Il y a deux ans à peine, Ryan Poehling trônait au sommet des espoirs du Canadien avec Jesperi Kotkaniemi.

Cole Caufield, Kaiden Guhle et Mattias Norlinder n’avaient pas encore été repêchés, Alexander Romanov était toujours à Moscou, à chauffer le banc du CSKA, et Nick Suzuki demeurait un projet intéressant.

Kotkaniemi avait déjà amassé 20 points en 31 matchs à ses débuts à Montréal, début janvier, lorsque Poehling, un centre lui aussi, repêché en première ronde un an plus tôt, en 2017, recevait l’honneur ultime du Championnat mondial junior : le titre de joueur le plus utile du tournoi.

Poehling avait non seulement marqué cinq buts en huit matchs, il avait été le grand leader de l’équipe américaine, qui comptait pourtant Josh Norris, désormais le premier centre à Ottawa, Joel Farabee, 20 buts et 38 points en 55 matchs à Philadelphie l’hiver dernier, Jason Robertson, 45 points en 51 matchs à Dallas, Quinn et Jack Hughes.

À cela s’ajoutent ses trois buts, en plus de son premier but en fusillade, lors de son baptême au Centre Bell contre les Maple Leafs de Toronto en avril 2019.

Poehling n’avait pas dominé offensivement comme Cole Caufield dans la NCAA, mais il avait tout de même obtenu 31 points en 36 matchs dans chacune de ses deux dernières saisons.

On réservait presque à ce colosse de 6 pieds 2 pouces et 200 livres un poste à Montréal en 2019-2020. Mais sa première année chez les professionnels a été à ce point difficile qu’il a dégringolé dans l’estime de la direction et des fans.

Poehling a amassé 13 petits points en 38 matchs dans la Ligue américaine et à peine 2 en 27 rencontres à Montréal, où il a joué majoritairement à l’aile.

Il s’est présenté en piètre condition physique après la pause provoquée par la pandémie et a été ignoré en séries éliminatoires à l’été 2020. Il a été le seul attaquant invité dans la bulle à Toronto à ne pas disputer de match. Alex Belzile, Charles Hudon, Jordan Weal et Dale Weise ont eu ce privilège à sa place.

Voilà sans doute pourquoi son regain de vie, l’hiver dernier à Laval, est passé inaperçu. Poehling, 22 ans, a pourtant retrouvé ses bonnes habitudes de travail et s’est incrusté au poste de centre numéro un.

Après un début de saison plus timide, 4 points en 10 matchs, Poehling a été dominant par la suite : 21 points, dont 9 buts, en 18 matchs, pour terminer en tête des compteurs de l’équipe. Il a été blanchi dans seulement 3 de ses 14 rencontres.

Il faut mettre un astérisque sur cette saison puisque les équipes de la Ligue américaine étaient privées de leurs meilleurs joueurs, prêtés à l’«escouade taxi» de la LNH, mais Poehling est-il un moins bon joueur pour autant ?

Avec le départ de Jesperi Kotkaniemi, on semble pour l’instant confier le centre du troisième trio à Jake Evans, de trois ans son aîné. Evans, un choix de septième ronde en 2014, a gagné la confiance de ses entraîneurs en fin de saison.

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Jake Evans

Mais il demeure un joueur fragilisé par d’importantes commotions cérébrales et limité offensivement. En 73 matchs en carrière, incluant 13 matchs en séries éliminatoires, Evans compte 19 points, dont 6 buts.

On lui demanderait aujourd’hui de faire produire des ailiers comme Mike Hoffman et Josh Anderson, ou encore Jonathan Drouin et Brendan Gallagher, une tâche qui lui demandera d’élever son jeu à un niveau jamais atteint.

Dans un monde idéal, Evans jouerait au centre d’un trio défensif avec Artturi Lehkonen et Joel Armia, un trio important capable d’affronter les meilleurs joueurs adverses et laisser Nick Suzuki et Cole Caufield, s’ils jouent ensemble, être placés dans des situations plus offensives, puisque Christian Dvorak peut lui aussi s’acquitter de missions plus défensives.

Suzuki excelle évidemment en zone défensive, mais pourquoi ne pas lui donner le luxe de produire encore davantage offensivement en lui offrant les mises au jeu en territoire offensif à la moindre occasion ?

Dans un monde idéal, Poehling serait ce centre espéré il y a deux ans. Espéré par la direction, pas le fan, on s’entend. Marc Bergevin avait des attentes moins élevées, mais néanmoins hautes, envers le jeune homme en février 2020.

« Dans ma tête, Poehling deviendra dans quelques années ton centre de troisième trio qui va gagner des mises en jeu, qui va jouer en désavantage numérique et affronter les gros trios adverses dans une très bonne équipe de hockey », m’avait confié le DG du Canadien en entrevue.

N’est-ce pas ce que recherche justement le CH au centre derrière Nick Suzuki et Christian Dvorak ?

Les performances de Poehling au camp d’entraînement devraient nous donner des réponses assez rapidement… si évidemment on le place dans un contexte favorable.