suzuki dans toute la formation. Mais à moyen et long terme, si c’est au centre qu’on le voit, c’est au centre qu’on devra le fait jouer. Et c’est là qu’il devra montrer qu’il est à la hauteur lorsque la situation se corse. Comme lorsque le Tricolore a besoin d’un but en troisième période, par exemple.

Bon match de Richard

Les chances qu’on donnera à Anthony Richard au cours des prochains jours seront-elles aussi révélatrices de la manière dont St-Louis jonglera entre « processus » et résultat.

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Anthony Richard et Jakob Chychrun

Son instinct, lundi, lui a dit d’arracher Richard au quatrième trio. Le jeune homme jouait avec énergie, et Slafkovsky n’en menait pas large. « Il se démarque, il couvre beaucoup de glace, offensivement et défensivement », a dit le pilote de son nouveau protégé, tout juste rappelé du Rocket de Laval. « Je me sentais bien, a quant à lui noté Richard. Je suis satisfait. »

Ce n’est pas un hasard si le Canadien a si longtemps tardé à rappeler le Québécois – ou n’importe quel autre joueur du Rocket, en fait. Si cette équipe était à la recherche de victoires, elle aurait facilement pu modifier sa formation. Par exemple en cédant temporairement un jeune défenseur pour promouvoir un attaquant, ou même en rétrogradant un vétéran identifié comme un « passager ».

Or, on a plutôt géré l’effectif de manière chiche. À preuve : le club est parti pour trois matchs dans l’ouest des États-Unis avec un seul réserviste en attaque et aucun en défense. Il arrivera ce qu’il arrivera.

Richard, soudain, peut changer la donne. S’il accumule des points, se servira-t-on de lui pour montrer l’exemple, et ce, au détriment de vétérans qui possèdent des contrats à un seul volet de la LNH, mais qui n’aident pas l’équipe à gagner des matchs ? Ou bien gardera-t-on le statu quo afin de prioriser le « processus » ?

Ce type de dilemmes chatouillera certainement l’instinct de Martin St-Louis. Il ne fait de doute pour personne qu’il marche main dans la main avec la direction dans la reconstruction de l’équipe, qui implique de prendre quelques pas de reculs avant de mieux avancer dans le futur.

Mais perdre n’est pas dans son ADN. Et forcément, certains soirs, s’il voit la porte s’ouvrir devant lui, sa nature profonde lui dictera certaines décisions.

On l’a vu lundi. Et on le verra certainement encore.

En hausse

Kaiden Guhle

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Kaiden Guhle

Un match dans lequel il a montré l’étendue de son talent. Convaincant en défense, il a aussi fait la majorité du travail sur le but de Caufield au premier tiers.

En baisse

Juraj Slafkovsky

Une mauvaise punition en première période et une rondelle perdue sur le but de Schmaltz : sa rétrogradation sur le quatrième trio était prévisible. Et il a encore subi une violente mise en échec alors qu’il avait la tête basse. Ça devient récurrent.

Le chiffre du match

38

Les Coyotes ont eu besoin de moins de minutes pour décocher 33 tirs et établir un sommet d’équipe cette saison pour un match entier. Avant la rencontre, ils étaient derniers de la LNH avec une moyenne de 24 tirs par joute. Au total, lundi, ils en ont obtenu 39.

Ils ont dit

Ce n’était pas un match parfait, et on le sait. Il y avait aussi d’autres circonstances. On a joué à 20 h, il était 22 h chez nous, et on a eu un vol de 5-6 heures hier. Je trouve qu’on s’est améliorés plus le match avançait. […] Notre meilleure période a été la prolongation.

Martin St-Louis

Depuis que [Jonathan Drouin] est revenu de sa blessure, il joue du hockey comme on sait qu’il est capable d’en jouer. Je suis content pour l’équipe, mais encore plus content que lui.

