Les Sharks de San Jose seront cette saison l’une des pires équipes de la division Pacifique et, probablement, de l’Association de l’Ouest. Pourtant, leur pire problème n’est pas sur la glace.

La LNH a révélé lundi soir qu’Evander Kane avait utilisé une fausse preuve de vaccination contre la COVID-19 et que, conséquemment, il serait suspendu pour les 21 prochains matchs de son équipe.

Cela ne fera pas disparaître Kane de l’entourage de l’équipe, puisqu’il n’y est jamais apparu au cours des dernières semaines. Visé par trois enquêtes de la LNH, le meilleur pointeur des Sharks en 2020-2021 a été invité à rester chez lui afin de ne pas devenir une distraction pour le club.

Va pour le principe. Mais dans l’application, la seule évocation de son nom est en soi une distraction.

Pris à la gorge par des dettes de jeu, il a déclaré faillite à la fin de l’année dernière, et ce, en dépit du fait qu’il a, à ce jour, empoché plus de 55 millions de dollars dans sa carrière d’hockeyeur. Il avait cumulé des dettes de plus de 26 millions.

Révéler son addiction au jeu et ses déboires financiers a été « libérateur », avait-il confié au site The Athletic, en janvier dernier. Il n’était toutefois pas au bout de ses peines.

Au cours de l’été dernier, son ex-femme l’a accusé, par le truchement des réseaux sociaux, d’avoir parié sur ses propres matchs : première enquête à son sujet. Et des allégations de violence conjugale ont fait surface : deuxième enquête.

Dans les deux cas, les recherches de la ligue se sont révélées non concluantes. Mais Kane faisait l’objet d’une troisième enquête, dont on a appris qu’elle concernait cette fausse preuve de vaccination. Et le verdict est tombé cette semaine : coupable.

Dans un communiqué, l’organisation s’est dite « déçue » de l’agissement de son joueur. Le principal concerné, lui aussi dans une déclaration écrite, a présenté ses excuses pour l’« erreur » qu’il a commise et a affirmé que, pendant la suspension, il poursuivrait un processus thérapeutique destiné à l’aider à « prendre de meilleures décisions dans le futur ».

« Hors du radar »

Mardi matin, les Sharks se sont entraînés au Centre Bell, où ils affronteront le Canadien en soirée. C’était la première fois que joueurs et entraîneurs s’exprimaient devant les membres des médias depuis que la nouvelle de la suspension a été officialisée. À l’évidence, on commence à en avoir soupé des frasques de Kane.

Le niveau d’empathie semble au plus bas, voire nul.

D’ordinaire réservé, Marc-Édouard Vlasic a même été cinglant en affirmant que son coéquipier s’était « lui-même placé dans cette situation ».

« Ça fait plusieurs choses qui se passent avec lui, a-t-il dit en français. Il a des enjeux personnels à régler. De notre côté, on se concentre sur ce qu’on peut contrôler, c’est-à-dire notre jeu sur la glace. »

À l’opposé, le volubile Logan Couture n’avait vraisemblablement pas envie de parler de ce dossier. « Notre focus n’est pas sur Evander Kane, mais bien sur le hockey », a répété le capitaine des Sharks à au moins trois reprises.

Et Timo Meier a refusé de commenter la situation.

Aucun des trois joueurs, pourtant des vétérans établis à San Jose depuis longtemps, n’a communiqué avec Kane. Et l’entraîneur-chef Bob Boughner a dit « ne pas y avoir pensé ». Pour la vague de soutien, on repassera.

Dès le premier jour du camp d’entraînement, on s’est assuré de consacrer un minimum d’attention et d’énergie à cette situation, et ce, même si Kane est l’un des meilleurs joueurs du club.

« D’un point de vue de coaching, tu veux toujours avoir la meilleure formation sur la glace, a reconnu Boughner. Mais ç’a donné la chance à d’autres gars de se démarquer. J’ai essayé de me concentrer sur les éléments positifs. »

L’« affaire Kane » n’a pas fait l’objet d’une discussion formelle dans le vestiaire. Il est évident que les joueurs en discutent entre eux, mais avec tout le boulot à accomplir sur la glace, « ce n’était pas à moi de l’aborder dans une réunion d’équipe », a poursuivi Bougher.

Avec les leaders du groupe, on a résolu de « garder ça en dehors de notre radar ».

« On savait que ça s’en venait. Maintenant, on peut aller de l’avant. »

Et la suite ?

On peut maintenant se demander si Evander Kane sera de nouveau le bienvenu dans le vestiaire des Sharks lorsqu’il sera en mesure de jouer au début du mois de décembre.

L’organisation n’a pas encore déterminé si l’attaquant serait autorisé à s’entraîner dans les installations de l’équipe.

Boughner a indiqué que la décision de le ramener ou non dans l’entourage du club appartenait « aux propriétaires et aux gestionnaires » de l’organisation.

Ce dossier est en effet devenu un énorme caillou dans la chaussure des Sharks. Car malgré ses qualités athlétiques, Kane est carrément devenu radioactif.

Il semble virtuellement impossible de l’échanger, à plus forte raison vu la lourdeur de son contrat, dont il écoule présentement la quatrième de sept années, au salaire moyen de sept millions de dollars. Pour les mêmes raisons, racheter la portion restante n’est pas une option alléchante en raison de l’impact à prévoir sur le plafond salarial.

Vu sa situation financière personnelle, il serait surprenant qu’il consente à une résiliation de son contrat. Et vu la réputation qu’il traîne, l’envoyer dans la Ligue américaine avec les jeunes espoirs de l’organisation apparaît comme l’une des dernières options envisageables.

« On verra après la suspension », a dit Marc-Édouard Vlasic, résumant, d’une certaine manière, l’opinion généralisée voulant que cette histoire-là ne soit pas encore finie.