On le dit sans chauvinisme aucun. De tous les jeux sortis (ou attendus) en 2023, aucun ne soulève autant d’enthousiasme qu’Earth. Or, c’est un Québécois, Maxime Tardif, qui a conçu ce bijou ludique, hautement stratégique, dont la version française est arrivée sur les étalages vendredi.

Les jeux de société font partie de la vie de Maxime Tardif depuis des années. De ses premières parties de Catan à aujourd’hui, ce pharmacien de formation a amassé dans sa collection personnelle plus de 400 titres.

Se retrouvant avec beaucoup de temps libre à combler au début de la pandémie, il a répondu à une demande de sa copine, amoureuse de jardinage : concevoir un jeu de société sur les plantes. La graine était semée.

« J’ai regardé ma collection de jeux et je me suis demandé ce qui manquait pour un joueur comme moi. La réponse a été : un jeu très stratégique, un brain burner qui se joue rapidement. Pour plusieurs des jeux du genre que j’aime, comme Terraforming Mars ou Ark Nova, les parties durent rarement moins de deux heures. Je voulais plus de rapidité, mais aussi beaucoup de rejouabilité. »

Pendant deux ans, il a planché sur le prototype de son jeu, commercialisé par l’éditeur Inside Up Games et distribué au Québec par Randolph.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Pharmacien de formation, le Québécois Maxime Tardif est l’auteur d’un des jeux les plus attendus de 2023.

Mon jeu s’adresse aux joueurs initiés qui connaissent bien les jeux modernes. Ceux qui n’ont jamais joué à autre chose que Clue ou Monopoly risquent de trouver la marche haute.

Maxime Tardif, créateur du jeu Earth

« C’est un jeu de construction d’engin. Le principe est que plus la partie avance, plus le plateau du joueur devient puissant. Il faut construire le meilleur engin pour amasser le plus de points de victoire possible. »

Au départ, le jeu ressemblait à un gros bricolage, raconte Maxime Tardif. « J’ai découpé à la main des cartons de chez Bureau en gros. J’ai joué au moins 300 parties avec le prototype. La mécanique de jeu était là, mais visuellement, c’était très laid ! »

Le résidant de Québec a aussi multiplié les recherches pour trouver l’information la plus juste possible sur les plantes, les écosystèmes et les îles qui composent la matière première du jeu. « L’important pour moi était d’atteindre un bon équilibre entre les cartes de jeu, pour qu’il n’y en ait pas de trop fortes ni de trop faibles. Mais l’aspect encyclopédique du jeu reste intéressant. »

L’ensemble est suffisamment « intéressant » pour avoir suscité l’enthousiasme chez les adeptes de jeux de société. La preuve : lorsque le jeu s’est retrouvé sur la plateforme de sociofinancement Kickstarter, l’objectif affiché était de 42 000 $. En moins de deux heures, cette somme était dépassée. Au total, plus de 730 000 $ ont été amassés (et ce, en trois semaines seulement).

À l’heure actuelle, 55 000 exemplaires du jeu ont été imprimés ; le titre est offert en 18 langues, dont le japonais et le hongrois.

À la boutique Le Valet d’cœur, la gérante Rachael Hardies explique : « Il y a vraiment un buzz autour de ce jeu. On a eu 20 exemplaires de la version anglaise en avril et on les a tous vendus en deux jours. On en aurait pris plus ! On a déjà une liste d’attente pour la version anglaise et une dizaine de précommandes pour la version française, ce qui est bon pour un jeu de ce genre. »

Le monde du jeu de société étant très compétitif, avec quelque 10 000 nouveaux titres qui sortent chaque année, rien ne garantit le succès à long terme d’Earth. Mais son auteur a déjà plusieurs idées en tête pour des extensions ou des jeux dérivés plantés dans le même univers. Chose certaine : on va suivre la croissance de cette nouvelle pousse avec intérêt…

ON A TESTÉ

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Les plantes sont au cœur de la thématique du jeu Earth.

Surchauffe au cerveau. C’est la première expression qui nous vient en tête après une partie d’Earth. Le jeu imaginé par Maxime Tardif est un vrai casse-tête pour les neurones.

Voyez vous-même : il faut planter des cartes-plantes au bon endroit et au bon moment, en essayant d’atteindre un des sept objectifs qui permettent d’engranger un maximum de points. Il faut aussi assurer leur croissance, y placer des germes, faire du compost… Résultat : on ne sait pas toujours où donner de la tête !

De plus, il n’y a aucun temps mort dans Earth. Les joueurs font leur action tous au même moment, et ce, avec un minimum d’interactions entre eux. C’est peut-être un bémol pour ceux qui aiment les jeux où on peut faire des crocs-en-jambe aux adversaires. Ici, chacun joue sur son plateau de jeu, sans égard à ce que font les autres. Autre bémol, certaines cartes sont difficiles à décoder. L’ajout d’un glossaire aurait rendu la tâche plus facile aux néophytes.

Pour le reste, la thématique botanique est très bien utilisée, le matériel est de belle qualité et les parties sont si prenantes qu’on a vite envie de ressortir le jeu. Pas surprenant que le jeu reçoive des critiques dithyrambiques (notamment sur la réputée plateforme Dice Tower) et qu’il ait déjà un prix à son actif, au Royaume-Uni.

À savoir : des modes solo et en équipe sont aussi possibles.

Pour 1 à 5 joueurs de 13 ans et plus. Durée : de 45 à 90 minutes. Prix : 75 $