Martin St-Louis

Je n’ai pas encore regardé les textos de mon père, mais d’après moi, il va me dire que j’ai été trop généreux. Il me le dit depuis novice. J’étais un passeur avant, alors c’est sûr que quand ça va vite, tu penses à faire un jeu. […] Dans la Ligue américaine, 10 fois sur 10, je vais lancer [dans cette situation].

Anthony Richard, à propos d’une passe qu’il a faite à Joel Armia

On commence notre voyage avec deux points, et on s’en va au Colorado pour affronter une très bonne équipe. Il reste deux matchs avant Noël, on va tout donner.

Jonathan Drouin

On a offert un très haut niveau de compétition. Des fois, on essaie de trop en faire, mais ce soir, ce n’était pas le cas. On a joué selon nos forces. […] Quand tu fais ça, t’as des chances de gagner. […] C’était notre meilleur match de l’année sur le plan offensif.

André Tourigny, entraîneur-chef des Coyotes

Dans le détail

Montembeault étincelant

Après avoir perdu ses deux derniers départs, Samuel Montembeault a offert une performance inspirée, arrêtant 37 rondelles. Il a particulièrement été mis à l’épreuve en première et en deuxième période, alors que c’était bar ouvert dans l’enclave pour les attaquants des Coyotes. Heureux d’avoir rapidement été mis à l’épreuve, le gardien a estimé qu’il avait « beaucoup d’élan » et qu’il « bougeait bien » devant son filet. « Il est la raison pour laquelle on a gagné, a analysé Mike Hoffman. Il a fait des arrêts cruciaux dans des moments cruciaux qui nous ont permis de rester en vie et de jouer en prolongation. » L’entraîneur-chef des Coyotes, André Tourigny, a lui aussi identifié la performance de son compatriote comme « l’histoire du match ». « Plusieurs fois, cette année, [le gardien Karel Vejmelka] a été le principal facteur de nos victoires. Ce soir, ç’a été Montembeault pour le Canadien », a-t-il conclu.

Matias Macce-qui ?

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Matias Maccelli devant Samuel Montembeault

On ne parle pas souvent de Matias Maccelli. Jamais, en fait. Le Finlandais de 22 ans, choix de quatrième tour des Coyotes en 2019 (98e au total), connaît pourtant une excellente saison. Avec 21 points avant la rencontre, il était au deuxième rang parmi les recrues de la ligue, devancé uniquement par Matty Beniers. Les partisans du CH qui ne se souvenaient pas de lui ne l’oublieront plus. En deuxième période, le petit ailier a amorcé une accélération irrésistible dans sa zone avant d’exploser en zone adverse et de marquer. Pendant qu’il fonçait à toute allure, Jacob Chychrun a servi une longue passe au centre de la patinoire à Lawson Crouse, qui a simplement fait dévier le disque vers Miccelli à la ligne bleue adverse. Malgré les apparences, ce n’était pas un jeu planifié, a insisté André Tourigny après le match. « Chychrun a gardé la rondelle longtemps parce qu’il n’avait pas d’option. C’est un très bon jeu, mais avant que Miccelli batte son couvreur à la ligne bleue, [le Canadien] était bien positionné. »

La fête au Mullett

L’une des curiosités de la saison 2022-2023, dans la LNH, est le fameux Mullett Arena, petit amphithéâtre de 5000 places où sont disputés les matchs des Coyotes. Verdict ? Bien que la foule ne puisse évidemment pas rugir comme le feraient 20 000 partisans furieux au Centre Bell, l’ambiance était franchement animée. Le constat est sans appel : ce petit établissement, bondé, offre une expérience autrement plus divertissante que celle du Gila River Arena, ancien domicile des Coyotes à Glendale. Des partisans du Canadien étaient relativement nombreux sur place, et ils ont montré leurs couleurs de toutes les façons. Deux d’entre eux avaient notamment revêtu le défunt chandail de barbier de la saison 2008-2009. Et un collègue journaliste a aperçu un maillot identifié au nom de George Parros. Une rareté, se doute-t-on, puisque le dur à cuire n’a disputé que 22 matchs avec le CH. Et c’était il y a neuf ans.