(Denver, Colorado) André Ruel se souvient du froid. C’était au printemps 2008 et notre homme était à Toruń, en Pologne. Une ville médiévale certes classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, mais pas la Mecque du hockey.

« Je prenais des notes, mais il faisait tellement froid dans l’aréna, je n’étais pas capable d’écrire ! se souvient Ruel. Pour me réchauffer, je collais mes mains sur les tuyaux d’eau chaude qui servent pour le chauffage ! »

Ruel, aujourd’hui bras droit de l’agent Pat Brisson au Québec, était alors assistant au directeur général chez les Voltigeurs de Drummondville. Que pouvait-il bien faire en Pologne ? Il allait épier un joueur qui aurait pu passer dans les mailles du système, mais qui a marqué un autre but gagnant vendredi : Ondrej Palat.

On mentionne souvent que Palat a été réclamé à la toute fin du repêchage de 2011, à sa troisième année d’admissibilité. Mais sa route était déjà compliquée avant cela.

Deuxième division

Tout commence par une histoire de relégation. La République tchèque évolue généralement dans les championnats du monde de première division, mais cette année-là, pour les moins de 18 ans, le pays recule en deuxième division.

Ruel se dirige donc vers Kazan pour le Mondial U18 de première division, afin d’y observer Dmitri Kulikov. Mais un détour en Pologne s’impose.

« Je savais que les Tchèques avaient de bons joueurs, se souvient Ruel. Une fois là-bas, j’ai envoyé un rapport à Dominic [Ricard, le DG] : “C’est un maudit bon joueur de hockey !” Mais il m’avait dit via un interprète qu’il ne voulait pas venir en Amérique du Nord, parce qu’il voulait finir l’école. Mais j’ai gardé mon rapport. »

À ce championnat, où il a 17 ans, Palat inscrit huit points en cinq matchs. « Ils n’avaient pas de compétition, ils gagnaient par 6-7 buts, contre la Lituanie et l’Ukraine. Mais lui, même à 7-0, il bloquait des tirs ! J’ai dit : “Lui, c’est un vrai.” »

Un an plus tard, le voici de retour au Mondial U18, au Dakota du Nord. Cette fois, la Tchéquie retrouve sa place en première division, mais Palat est limité à un petit point.

« L’année d’avant, il jouait au sein du premier trio même s’il était dans les plus jeunes, et là, il se ramassait sur le quatrième trio ! raconte Ruel. Je connaissais le DG des Tchèques, donc je vais le voir pour comprendre. Ondrej avait eu la mononucléose un mois avant le tournoi. Il ne devait même pas y aller, mais il a insisté. »

Ruel connaissait donc le contexte derrière les performances. Sachant que Palat était désormais disposé à traverser l’Atlantique, les Voltigeurs le réclament au 10e rang du repêchage européen de 2009. « Un recruteur du Red Line Report avait dit qu’on avait fait le pire choix de l’histoire du repêchage européen ! », se souvient Ruel.

L’adaptation

L’arrivée de Palat à Drummondville coïncide avec la première année de Denis Gauthier chez les Voltigeurs, après sa carrière de joueur.

« Ma première réaction en le voyant, c’était : “Il ne durera pas deux semaines à Drummond !”, admet l’ancien défenseur. Il faisait des exercices assez simples et il finissait à quatre pattes sur la patinoire, à bout de souffle. C’était un travaillant, mais je ne voyais pas comment il allait s’adapter. »

Mais Palat finit par trouver son rythme et termine sa première saison avec 40 points en 59 sorties. À sa deuxième année, c’est l’explosion : 96 points, aux côtés de Sean Couturier.

Mais il a 19 ans et il joue avec un des meilleurs espoirs de son année. Autant de bonnes raisons pour l’ignorer dans la LNH.

PHOTO RON CHENOY, USA TODAY SPORTS

Ondrej Palat

« On a poussé pour lui, rappelle Ruel. Guy Boucher était notre ancien coach et il était rendu à Tampa. Donc, on lui a passé le mot. Il s’est informé auprès des recruteurs, mais ils avaient Matthew Peca sur leur liste pour le septième tour.

« On rappelle Guy. Dom lui dit : “Ça ne doit pas tellement coûter cher, un choix de 7e tour.” Guy se lève, va voir Steve Yzerman, et il fait l’échange. »

Le Lightning obtient des Coyotes le 201e choix, avec lequel il sélectionne Peca. Puis, avec son propre choix, au 208e rang, Tampa met la main sur Palat.

C’est donc ce joueur qui compte maintenant 12 buts gagnants en séries, une bague de la Coupe Calder et deux de la Coupe Stanley. Avec la possibilité d’une troisième si le Lightning gagne les deux prochains matchs contre l’Avalanche du Colorado.

« Il mérite tout ce qui lui arrive, estime Gauthier. Oui, il est tombé à la bonne place au bon moment. Mais il a autant profité de cette dynastie qu’il y a contribué. Il n’a pas eu le chemin le plus facile et il a continué à se battre. C’est un exemple de détermination. À Drummondville, on est fiers de lui. On ne l’a pas oublié. »