(Ottawa) Les incendies de forêt qui font rage un peu partout au pays risquent d’être seulement un avant-goût de ce qui nous attend pour la saison estivale. Déjà, la superficie brûlée et le nombre de foyers d’incendie sont sans précédent à la grandeur du pays pour cette période de l’année, et nous sommes encore au printemps.

D’entrée de jeu, le premier ministre Justin Trudeau y est allé d’une mise en garde en conférence de presse lundi. « Notre modélisation montre que la saison des incendies de forêt pourrait être particulièrement sévère tout au long de l’été », a-t-il averti.

Ces simulations « donnent à réfléchir », selon le ministre des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson. Les cartes dévoilées par son ministère peignent presque l’entièreté du pays en rouge foncé, ce qui signifie que le risque sera bien au-dessus de la moyenne. L’ouest du Québec et une bonne partie de l’Ontario sont en rouge pâle, ce qui veut dire que le risque d’incendie sera au-dessus de la moyenne en juillet et en août.

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De la fumée causée par les incendies de forêt a enveloppé Ottawa, lundi.

Seule exception, la partie est du Québec et les provinces de l’Atlantique, où le risque demeurera dans la moyenne.

« Cela nous montre que cette saison déjà dévastatrice pourrait bien empirer », a signalé M. Wilkinson, en prenant soin d’ajouter qu’« avec un peu de chance », ce scénario catastrophe pourrait ne pas se réaliser. Le gouvernement fédéral se prépare tout de même au pire.

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Le ministre des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson, a participé à la conférence de presse lundi par vidéo.

Chaque province et territoire devra être en alerte maximale tout au long de cette saison des incendies de forêt. Bien que ce ne soit pas encore la saison des incendies la plus grave au Canada, elle pourrait très bien le devenir si cette trajectoire se poursuit.

Jonathan Wilkinson, ministre des Ressources naturelles

Jamais n’a-t-on vu une superficie aussi grande consumée au printemps. Les flammes ont ravagé près de 3,3 millions d’hectares de forêt. À ce jour, on a dénombré 2214 incendies qui se sont déclenchés beaucoup plus tôt qu’à l’habitude en raison du temps chaud et sec.

La plupart de ces incendies sont éteints, mais 413 sont présentement actifs, dont 249 sont considérés comme non maîtrisés. « La situation est dynamique et les chiffres changent même toutes les heures », a indiqué Mike Norton, directeur du Centre de foresterie du Nord, un centre de recherche du ministère des Ressources naturelles, lors d’une séance d’information.

La carte fédérale la plus récente montre des foyers d’incendie dans presque toutes les provinces et territoires, à l’exception de l’Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve-et-Labrador et le Nunavut. Les fonctionnaires ont indiqué que la situation la plus critique se trouve au Québec, où de nombreux incendies ont été déclenchés par la foudre.

« C’est une période effrayante pour beaucoup de gens »

En tout, 26 206 personnes sont actuellement évacuées dans cinq des dix provinces canadiennes et l’un des trois territoires. Depuis le début de l’année, ce sont 120 000 personnes qui ont dû quitter leur domicile à un moment ou à un autre en raison des incendies de forêt.

« C’est une période effrayante pour beaucoup de gens non seulement en Alberta, mais dans tout le pays, y compris dans l’Atlantique, le Nord et le Québec également », a reconnu M. Trudeau. Il a réitéré l’appui d’Ottawa aux provinces et aux territoires touchés.

Le gouvernement fédéral a répondu à trois demandes d’aide à ce jour, soit celles du Québec, de la Nouvelle-Écosse et de l’Alberta. Quelque 150 soldats des Forces armées canadiennes ont été déployés dans la région de Sept-Îles pour soutenir le travail de la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU).

Le gouvernement prépare des plans de contingence dans l’éventualité où il n’y aurait pas suffisamment de personnel militaire pour venir en aide aux pompiers si la situation venait à se dégrader.

« Les projections actuelles nous rassurent qu’on va avoir assez de ressources pour aider à travers le pays, mais on est toujours conscient que ça pourrait changer », a admis le premier ministre. Il a toutefois tenu à rassurer les gens en ajoutant que le gouvernement « va faire tout ce qui est nécessaire pour les protéger tout au long de l’été ».

Les provinces sont responsables de la lutte contre les incendies de forêt sur leur territoire, mais elles peuvent obtenir de l’aide du Centre interservices des incendies de forêt du Canada. Près de 200 pompiers ont ainsi été déployés dans d’autres provinces. Des pompiers des États-Unis, de la Nouvelle-Zélande et de l’Afrique du Sud sont également venus prêter main-forte. Ils sont 957 au total, et on en attend une centaine de la France.

Changements climatiques : Trudeau défend son approche

Le plan du Canada pour lutter contre les changements climatiques est « parmi les plus ambitieux », a fait valoir Justin Trudeau lorsqu’une journaliste lui a demandé lundi pourquoi son gouvernement continuait d’approuver des projets d’extraction d’énergies fossiles lorsqu’on sait qu’il y a un lien entre les changements climatiques et les incendies de forêt qui font rage un peu partout au pays. « Nous savons, étant donné le contexte international, incluant la guerre en Ukraine, qu’il y aura un besoin de combustibles fossiles et de ressources traditionnelles pour les années à venir », a-t-il ajouté. Le gouvernement s’est fixé comme cible de réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40 à 45 % sous les niveaux de 2005 d’ici 2030 et de devenir carboneutre d’ici 2050. Le Nouveau Parti démocratique, qui a réclamé un débat d’urgence sur les incendies de forêt, a critiqué au passage les subventions du gouvernement à l’industrie pétrolière et gazière. « Ça ne va pas s’améliorer, a lancé le député Alexandre Boulerice. Avec le dérèglement climatique, avec les subventions aux pétrolières que les libéraux continuent de donner, c’est sûr que la situation va s’aggraver dans les prochaines années. » Le président de la Chambre des communes a autorisé la tenue du débat lundi soir. Un peu plus tôt lors de la période des questions, les conservateurs ont continué de demander l’abolition de la taxe sur le carbone dont l’objectif est d’inciter les gens à réduire leurs émissions de GES. Ils ont employé des manœuvres dilatoires à la Chambre des communes lundi pour tenter de forcer la main du gouvernement.