« Le Lightning a créé un standard qu’on veut tous atteindre. » Ces mots étaient ceux de Martin St-Louis, samedi matin, à quelques heures du duel entre l’équipe qu’il coache et celle à qui il a consacré 13 saisons comme joueur.

Ce standard, ce n’est certainement pas dans la défaite sans appel de 5-1, subie en soirée samedi, que le Tricolore l’a atteint. Mais là n’est pas le point.

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Pas plus tard que jeudi, St-Louis rappelait que l’organisation n’avait pas encore atteint le point de tenter de « gagner à tout prix ». Une façon de dire qu’il importe davantage de gérer le long terme, quitte à faire des sacrifices à court terme.

Mais à plus long terme, il n’y a rien de plus normal pour une équipe que d’aspirer à devenir le Lightning, un club qui a participé aux trois dernières finales de la Coupe Stanley, à quatre des huit dernières, et qui vient de signer une 20e victoire en 30 matchs cette saison.

« Tout le monde parle de leur attaque, mais ils sont vraiment dévoués dans l’autre phase du jeu », ajoutait St-Louis, toujours samedi matin.

C’est effectivement à une équipe chiche défensivement que le Canadien s’est frotté samedi. Dans les deux premières périodes, quand ils étaient encore relativement dans le coup, les chances de qualité se faisaient rares. Ce n’est qu’à 4-0 que le CH a réellement montré des dents.

Et quand chance il y avait, un type du nom d’Andrei Vasilevskiy étouffait la menace. Ce qui nous mène à l’autre problème quand vient le temps d’espérer atteindre les standards du Lightning.

Noyau exceptionnel

Cette équipe est devenue une puissance notamment parce qu’elle a pu mettre la main sur quelques joueurs exceptionnels au repêchage. Vasilevskiy est l’un d’eux. Le meilleur de la LNH à sa position selon le plus récent sondage de l’Association des joueurs.

Le Canadien a-t-il un Vasilevskiy en devenir qui germe quelque part ? Pas vraiment, et il doit bien y avoir 25 équipes qui arrivent à la même cruelle conclusion.

En défense, Victor Hedman est une anomalie de la nature. Des joueurs aussi agiles et fluides, qui mesurent 6 pi 7, ne courent pas les rues. C’est pourquoi il a été réclamé au 2e rang en 2009 et qu’il n’a pas bougé depuis. Kaiden Guhle a les outils pour devenir un excellent défenseur. Des jeux comme celui qu’il a réussi en milieu de match, annulant une échappée de Nikita Kucherov, démontrent ce potentiel. Mais entre ça et devenir le prochain Hedman, il y a un fossé.

Steven Stamkos est un tireur sensationnel, qui a ajouté d’autres dimensions à son jeu au fil des ans. À 21 ans, il atteignait la marque des 60 buts. Cole Caufield possède lui aussi un tir sensationnel, mais à 21 ans, bientôt 22, il a encore des croûtes à manger pour avoir l’impact global du capitaine du Lightning.

Kucherov, lui, a amassé 128 points il y a quatre ans et il fonctionne à un rythme similaire depuis l’an passé. Samedi, il a eu besoin d’une chance de qualité, en fin de match, pour toucher la cible. C’est encore là une barre placée bien haut pour ce que Nick Suzuki deviendra, même s’il est en train d’éclore sous nos yeux.

Ce noyau est la base de ce qui rend le Lightning si dominant depuis des années. À ce noyau s’ajoute un je-ne-sais-quoi collectif. St-Louis évoquait « l’autre phase du jeu », défensive. Guhle voit lui aussi au-delà du talent pur.

« Ils jouent ensemble, a expliqué le défenseur du Canadien. C’est une équipe gagnante depuis si longtemps, ils ont gagné la Coupe, ils jouent les uns pour les autres. Ils jouent pour gagner. Honnêtement, je ne crois pas qu’on soit si loin d’eux. On a les outils, on a les bonnes personnes qui veulent jouer ensemble. »

Avantage numérique « juste mauvais »

À cela s’ajoute une bonne dose de stabilité. Les plus cyniques souligneront ici les conditions favorables typiques au marché de la Floride, mais qu’importe. Quand le Lightning obtenait un avantage numérique, samedi, quatre des cinq joueurs déployés (Hedman, Stamkos, Kucherov, Brayden Point) sont membres de l’équipe depuis au moins six ans.

Pendant ce temps, le CH bousille une chance après l’autre en avantage numérique, une phase du jeu qui lui coupe les ailes tout en générant des huées. C’est maintenant un but à ses 27 dernières tentatives, le genre de chiffre qui explique pourquoi le Tricolore montre une fiche de 2-5-1 à ses huit dernières sorties.

« Notre avantage numérique est juste vraiment mauvais, a déploré Suzuki. Il faut y travailler, être en symbiose. Nos entrées de zone ne sont pas si mal. Mais c’est souvent un tir et c’est fini. Regarde leur avantage numérique, ils sont ensemble depuis longtemps et toutes les équipes veulent atteindre ce point où les joueurs sont ensemble depuis longtemps. »

Ce sont des souhaits légitimes, aucun doute. Mais la soirée de samedi a rappelé que c’est un travail de longue haleine qui attend Martin St-Louis et ses patrons afin de rapprocher le Canadien de ce standard.

