(Saint-Jérôme) Le match du 19 novembre 2023 a marqué un tournant dans la vie et la carrière de Marc-Antoine Dequoy. Il y aura eu un avant et un après.

Le maraudeur des Alouettes de Montréal est d’abord devenu viral grâce à son discours enflammé livré quelques minutes seulement après qu’il eut mis sur sa tête sa casquette de champion de la Coupe Grey, envolée pendant laquelle il a prononcé le fameux « gardez-le votre anglais ».

Mais Dequoy a aussi changé, à sa manière, la dynamique, la culture et l’image de cette équipe ayant perdu des plumes dans la sphère publique. Capitaine officieux, mais leader d’exception, l’athlète de 29 ans s’est présenté au camp d’entraînement des Alouettes non pas avec un nouveau rôle, mais certainement avec une nouvelle aura.

De novembre à avril, Dequoy s’est fait offrir toutes les tribunes. Il a été reçu sur les plateaux de Tout le monde en parle, d’En direct de l’univers, de Ça finit bien la semaine, il a été invité au micro de Mike Ward sous écoute et de Pénélope, en plus d’avoir tourné des publicités pour Vidéotron et Super C.

« Ma vie a changé, assurément », a reconnu Dequoy en entrevue avec La Presse. Il revenait justement d’un premier bain médiatique avec les membres des médias présents à l’ouverture du camp de l’équipe, à Saint-Jérôme. Exercice qu’il répétera des dizaines de fois cette saison.

Il était en train de se déchausser lorsqu’il a avoué, plus en retrait, à quel point son quotidien avait été bousculé depuis le triomphe improbable de l’équipe contre les Blue Bombers de Winnipeg.

« Je suis beaucoup plus alerte du fait qu’on peut me reconnaître publiquement. Ce n’est pas un fardeau. Je me suis toujours dit que je voulais rester moi-même. Je veux inspirer à ma façon. Le reste, je ne change pas qui je suis pour le public. »

Si on m’aime comme je suis, tant mieux.

Marc-Antoine Dequoy

Ses qualités de communicateur et de porte-étendard sont probablement fort appréciées par les grands bonzes de l’organisation. Or, à cause de sa nouvelle notoriété, le Montréalais se sent davantage épié.

Alors sur le terrain, car c’est là qu’il brille le plus, revenir d’une saison aussi chargée viendra certainement avec son lot d’attentes et d’exigences.

« La pression, elle est là », dit-il sans se défiler.

« Moi-même, je m’impose d’exceller et de performer. J’ai mes standards. La pression va toujours être là. Maintenant, il ne faut pas se laisser affecter par ça. J’ai toujours réussi à la contrôler. C’est sûr que cette année, ce sera différent. »

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Marc-Antoine Dequoy

Comme dans le temps

Lorsqu’il s’alignait avec les Carabins de l’Université de Montréal, Marc-Antoine Dequoy était un extraterrestre dans la tertiaire. Sur la pelouse du CEPSUM, on ne voyait que lui. Son explosivité, sa patience et sa rapidité ont fait de lui un joueur dominant.

Joueur par excellence de son équipe en 2018 et en 2019 et joueur défensif de l’année du RSEQ en 2018, l’étudiant en jeux vidéo était craint de ses rivaux. Il avait même du mal à effectuer son travail, car les quarts-arrières adverses refusaient de lancer en sa direction. Lorsque c’était le cas, souvent, Dequoy retournait le ballon jusque dans l’autre zone des buts.

L’an dernier, la même tendance a commencé à se dessiner. Auteur de cinq interceptions, à égalité au deuxième rang de la LCF, Dequoy a été en mesure de changer l’allure de certains matchs. On n’a qu’à se rappeler son retour d’interception sur 101 verges dans les premiers instants de la finale de l’Est contre les Argonauts de Toronto.

En fin de saison, les quarts adverses avaient la frousse de viser les zones profondes, par peur de voir leurs missiles se transformer en larcins. Toutes les équipes ont été obligées de s’adapter en cours de route, tout comme le principal intéressé.

« La différence, c’est qu’on peut jouer jusqu’à 21 matchs et c’est très difficile si tu ne lances pas vers le poteau, a révélé le maraudeur par excellence de la saison 2023. Mais je vais être honnête, ça ne me dérange pas, parce que si tu ne lances pas en profondeur, ça va être difficile de marquer. »

Si le ballon vient de moins en moins en sa direction, Dequoy doit tout de même continuer à travailler de la même manière. Il doit faire son « 1/12», nouveau concept employé par les joueurs des Alouettes pour signifier que chacun des 12 joueurs sur le terrain doit bien effectuer la tâche qui lui est demandée pour aider le collectif.

Dans le cas de Dequoy, ça se traduit en demeurant dans sa zone de couverture, en restant aux aguets, mais sans trop en faire, pour éviter de se faire prendre en décalage.

« Si tu commences à te dire qu’ils ne lancent pas de ton bord et que je sors de ma game en me dirigeant vers des endroits où je ne vais pas normalement, je vais faire une erreur et laisser le centre et les zones profondes ouverts. Il faut se contrôler et jouer en équipe. »

Pour lui, ça signifie également de penser davantage aux chiffres sur le tableau indicateur qu’à ceux de sa colonne de réussites personnelles. « Je n’ai jamais été quelqu’un qui pensait à ses statistiques. Avoir la bague [de champion] était beaucoup plus gratifiant qu’avoir été nommé meilleur maraudeur. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Marc-Antoine Dequoy

Revenir à la base

Jamais Marc-Antoine Dequoy n’a ressenti la pression de jouer pour défendre un titre chez les professionnels. De formation sous-estimée à équipe championne, les Alouettes devront jouer en se faisant rappeler ce narratif jusqu’à ce qu’ils aient disputé leur dernier match de la saison.

Plusieurs évoquent la proverbiale « cible dans le dos ». Pour l’athlète de 6 pi 3 po et 200 lb, cette étiquette vient « surtout des médias montréalais ».

Dans une ligue à neuf équipes, les choses évoluent rapidement. « Si tu regardes le classement, même s’ils nous ont mis premiers, je ne me fie pas tant à ces affaires-là. La réalité, c’est que tu ne sais jamais. J’ai entendu tous les discours. »

Avec leur succès en 2023, les Alouettes partent favoris dans l’Est, « mais être la cible ? », relance le Québécois.

« On n’a même plus la même équipe et ça bouge tellement dans la ligue. L’an passé, quand on a commencé, personne ne nous croyait dans la course et cette année, il y a huit autres équipes qui font des camps d’entraînement et qui veulent aller chercher la coupe elles aussi. »

Une fois l’entretien terminé, Dequoy a retiré chandail et épaulettes avant de rattacher sa longue crinière. Une autre journée venait de se conclure. Autre journée pendant laquelle il a fait ce qu’il sait faire le mieux : jouer au football et représenter son équipe.