Pendant presque 10 ans, Marc Bergevin a forgé son équipe en fonction de Carey Price. Après seulement quelques jours en poste, son successeur Kent Hughes sait lui aussi que c’est son gardien qui dictera son plan de match. À la différence qu’il n’en a pas vraiment le choix.

Dès le moment où l’ère Bergevin s’est terminée, à la fin du mois de novembre, un mot a été prononcé sur une base quotidienne dans l’espace public : reconstruction. Ni le propriétaire et président de l’organisation, Geoff Molson, ni son vice-président aux opérations hockey, Jeff Gorton, n’ont écarté cette possibilité. Et comme Gorton est déjà passé par là dans un passé récent chez les Rangers de New York, l’idée a tranquillement fait son chemin chez les amateurs.

Entrevue avec Kent Hughes : Leadership recherché L'avenir de Carey Price en suspens

Maintenant que Hughes est en poste, la haute direction du club pourra préciser l’orientation réelle qu’elle souhaite emprunter. Or, a insisté le nouveau directeur général en entrevue avec La Presse, rien ne sera décidé tant et aussi longtemps qu’on n’aura pas l’heure juste sur l’état de santé de Carey Price. C’est vrai aujourd’hui, ce le sera demain, en octobre prochain et même après.

Le gardien, rappelons-le, a subi une opération à un genou l’été dernier. Sa rééducation, qui devait d’abord durer de 10 à 12 semaines, vient d’atteindre le seuil des six mois, conséquence notamment de deux régressions. Au cours d’un point de presse, dimanche, Price a lui-même affirmé que les prochaines semaines seraient déterminantes pour ses chances d’aspirer à un retour au jeu cette saison, voire tout court. Selon son patron, il n’est pas impossible que sa carrière soit terminée.

Renfort ou pas ?

L’impact à court terme, d’abord, est on ne peut plus concret. Simplement parce que si les nouvelles sont bonnes pour Price et qu’il peut jouer d’ici quelques semaines, Hughes ne cherchera pas à renforcer son équipe devant le filet.

Le personnel d’entraîneurs du Canadien n’a pas caché, au cours des derniers jours, son désir de mieux « protéger » le jeune Cayden Primeau, dont la confiance a été ébranlée par des performances difficiles. De l’avis général, l’Américain de 22 ans gagnerait bien davantage à retourner avec le Rocket de Laval, dans la Ligue américaine, plutôt que d’accumuler les insuccès dans la LNH.

En obtenant la confirmation que Price ne reviendra pas, « on pourrait aller chercher un autre gardien au lieu de mettre Primeau dans le contexte où on le met présentement », a reconnu Hughes. Mais s’il allait de l’avant avec cette option et que Price réintégrait la formation, le Tricolore perdrait du coup de la marge de manœuvre dans sa gestion du plafond salarial et s’empêtrerait en plus d’un contrat supplémentaire.

Ce dernier détail est important : chaque équipe du circuit a droit à 50 contrats de la LNH. Le Canadien est présentement à 48, tout près de la limite.

À quelques semaines de la date limite des transactions, et avec plusieurs vétérans qui pourraient changer d’adresse, la direction veut se garder le plus de latitude possible. Même après la date butoir du 21 mars, on souhaite qu’il reste au moins une place libre pour un joueur universitaire qui désirerait faire le saut chez les professionnels après la fin de la saison de la NCAA. Le défenseur Jordan Harris, par exemple.

C’est pourquoi Hughes maintient que « si on est capables d’y arriver », il passera son tour sur un gardien de secours.

C’est d’ailleurs ce qu’il a fait tout récemment, alors qu’Aaron Dell, des Sabres de Buffalo, a été soumis au ballottage. De toute façon, les recruteurs et entraîneurs du Canadien qui le connaissaient ne voyaient pas le vétéran comme une « solution », a ajouté le DG.

« Problème »

À moyen et à long terme, Hughes est catégorique : sans certitude sur la santé de Price, il doute qu’il soit en mesure d’assembler une équipe qui aura « de bonnes chances de participer aux séries éliminatoires » la saison prochaine.

Le constat qu’il dresse n’est pas tendre : « On a un problème devant le filet : Jake Allen se blesse et on tombe au troisième ou au quatrième gardien. »

Les tribunes téléphoniques et les réseaux sociaux peuvent donc continuer à conjecturer sur toutes sortes de scénarios d’échanges impliquant Price. Mais en se prêtant à cet exercice, ils sont largement en avance sur la direction du Canadien.

Car Hughes assure qu’à la lumière de la discussion qu’il a eue avec le numéro 31 samedi, la question de son avenir, à Montréal ou ailleurs, n’a pas été abordée.

On a eu une bonne discussion, une discussion positive, mais ce qui nous intéresse avant tout, c’est de savoir s’il est en mesure de revenir en action.

Kent Hughes, directeur général du Canadien

Si la réponse est oui, Hughes pourra alors s’asseoir avec le ténébreux cerbère et évaluer ses plans d’avenir. En fonction des priorités du gardien lui-même, qui possède une clause complète de non-mouvement jusqu’à la fin de son contrat en 2026, et de celles de l’équipe, surtout si la longue route de la reconstruction était envisagée et qu’on désirait se libérer, d’une manière ou d’une autre, de son pharaonique contrat.

Si la réponse est non, le DG pourra alors commencer à considérer des solutions de rechange. Et amorcer, une fois pour toutes, l’après-Carey Price.

Avec Guillaume Lefrançois, La Presse