Le constat a été fait par nombre de journalistes et de partisans, mais il est encore plus percutant lorsque formulé par le directeur général lui-même : le leadership pose problème chez le Canadien.

C’est ce qu’a reconnu le nouveau directeur général du Canadien, Kent Hughes, en entrevue avec deux représentants de La Presse, dimanche après-midi. Au cours de cette même entrevue, il a indiqué être disposé à échanger le défenseur Jeff Petry « si ça fonctionne des deux côtés ». Nous y reviendrons.

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Mais la question du leadership était incontournable, au lendemain d’une énième dégelée (celle de 7-2 contre Edmonton samedi, pour ceux qui auraient perdu le fil).

« On entend souvent parler du manque de leadership, de ce que Shea Weber, Corey Perry, Carey Price amenaient à l’équipe. C’est certainement quelque chose qu’on va regarder cet été, comment aller chercher de l’expérience, des leaders », a indiqué Hughes.

L’absence de riposte à Zack Kassian, qui a frappé le gardien Samuel Montembeault en toute impunité, a exposé au grand jour ce manque d’esprit de corps. Petry, avec sa réponse timide, en a fait rager plus d’un.

« Mentalement, ce n’est pas facile, a convenu Hughes, dans une entrevue d’une trentaine de minutes. Il y a des joueurs comme Ben Chiarot qui sont en dernière année de contrat… Il y a une certaine incertitude, c’est difficile pour lui. On a certains joueurs qui, en ce moment, mentalement… Je ne dirais pas qu’ils ont lâché l’équipe, mais ils ne sont pas à une bonne place mentalement. On le voit sur la glace, dans le body language. On voit une certaine frustration. »

L’incident Kassian-Montembeault a évidemment retenu l’attention de l’état-major de l’équipe. Pour Jeff Gorton, vice-président exécutif des opérations hockey, il y avait certainement un air de déjà-vu.

Dans les derniers jours du mandat de Gorton comme directeur général des Rangers de New York, l’homme fort des Capitals Tom Wilson avait tabassé les attaquants Artemi Panarin et Pavel Buchnevich de façon plutôt autoritaire, soulevant des questions sur la robustesse des Rangers. Gorton a été congédié deux jours plus tard, et depuis, les Rangers ont notamment fait l’acquisition des rugueux Ryan Reaves, Samuel Blais et Barclay Goodrow.

« On avait nos réunions de dépisteurs cette fin de semaine, a expliqué Hughes. C’est une chose dont on a discuté. Jeff Gorton a parlé de ses expériences à New York, qu’il manquait aux Rangers dans leur retour à la respectabilité, ils n’avaient pas assez de toughness dans leur équipe pour protéger les jeunes. »

De l’expérience l’été prochain ?

L’incident de samedi en était un où robustesse et leadership se mêlaient. Par contre, à entendre parler Hughes, c’est bien plus de leadership que son équipe a besoin.

Un indice en ce sens : sa réponse à une de nos questions qui consistait à savoir s’il tenterait d’obtenir un autre centre afin d’épauler Nick Suzuki, qui connaît une saison en dents de scie, maintenant que Phillip Danault n’y est plus.

« Idéalement, oui. Mais on va aussi avoir besoin… On a des jeunes joueurs, comme Suzuki, même s’il a fait partie de l’équipe l’an passé, même s’il a une lettre sur son chandail [il fait partie des assistants].

« Mark Recchi, même s’il était à la fin de sa carrière, il a vraiment eu un effet sur Patrice Bergeron et Brad Marchand à Boston. Même chose pour Dave Andreychuk. Quand il était à Tampa, il était vraiment en fin de carrière. Mais son leadership, son expérience, les leçons qu’il a passées à Brad Richards, à Vincent Lecavalier, même un peu à Martin St-Louis, ça les a aidés beaucoup et ils ont progressé. »

Il sera intéressant de voir si Hughes se lancera aux trousses de Bergeron. Hughes a été l’agent de Bergeron pendant une vingtaine d’années, et le centre des Bruins, dont le leadership ne laisse aucun doute, est toujours sans contrat en vue de la saison prochaine. Il est aussi, point non négligeable, l’idole de jeunesse de Suzuki.

Disposé à échanger Petry

Même s’il fait aussi partie du groupe des assistants, Petry ne fera visiblement pas partie de la solution à ce problème de leadership.

Le défenseur n’a pas formellement demandé une transaction, assure Hughes. Mais le nouveau directeur général est disposé à l’échanger « si ça fonctionne des deux côtés ».

On rappelle le contexte. Petry connaît, et de loin, sa pire saison depuis son arrivée à Montréal, à l’hiver 2015. Il ne compte que 6 points en 37 matchs et montre un différentiel de - 7. Hors glace, il vit aussi des moments difficiles, puisque sa conjointe est repartie aux États-Unis avec leurs trois enfants, pendant les Fêtes, sous prétexte que les mesures sanitaires en place au Québec sont trop lourdes.

Sachant cela, Hughes et Gorton ont rencontré Petry lors du dernier voyage, « au Colorado ou au Minnesota », a raconté Hughes.

« On lui a dit : ‟On est conscients de ce qui se passe dans ta vie. Ce n’est pas le contexte idéal pour jouer. En même temps, tu fais partie de cette équipe. S’il y a une chance que ça fonctionne des deux côtés pour t’échanger, on va t’échanger. Mais jusqu’à ce que cette situation se présente, tu fais partie du Canadien et tu dois faire ton maximum.” »

On joue peut-être sur les mots, mais Hughes assure tout de même que le numéro 26 n’a pas demandé à être échangé. « Mais ce n’est pas un contexte idéal et en ce moment, on ne voit pas de changement à venir avec la COVID. Ce sera une relation difficile pour [Petry et sa conjointe].

En plus, Jeff n’est pas le plus jeune joueur au monde. Si ça se présente, qu’on peut améliorer l’avenir de notre équipe et améliorer les circonstances pour Jeff, on va le faire. Sinon, Jeff fait partie du Canadien.

Kent Hughes, directeur général du Canadien

Cela dit, Hughes peut bien vouloir rendre service à son joueur en l’échangeant à une équipe américaine, le contrat est un obstacle de taille. Petry écoule actuellement la première année d’un contrat de quatre ans, qui compte pour 6,25 millions de dollars sous le plafond salarial. Avec un plafond qui restera fixe ou qui augmentera à peine, plusieurs équipes sont trop coincées pour accepter un tel contrat.

Hughes a toutefois tenu à relativiser les situations difficiles que peuvent vivre certains joueurs.

« J’en parlais avec Jeff [Gorton] aujourd’hui. Je suis conscient que ce n’est pas facile pour les joueurs et les coachs. Mais en même temps, ce sont des joueurs professionnels de hockey. Il y a des gens dans la vie qui ont des circonstances pas mal plus difficiles que ce qu’on a ici à Montréal. Des fois, c’est une question de contexte. »