Il en faut du cran pour devenir un athlète professionnel rémunéré seulement 50 $ par match. En plus d’étudier au doctorat en parallèle. C’est pourtant la vie qu’ont choisie Julien Sénéchal et Calvin Coulbury.

L’un est originaire de Gaspé. L’autre d’Austin, au Texas. Mais les deux jouent pour le Royal de Montréal et ont une passion commune pour l’ultimate frisbee.

Sénéchal termine ses études en médecine à l’Université de Montréal. Lors de notre entretien qui remonte à la mi-juillet, au café Saint-Henri dans le quartier Villeray, à Montréal, le jeune homme de 23 ans était en plein stage, en externat, en anesthésie.

Pour sa part, Coulbury, portant fièrement son maillot bleu et orange numéroté 37 du Royal, s’est lancé dans un doctorat en sciences de l’océan et de l’atmosphère, à l’Université McGill, pour étudier les changements climatiques.

Chose certaine, ce n’est pas avec leur salaire de joueur de frisbee qu’ils pourront payer leurs droits de scolarité. Les deux joueurs reçoivent 50 $ par match, le salaire minimum permis par l’American Ultimate Disc League (AUDL). Cependant, certaines équipes peuvent rémunérer leurs joueurs jusqu’à 10 000 $ par an.

Néanmoins, Sénéchal et Coulbury ne jouent pas au frisbee nécessairement pour gagner leur vie. Ils jouent pour gagner. Tout simplement.

« Pour moi, même si le salaire est peu élevé, il demeure que je n’ai pas à payer pour jouer au frisbee, parce que tout est payé. Il n’y a aucune dépense. Je peux juste jouer et gagner », affirme le Texan.

La mission du Royal

Avec les années, le Royal de Montréal est devenu la référence dans le monde du frisbee québécois. Comme les Alouettes au football ou le CF Montréal au soccer. L’équipe célébrera ses 10 ans l’année prochaine.

PHOTO CHRISTIAN FLORES, FOURNIE PAR LE ROYAL DE MONTRÉAL

Calvin Coulbury

Déjà, elle peut s’appuyer sur une base de fidèles partisans. Au centre Claude-Robillard, les gradins sont remplis. Et l’effervescence autour du club, et de la discipline, fait des petits.

Cette saison m’a fait réaliser qu’il y avait des milliers d’amateurs. Il y a un public pour ça, c’est incroyable. Ça rend très humble parce que ça oblige à travailler fort, parce qu’il y a des gens, des familles qui dépensent de l’argent pour nous voir vivre notre passion.

Calvin Coulbury

Selon le joueur de 22 ans, le Royal a deux objectifs. D’abord, performer. « On veut gagner. On veut mettre Montréal sur la carte. » Ensuite, il y a le volet événementiel. « On veut créer un spectacle, devenir un évènement pour les familles, les amis et les gens de tous les horizons. L’ambiance lors de nos matchs à domicile est électrique. »

La communauté

Sénéchal s’est mis à lancer le disque dans son patelin, en Gaspésie, entre le secondaire et le cégep. « Ç’a été un coup de foudre », raconte l’athlète de 23 ans. L’athlétisme, l’esprit d’équipe et la technique liés au sport l’ont convaincu de poursuivre dans cette voie.

PHOTO CHRISTIAN D’AUTEUIL, FOURNIE PAR LE ROYAL DE MONTRÉAL

Julien Sénéchal

Coulbury a lui aussi été séduit par la communauté du frisbee dès son entrée dans le milieu. « Ma famille n’avait jamais été très impliquée dans le sport, et la communauté du frisbee était vraiment très différente des autres sports. C’est ce qui m’a attiré et qui m’a retenu. »

Selon lui, « au Québec, au Canada, la culture frisbee est vraiment plus développée chez les jeunes qu’au Texas ». Ici, il fait allusion à l’ouverture, à la diversité et à l’accessibilité.

Même s’ils adorent leur sport, les études demeurent prioritaires. Toutefois, leurs ambitions seraient tout autres si le frisbee leur permettait de payer leur loyer.

« Je pense que si j’avais un salaire décent, je m’engagerais à 100 %, parce que j’aime trop ça », dit Sénéchal. Jusqu’à ce que ce jour vienne, cependant, il compte prioriser ses études en médecine. « Ça prend certains sacrifices, mais l’école reste la priorité. »

Lors de son dernier stage, il a pourtant dû s’absenter pendant une semaine complète en raison des Championnats du monde U24. « Souvent, [les professeurs] comprennent parce que c’est l’équipe nationale. »

En plus de leur match du week-end, les joueurs du Royal sont au terrain d’entraînement deux fois par semaine, en soirée, et en salle de musculation trois ou quatre fois par semaine.

« Le frisbee représente un engagement important et je pense que ça montre à quel point le Royal, c’est du sérieux », souligne Coulbury.

Pendant l’heure qu’a duré cette rencontre, toutes les questions ont été posées en français, malgré la présence du Texan autour de l’imposante table en bois. Coulbury a appris à comprendre et à parler la langue de Vigneault au lycée français, avant d’arriver au Canada.

C’est pourquoi il a choisi de s’intégrer dans la culture d’ici en faisant ce qu’il sait faire de mieux : « On le fait pour l’amour du jeu, pour l’amour du Royal et on essaye de bâtir quelque chose de permanent pour Montréal et pour le Québec. »