Deux cyclistes québécoises pourraient être sélectionnées pour les épreuves sur route des Jeux olympiques de Paris, ce qui serait une première depuis 2004.

À moins d’une surprise ou d’une malchance, Olivia Baril vivra ses premiers JO l’été prochain. Elle attend néanmoins une confirmation officielle, quelque part au début de juin, avant de se réjouir et de se consacrer à sa préparation.

L’athlète de Rouyn-Noranda vise une participation aux deux courses sur route, le contre-la-montre individuel et l’épreuve en ligne. En l’absence de chrono où les meilleures Canadiennes pourraient se mesurer d’ici la fin du processus de qualification, le 31 mai, elle souhaiterait obtenir le feu vert plus tôt.

« Je trouve ça vraiment frustrant parce qu’il y a plein de choses que je voudrais faire sur mon vélo de contre-la-montre, a exprimé Baril lors d’une entrevue récente. Si je savais que j’étais sélectionnée, j’irais tester les vêtements et l’équipement. »

Pour améliorer son aérodynamisme, elle aimerait effectuer des essais au vélodrome de Taffala, à proximité de sa résidence de San Sebastian, au Pays basque espagnol, et de la permanence de Movistar, sa formation professionnelle. Après une première expérience fructueuse l’an dernier, elle souhaiterait également retourner à la soufflerie de Silverstone, au Royaume-Uni.

Je n’ai pas tant envie d’investir temps et argent pour [une course pour laquelle] je ne suis pas assurée d’avoir une place.

Olivia Baril

Olivia Baril, qui prend part à la Vuelta qui a commencé dimanche à Valence, n’était pas reconnue pour ses prouesses à l’effort solitaire avant de se distinguer à quelques reprises l’an dernier. Son principal fait d’armes est sans doute son septième rang au contre-la-montre final du Tour de France, où elle a fait jeu égal avec quelques-unes des 10 premières au général. Médaillée d’argent aux Championnats canadiens un mois plus tôt, elle avait été surprise par la triathlonienne Paula Findlay. « J’avais voyagé la veille après le Tour de Suisse, je n’ai vraiment pas fait un contre-la-montre que je fais en temps normal », s’est-elle défendue.

Sur un parcours plus technique aux Championnats du monde en Écosse, Baril (19e) a pris sa revanche et « mis 30 secondes » à Findlay (25e). De toute manière, celle qui avait vécu un cauchemar en terminant dernière du triathlon aux JO de 2012 ne sera pas considérée pour les JO puisqu’elle ne participe pas à des courses sur route.

Même si le peloton féminin a gonflé du tiers pour arriver à parité avec celui des hommes (90), le Canada sera limité à deux partantes pour la route à Paris, plutôt que trois comme à Tokyo.

Autant que pour le contre-la-montre, Baril s’annonce incontournable comme chef d’équipe (team leader en anglais), même si elle admet ne rien tenir pour acquis avec sa fédération nationale : « Tu ne peux jamais leur faire trop confiance. »

Qui d’autre ?

La deuxième élue risque d’être plus complexe à déterminer pour les sélectionneurs, qui doivent tenir compte de la politique de nomination, des performances dans les 12 mois précédents et du parcours parisien comparable à celui d’une classique.

Alison Jackson, seule cycliste encore active qui était à Tokyo en 2021, a frappé un grand coup en remportant Paris-Roubaix au printemps 2023. Cette victoire majeure est toutefois survenue moins d’un mois avant le début de la période considérée. Depuis, la championne canadienne s’est faite discrète, en particulier dans les épreuves considérées comme déterminantes par la politique de sélection.

PHOTO THOMAS SAMSON, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Alison Jackson (à droite), le 6 avril dernier à Roubaix, en France

Simone Boilard se dessine comme l’autre candidate de choix. « Je pense que j’aurais ma place aux Olympiques, d’autant plus que je découvre en faisant plus de courses d’un jour que ça représente plus mon profil », a prudemment réagi la cycliste de Québec.

À ses yeux, la sélection de Baril est « pas mal certaine ». Elle mentionne également le nom de Jackson : « Elle a gagné Paris-Roubaix, et moi, je n’ai pas gagné une grande course comme ça dans ma carrière. »

L’athlète de 23 ans a quand même levé les bras au Grand Prix d’Oetingen, en Belgique, après une attaque à 36 kilomètres de l’arrivée. Cette victoire dans une épreuve 1.1, deuxième catégorie après le World Tour, lui avait valu un verre de bière locale qu’elle avait bu d’un trait avec une fluidité tout olympienne sur le podium.

Les Olympiques, j’en rêve, mais de façon réaliste, je ne les ai pas mis dans mes plans de la saison.

Simone Boilard

« Pour être honnête, je n’ai pas envie de penser à ça et ensuite d’être déçue. J’en ai connu, des histoires d’athlètes déçus de ne pas aller aux Olympiques. Je n’ai que 23 ans, mais j’ai vécu ma part de déceptions. Je ne veux pas m’accrocher à ça. J’essaie de le voir de l’autre sens en me disant que ce serait tellement une belle surprise ! »

Maggie Coles-Lyster est une Canadienne qui s’est distinguée malgré un calendrier sur route plus limité : 10e de Gand-Wevelgem, 26e du Tour des Flandres et 5e de la première étape du Tour UAE, trois épreuves de niveau World Tour. La Britanno-Colombienne de 25 ans fait partie de l’équipe de poursuite sur piste, ce qui n’exclut pas sa participation à la route, comme elle l’a fait aux derniers Mondiaux.

Les JO d’Athènes en 2004 sont les derniers où deux routières québécoises ont représenté le Canada. Lyne Bessette avait chuté, tandis que Manon Jutras s’était classée 30e.

Des questions chez les hommes

PHOTO BENOÎT TESSIER, ARCHIVES REUTERS

Michael Woods en 2021

Du côté masculin, la sélection ne s’annonce pas simple non plus avec seulement deux places disponibles, soit une de moins qu’en 2021, dans un peloton qui comptait 38 coureurs de plus. Michael Woods, 5e à Tokyo et gagnant d’étape au dernier Tour de France, revendique de loin les résultats les plus probants, mais le parcours n’est pas taillé pour un pur grimpeur comme lui. Sera-t-il désigné chef d’équipe… avec un seul coéquipier ? Woods s’alignera au Giro à partir du 4 mai.

Hugo Houle est le coureur le plus complet et a des références au contre-la-montre. Ses derniers mois ont été compliqués par des chutes et des ennuis de santé. Son coéquipier Guillaume Boivin détient aussi une vaste expérience et le sprint le plus tranchant. Des chutes, une infection à la COVID-19 et une intoxication alimentaire ont cependant pourri sa saison des classiques flandriennes, son terrain de jeu favori.

Le principal point d’interrogation est Derek Gee, revenu à la compétition le 9 avril après une fracture à une clavicule en février. La vedette inattendue du Giro de 2023 a largement le temps de retrouver une forme optimale d’ici les JO. Les sélectionneurs en tiendront-ils compte ?