En hausse

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS

Michael Pezzetta

On l’a rarement autant vu en zone offensive dans un match. L’ailier chevelu a obtenu au moins trois tirs de qualité.

En baisse

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Cole Caufield

Son trio a certes connu une très forte troisième période, mais ç’avait été pénible avant ça. En excluant le match de lundi où il s’est blessé, c’est la deuxième fois de la saison qu’il n’obtient pas de tir dans un match.

Le chiffre du match

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Andrei Vasilevskiy

13-1-2

C’est la fiche d’Andrei Vasilevskiy face au Canadien. Si on ajoute la finale de 2021, le gardien du Lightning a battu le Canadien 17 fois en 21 départs.

Ils ont dit

On est meilleurs que ça pour marquer. Ça ne rentre juste pas présentement.

Martin St-Louis

On joue mieux sur la route. Ce sera bien d’y retourner. On veut bien jouer d’ici à la pause de Noël.

Nick Suzuki

Ce sont des partisans passionnés et on le sait. Comme ils sont passionnés, ils veulent qu’on joue bien. Mais quand on perd par deux ou trois buts en troisième période et qu’ils font la vague, c’est formidable.

Kaiden Guhle, sur la foule qui a fait une longue vague en troisième période

La vérité est importante dans le processus. Parfois, on est lousses défensivement, on manque des assignations. Parfois, on arrive dans des séances de vidéo et tu es le gars qui est fautif. Ça en fait partie, c’est la vérité et c’est comme ça qu’on va grandir.

Martin St-Louis

Les partisans sont géniaux ici, peu importe le score. Ils sont dans le match. Tant mieux pour eux ! C’est toujours plaisant de jouer dans ce building. Tu peux sentir les émotions dans l’air.

Steven Stamkos, au sujet de la foule qui a fait une longue vague en troisième période

Katherine Harvey-Pinard, La Presse

Dans le détail

Le moteur de Brandon Hagel

PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE

Brandon Hagel et Steven Stamkos célèbrent un but en deuxième période.

Le Canadien, comme les Blue Jackets de Columbus jeudi, a goûté à la médecine de Brandon Hagel. Pour la deuxième fois en deux matchs, l’attaquant de 24 ans a inscrit deux buts et une passe dans la victoire. Le natif de la Saskatchewan a d’abord marqué sur une échappée après seulement trois minutes de jeu. Il s’agissait du premier tir du Lightning ; le Canadien avait l’ascendant jusque-là, mais le momentum a changé de côté par la suite. Hagel en a rajouté en fin de deuxième période en faisant dévier un tir de Victor Hedman en avantage numérique. Il a également récolté une passe sur le cinquième but, celui de Nikita Kucherov. Hagel comptabilise ainsi 9 points à ses 5 derniers matchs (26 points en 30 parties). « Son moteur tourne constamment et il n’abandonne jamais une rondelle, a déclaré l’entraîneur-chef du Lightning, Jon Cooper. Il est toujours autour du but. Ç’a été l’endroit d’[Ondrej] Palat pendant plusieurs années et Hagel s’y intègre parfaitement. C’est vraiment bon pour nous. »

Une indiscipline coûteuse

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS

Anthony Cirelli

Cette fois encore, le Canadien a été très indiscipliné, accordant 14 minutes d’avantage numérique au Lightning. Ce n’était pas tout à fait la chose à faire, considérant que la troupe de Jon Cooper arrivait au Centre Bell avec un pourcentage d’efficacité de 27,1 % avec un homme en plus (6e dans la LNH). Ça a justement coûté deux buts en deuxième période. À ses quatre dernières rencontres, le CH a offert 21 supériorités numériques à l’adversaire. C’est beaucoup. « On en parle avant chacun de nos matchs, a d’ailleurs dit Nick Suzuki. […] Ça doit arrêter. On gaspille l’énergie des gars et on gâche notre momentum. » Selon Martin St-Louis, il s’agit davantage d’un problème de contrôle de bâton que de contrôle de la rondelle. « Il faut contrôler nos bâtons et ne pas placer l’arbitre dans une position où il pourrait appeler une punition, a dit l’entraîneur. Parfois, ce sont des décisions injustes, mais ça ne peut pas être seulement la faute des arbitres. C’est aussi notre faute. »

Un nouveau trio qui fait bien

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Jonathan Drouin

Martin St-Louis expliquait samedi matin vouloir « gérer » davantage la position de centre à l’approche d’une série de sept matchs à l’étranger, où il n’aura pas le dernier mot dans les changements de trio. Il a donc placé Kirby Dach au centre, flanqué de Jonathan Drouin et Juraj Slafkovsky. Les trois attaquants ne se sont peut-être pas inscrits au pointage, mais ils ont livré une honnête performance. Pour tout dire, ils ont formé le meilleur trio du Canadien dans la défaite. Ils n’étaient d’ailleurs sur la patinoire pour aucun des cinq buts de l’adversaire. Drouin et Dach ont, à eux deux, dirigé 5 rondelles au filet. St-Louis voulait d’ailleurs que les deux joueurs « s’aident » aux mises en jeu, ce qu’ils ont fait. Drouin a remporté 67 % de ses mises en jeu et Dach, 50 %.

Katherine Harvey-Pinard, La Presse