La deuxième Vuelta Feminina s’élancera avec un contre-la-montre par équipes de 16 km, dimanche, à Valence. Movistar y sera sans sa tenante du titre, Annemiek van Vleuten, partie à la retraite à la fin de la dernière année.

Pour son tour national, l’iconique formation espagnole pourra compter sur Liane Lippert, qui disputera sa première course de l’année après avoir soigné une fracture de stress à une hanche. Compte tenu de la forme incertaine de la championne allemande, la Québécoise Olivia Baril, 19e l’an dernier, pourrait hériter du rôle de leader désignée pour le classement général de l’épreuve de huit étapes.

Un tel vote de confiance est ce que la grimpeuse originaire de Rouyn-Noranda recherchait l’an dernier, mais qu’elle ne trouvait pas chez UAE Team ADQ, son ancienne équipe. Après trois années dans une écurie continentale (deuxième division), elle réalisait pourtant un rêve en se joignant à une armada du WorldTour avec de grands moyens, qu’elle voyait « assurément » atteindre le top 3 mondial en un an ou deux. Après tout, la tête de l’organisation était théoriquement la même que celle de son pendant masculin, UAE Team Emirates de Tadej Pogačar.

Olivia Baril a vite déchanté. L’interdiction faite à ses collègues masculins de s’adresser à leurs consœurs lors des activités communes a été l’un des premiers signaux contradictoires…

« Les coureurs ne nous parlaient pas et nous, on trouvait ça bien bizarre, racontait-elle la semaine dernière. Normalement, tu te parles entre coéquipiers, mais ils se sont fait dire qu’ils n’avaient pas le droit de nous parler. »

Selon son expérience, les « deux entités, féminine et masculine, étaient complètement différentes ». Elle ne s’est jamais sentie à l’aise chez UAE Team ADQ, même si elle comptait sur la présence de trois coéquipières et d’un directeur sportif italiens avec qui elle s’entendait très bien dans sa formation précédente, Valcar – Travel & Service.

« Je n’aimais vraiment, vraiment pas ça, a-t-elle insisté. Je trouvais que c’était très mal géré. Au fond, ils essayaient d’être trop organisés. Ils voulaient tout faire de façon parfaite en ne faisant rien de correct. Et les choses de base n’étaient vraiment pas là. »

Elle cite la dernière Vuelta, où quatre directeurs sportifs se succédaient d’une journée à l’autre, empêchant l’établissement d’une ligne tactique et stratégique claire. Elle ne les blâme pas ni les membres du personnel, « super compétents », reprochant plutôt à la haute direction de ne leur avoir laissé aucune marge de manœuvre.

« Les présidents qui gèrent l’équipe n’ont jamais fait de vélo de leur vie, a-t-elle décoché. Ils mènent ça comme une business, comme si nous étions une paire de jambes sur un vélo. Quand on ne fait pas une bonne course, ils ne comprennent pas pourquoi. »

C’est dur de travailler avec du monde qui ne comprend pas ce que c’est, de souffrir sur un vélo, qui n’a jamais chuté. Ils ne savent pas que tu as peur dans un peloton, que c’est difficile, qu’il y a beaucoup d’anxiété, que tu as un million d’affaires auxquelles penser.

Olivia Baril

« Complètement brûlée » vers la fin de la saison, Baril a plaidé pour ne pas participer au Tour de l’Ardèche, jugeant dangereux le manque d’encadrement sur les petites routes françaises dans ce type de course de deuxième catégorie. Ses patrons se seraient montrés insensibles à ses doléances.

« Ils m’ont dit : ah, ta santé mentale, ce n’est pas le problème de l’équipe, c’est le tien ! Et si on te demande quelque chose, tu dois atteindre les objectifs de l’équipe. Tu dois arrêter de penser à tes propres objectifs. »

Une porte s’ouvre

La vice-championne canadienne soutient avoir réclamé plusieurs fois la résiliation de son contrat de deux ans. En vain. En octobre, une porte s’est toutefois ouverte. Selon des rumeurs rapportées et commentées dans des médias, UAE Team ADQ souhaitait offrir une somme record de 1 million d’euros à la Néerlandaise Demi Vollering en vue de la saison 2025. (La gagnante du dernier Tour de France est encore au centre de nombreuses conjectures au sujet de son avenir.)

Pour arriver à ses fins, UAE aurait eu à faire de la place dans son effectif, ce qui aurait profité à Baril, selon son analyse de la situation. Son ancienne équipe lui a donné 24 heures pour annuler son entente sans pénalité, une période prolongée à 48 heures à la demande de son agent.

Movistar, qui lui avait fait de l’œil un an plus tôt, s’est tout de suite montrée intéressée. L’affaire s’est réglée en une journée. En janvier, l’équipe espagnole a annoncé la signature d’une entente de trois ans avec la résidante de Saint-Sébastien, dans le Pays basque. Celle-ci affirme que ses conditions salariales sont « beaucoup mieux » qu’avec UAE.

PHOTO FOURNIE PAR CXCLING

Olivia Baril

Malgré son expérience pénible avec les Émiratis, Olivia Baril a connu sa part de bonnes performances l’an dernier, décrochant une deuxième victoire au Gran Premio Ciudad de Eibar, une sixième place au Tour de Scandinavie et un succès d’étape au Tour de l’Ardèche.

Avec davantage de responsabilités chez Movistar, elle a levé les bras deux fois lors de courses en Espagne en début de saison. Septième du Trofeo Alfredo Binda, une WorldTour italienne, elle est arrivée avec la seconde vague de prétendantes au sommet du mur de Huy à la Flèche wallonne (12e), en Belgique, la semaine dernière.

Trois jours plus tard, une maladie lui a coupé les jambes pour la course Liège-Bastogne-Liège, qu’elle a terminée fiévreuse et enrhumée. « Je suis retournée chez moi et j’ai passé trois jours au lit, a-t-elle indiqué jeudi. Je reviens tout juste de ma première sortie, une heure et demie easy. Je me sens de mieux en mieux chaque jour et je ferai tout de même la Vuelta. »

En étant plus qu’une paire de jambes sur un vélo.

Trois autres Québécoises au départ

PHOTO @ANOUKFLESCH, TIRÉE DU SITE INSTAGRAM @MAGDELEINEVALLIERES

Magdeleine Vallières Mill

Trois autres Québécoises prendront part à la Vuelta : Magdeleine Vallières Mill, 60e l’an dernier, défendra les couleurs d’EF Education-EasyPost avec sa coéquipière Clara Émond, qui découvrira le grand tour espagnol. L’Almatoise Adèle Normand, 7e en 2023, s’alignera avec l’équipe continentale espagnole Eneicat-CMTeam. Après une excellente séquence dans les classiques ardennaises, Simone Boilard, de la formation norvégienne Uno-X Mobility, se concentrera sur de l’entraînement en altitude dans les prochaines semaines.