La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Marie*, fin vingtaine

Marie a longtemps pensé que ce n’était pas pour elle. Que toutes les femmes n’y parvenaient pas. Bref, qu’elle ne connaîtrait jamais ça. Jusqu’à 26 ans, très exactement.

Aujourd’hui, depuis qu’elle jouit, elle est surtout « fâchée » de constater à quel point le plaisir féminin demeure si peu discuté.

« Je viens juste de découvrir réellement ma sexualité, nous a-t-elle écrit au printemps dernier. Ça me révolte que l’orgasme féminin ne soit pas plus abordé ! »

Attablée dans un café de Drummondville, la jeune et coquette brunette, qui nous attend avec une page bourrée de notes calligraphiées, rayées ou soulignées, en remet. « Si je n’avais pas été chercher de l’aide, je serais encore dans mes croyances ! [...] Les gars savent ça très jeune [...], tandis que nous, les filles, ce n’est pas pareil. C’est injuste ! »

Elle n’a pas 30 ans, mais elle en a long à raconter (revendiquer ?). C’est que quand elle vit sa première relation sexuelle, autour de 15 ou 16 ans, elle n’a encore jamais exploré son corps. Elle ne s’est même jamais touchée. « C’était mort, dit-elle en nous regardant droit dans les yeux. Ça n’existait même pas dans ma tête ! [...] Je n’avais pas d’intérêt et je n’avais jamais entendu parler de ça par des gens autour de moi. »

Pourtant, Marie est visiblement une fille allumée, cultivée, curieuse. Enseignante de son état, elle a fait depuis ses recherches, lu quantité de livres et parlé du sujet à tous ses amis. « Et je suis du genre à échanger parce que c’est enrichissant ! »

Toujours est-il que sa première expérience n’est « pas tant exceptionnelle, résume-t-elle. Et évidemment, c’est tourné vers lui [le partenaire] ». L’histoire dure quelques années, et non, ça ne s’améliore pas avec le temps. « Je pensais que c’était normal... »

Quand elle se sépare, au tournant de la vingtaine, Marie se fait rapidement un nouveau petit ami. Rebelote :

Je ne me sens pas lésée, mais j’ai l’impression que c’est ça, la normalité. […] J’aime m’occuper de l’autre et je m’occupe de l’autre.

Marie

Au bout de quelque temps, monsieur la quitte. « Et ça, c’est important, dit-elle. Il m’a quitté pour aller explorer de son côté. Il n’avait pas vécu sa jeunesse. Finalement, lui n’a rien découvert, mais moi... oui ! », pouffe-t-elle d’un petit rire complice.

Elle s’explique. « Je voulais l’oublier, alors je me suis dit : moi aussi, je vais en profiter, et je me suis mise en tête de trouver un partenaire juste pour ça. » À la voir sourire ici, on devine que le résultat est positif. « Un moment charnière, confirme-t-elle. Avec lui [ce nouveau partenaire], j’ai découvert. »

Quoi, exactement ? Si sa jouissance viendra plus tard, elle découvre ici plutôt sa féminité. Ou ses besoins féminins, disons. « Avec lui, quand on le faisait, c’était une expérience. Il y avait des préliminaires, il prenait des objets, comme de la glace, il orchestrait ça. Il prenait beaucoup soin de moi. Et tout ça, c’était nouveau ! »

Nouveau, et surtout épanouissant. « J’ai vraiment aimé ça ! Quand je repense à cette époque, ça m’a redonné beaucoup confiance en moi. On dirait que je me suis découverte en tant que femme. Ça m’a fait comprendre que j’avais des besoins. » À un détail de taille près.

Dans ma tête, il y a juste certaines filles qui jouissent. Je pensais vraiment que ce n’était pas tout le monde qui avait la mécanique…

Marie

N’empêche qu’elle se laisse à l’époque tout de même aller à une certaine « liberté », sans « gestion d’émotion », avec ce type, « juste pour le plaisir ». « Une première étape importante », insiste-t-elle, avant de poursuivre son récit.

Parce qu’il est loin d’être fini. En effet, peu après, mi-vingtaine, Marie reprend avec son ex. « Dans ma tête, c’était le chum parfait, justifie-t-elle, c’est quelqu’un de très rationnel. [...]. J’avais vraiment l’impression que c’était le bon. »

Sauf qu’au lit, ça ne s’améliore pas. Alors, Marie décide de consulter. Verdict ? « Je me suis rendu compte que je n’avais pas de vie sexuelle avec moi-même, dit-elle. Alors, je me suis concentrée sur mon éveil sexuel personnel. » Enfin.

À noter qu’elle fait ce cheminement en toute transparence, partageant ses réflexions avec son copain du moment : « On était très ouverts, on parlait de tout ! »

En bonne élève, Marie s’achète des romans érotiques, un jouet vibrateur, et s’applique sagement dans la salle de bains. « Je suis très cérébrale, alors c’est passé par là. » Et puis ? Cela lui prend quelque temps, elle y « travaille fort », comme elle dit, mais finalement, victoire. « J’ai réussi ! » Elle a 26 ans. Et elle veut surtout rattraper le temps. Et puis ? Au lieu de nous détailler ses impressions, on comprend qu’elle est en mission : « J’ai voulu transposer ça à deux ! »

Sauf que ce n’est pas si simple, constate-t-elle, et surtout « pas naturel du tout ». « Et puis, j’avais de plus en plus envie de me retrouver seule dans la douche ! »

Tranquillement, Marie réalise surtout qu’elle n’est plus amoureuse. On vous épargne les détails, mais elle retrouve entre-temps un flirt de jeunesse (en toute transparence toujours, son couple se dit tout, on l’a dit !) et valide, ce faisant, que son copain du moment ne lui convient plus.

Vous suivez ? Ce n’est pas fini. En effet, Marie finit par laisser le chum en question (« une grosse décision » après une énième « thérapie », parce que notre Marie est « une fille sérieuse ! ») et se retrouve célibataire. Pas pour longtemps, puisqu’elle rencontre rapidement un nouveau joli garçon. C’était il y a un peu plus d’un an. Qui donc ? « L’inverse de mon chum. Que sexuel. Que physique. Le rationnel, il ne l’a pas pantoute. » Et puis ? « Je vais essayer, se dit-elle. Il a un corps parfait, très animal, intense ! Très à l’écoute de mon corps. Il savait exactement quoi faire. »

Cela a pris une ou deux fois et ç’a marché !

Marie

Marie rayonne. « C’était tellement intense physiquement ! sourit-elle. Je suis rendue accroc à ça ! Je ne me vois pas vivre sans sexualité maintenant ! »

Fin de l’histoire ? Pas exactement. C’est que relationnellement, ça ne marche pas. Comme quoi la bonne sexualité (aussi bonne soit-elle) ne suffit pas. « Ç’a été dur de le laisser, parce que ça se peut que je ne retrouve jamais ça, un gars aussi intense ! » N’empêche. Maintenant, elle le sait : « On a des besoins, et il faut y répondre ! » Et Marie n’est pas près de l’oublier. « Peut-être que ce que j’ai vécu peut aider quelqu’un ? »

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat

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