Est-ce fuir ou rester libre ? Se retrouver ou plutôt se désengager ? Qu’est-ce que ça dit d’une relation, qu’est-ce que ça cache, aussi ? La sexologue et psychothérapeute Sylvie Lavallée décortique ce sujet aussi explosif que récurrent, dont elle a fait sa spécialité, dans un nouveau livre au titre choc, sans équivoque : Trahir.

Après Désirez-vous désirer ?, sur l’art de ranimer la flamme vacillante dans le couple, l’autrice à succès revient ces jours-ci avec un sujet moins gai : l’infidélité. Avec toute une section en mode solution sur l’art infiniment délicat de « réparer », à méditer.

Ici, pas de pitié, il y a deux camps : le « traître » et la « personne trahie », une dualité soulignée à gros traits qui peut surprendre un brin à la lecture, que l’autrice, rencontrée dans ses bureaux de Longueuil, défend cependant honorablement.

« Je reflète comment les patients se racontent : je me sens le méchant dans l’histoire, je sens que c’est moi qui porte l’odieux, etc. Oui, c’est choquant, mais c’est ça ! »

C’est un sujet frontal, un coup de poignard dans l’âme !

Sylvie Lavallée, sexologue et psychothérapeute

Son livre se veut en quelque sorte un « résumé » de ce qu’elle entend entre ses quatre murs, en s’étirant sur plus de 300 pages, pour en exposer toutes les nuances possibles, et Dieu sait s’il y en a. Si chaque histoire est unique, disons que ce canapé dans lequel nous sommes assises pour les besoins de l’entrevue en a visiblement entendu de toutes les couleurs avec le temps. « Cela fait 25 ans que je pratique, et depuis le début, je fais face à cette problématique », confirme notre volubile interlocutrice, de toute évidence habitée par son sujet.

Et pour cause : difficile de faire plus émotif. « L’infidélité, la trahison, ce sont des enjeux multiples, complexes, ça ne touche pas qu’au désir, mais à l’ambivalence relationnelle : je reste ou je pars ? Si je trompe, est-ce que je fuis, je me désengage ? », illustre-t-elle.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Sylvie Lavallée

Qu’est-ce que ça révèle et qu’est-ce que ça réveille ?

Sylvie Lavallée, sexologue et psychothérapeute

Un sujet vaste s’il en est : « L’infidélité touche toutes les sphères : l’être, son évolution, sa crise existentielle, la lourdeur du couple, les enjeux d’engagement, le désir de se donner une permission. […] Et c’est tellement touchant, ajoute-t-elle, entendre autant de personnes qui trahissent ou qui sont sur le point de le faire, se sentir si mal, coincées. […] Et pour la personne trahie, c’est tellement atroce, tellement cruel », dit aussi la thérapeute, qui cite abondamment des cas vécus et entendus dans le livre. Il faut dire qu’elle baigne quotidiennement dans trois thèmes récurrents : « la honte, le doute et la colère ». D’un côté comme de l’autre, d’ailleurs. « Pourquoi je vis ça, je ne peux pas croire que c’est moi qui fais ça […], pourquoi tu ne m’as pas empêché, etc. » Si vous êtes plongé dans ce genre de tourmente, il y a de bonnes chances que vous vous reconnaissiez dans le texte.

Réglons ici une chose : si elle vise à dresser un portrait du « traître » d’un côté, et du « voyage dans l’enfer » de la personne trahie de l’autre, Sylvie Lavallée ne se hasarde pas vers une remise en question du couple en général, ou de la monogamie en particulier. Loin de là. À nouveau, son argument se défend, même si d’autres (on pense à la thérapeute new-yorkaise Esther Perel, qui bouscule davantage le concept dans Je t’aime, je te trompe) : « Même si on est dans une société où on veut élargir les statuts matrimoniaux, reformuler ou reconfigurer les statuts conjugaux, la monogamie, c’est encore la norme », tranche-t-elle.

Le couple ouvert, le polyamour, ça reste marginal. Moi, je reflète ce qui se passe dans mon laboratoire.

Sylvie Lavallée, sexologue et psychothérapeute

« Je ne suis pas sociologue ni anthropologue, ajoute-t-elle, je fais de la psychothérapie. »

Fait à noter, et s’il fallait chercher un effet bénéfique de la trahison, c’est la communication qu’elle déclenche, constate par ailleurs la thérapeute. « Et je le dis dans le livre : les couples ne se parlent jamais autant que quand il y a découverte d’infidélité. Les choses sont nommées. C’est une des forces, si on veut y trouver un angle positif », fait-elle valoir.

Un mot pour finir sur la réparation possible, ou plutôt la « reconstruction », comme préfère dire Sylvie Lavallée, sujet épineux auquel elle s’attaque dans le dernier tiers du livre. « C’est une route qui n’est pas facile. […] Et c’est difficile pour les deux parties. » Mais elle n’en démord pas : « Cela prend la volonté des deux côtés d’honorer la relation et de comprendre ce qui est arrivé. […] Même si la personne trahie n’a pas nécessairement envie de contribuer, ajoute-t-elle. Et c’est pour ça que c’est si difficile en psychothérapie conjugale. »

Si une forme de « redéfinition » du couple est possible, après avoir entre autres nommé les tenants et aboutissements de l’affaire, avec une infinie empathie des deux parties, on comprend que pour se « choisir » chacun et à nouveau, la tâche n’est pas mince, pour reprendre de nouveau les mots de la thérapeute. C’est peu dire. D’ailleurs, non, Sylvie Lavallée ne croit pas exactement au « pardon ». « On ne passe pas par-dessus, corrige-t-elle. Je dis plutôt qu’on passe au travers. Et c’est une route pleine de nids-de-poule… »

Trahir – La blessure de la trahison amoureuse

Trahir – La blessure de la trahison amoureuse

Éditions Robert Laffont

311 pages