(Québec) François Legault reconnaît que le Québec devra investir en protection contre les incendies pour s’adapter aux changements climatiques. Mais les grands incendies de forêt seront de plus en plus fréquents, et les communautés nordiques et l’industrie forestière devront aussi changer leurs pratiques.

« Il y a des questions à se poser. Oui, on peut dire que les changements climatiques emmènent une nécessité d’investir dans ce qu’on appelle l’adaptation aux changements climatiques. Oui, ce sont des choses sur lesquelles on se penche actuellement », a affirmé le premier ministre lors d’un point de presse à Sept-Îles.

Face à cette « tendance de fond », il estime que la flotte de vieux avions-citernes du Québec – certains appareils datent de « 40 ou 50 ans » – devra être modernisée et peut-être rehaussée. Le nombre de pilotes et de mécaniciens pourrait également augmenter dans les prochaines années. « Il va falloir poser des questions pour investir davantage », a-t-il dit.

Mais les désirs du premier ministre risquent de se buter à la dure réalité, car il n’est pas facile de mettre la main sur des Canadair CL-215 et CL-415. Le Canada n’a pas construit de ces appareils depuis 2015, et des experts déplorent une perte d’expertise à un moment où la demande augmente tant au Canada qu’à l’extérieur, selon un reportage de La Presse Canadienne.

Le Québec a même perdu son expertise en la matière, puisque Bombardier a vendu en 2016 son programme d’avions-citernes à Viking Air, une entreprise établie en Colombie-Britannique. Le petit avionneur n’a qu’une capacité de production de 10 appareils par année, et son carnet de commandes est plein jusqu’en 2030, car des pays comme la France, l’Espagne et l’Indonésie se sont déjà manifestés pour renouveler leur flotte.

Tranchées

François Legault ouvre également la porte à creuser des tranchées pour protéger certaines villes vulnérables de façon permanente. « Je disais tantôt, on fait des tranchées autour de Chibougamau. Il va falloir se poser ce genre de question là. Comment protège-t-on nos municipalités importantes au Québec ? Il y a des questions à se poser », a-t-il dit.

Ce n’est pas la première fois que le premier ministre se fait rattraper sur la question de l’adaptation aux changements climatiques. François Legault a rejeté en campagne électorale la demande des villes qui réclament l’instauration d’un « pacte vert » de 2 milliards par année pour les aider à s’adapter aux changements climatiques. Une demande réitérée lors des récentes inondations à Baie-Saint-Paul.

Changer les pratiques

Le Québec se doit d’avoir ces réflexions, estime Évelyne Thiffault, professeure au département des sciences du bois et de la forêt de l’Université Laval.

Un rapport d’Ouranos de 2022 souligne que même si les précipitations vont augmenter dans le prochain siècle en raison des changements climatiques, elle ne pourrait pas compenser la hausse des températures qui entraînera « des conditions plus sèches favorisant l’assèchement des combustibles, l’allumage des feux et une intensification des régimes de feux ».

Des cartes produites par Ressources Canada en 2016 et rapportées par Ouranos montrent bien que ces grands incendies de forêt seront de plus en plus fréquents à mesure que la planète se réchauffe.

RESSOURCES NATURELLES CANADA

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Avec le réchauffement de la planète, il y aura beaucoup plus de grands incendies de forêt partout au Canada.

Mme Thiffault fait plusieurs suggestions pour rendre la forêt plus résiliente.

  • Inclure des feuillus dans les plantations de résineux, car ces arbres brûlent moins facilement et peuvent ralentir les incendies.
  • Réduire la broussaille en récupérant ou en brûlant les branches et les cimes des arbres laissées au sol à la suite des coupes forestières à proximité des communautés et des infrastructures stratégiques pour éviter de donner du carburant aux incendies de forêt.
  • Faire des feux contrôlés pour épuiser les réserves de « carburant » qui alimentent les grands feux.

Des bâtiments moins inflammables

Ensuite, elle croit que les communautés forestières québécoises devront changer leurs façons de faire en s’inspirant d’autres endroits où les feux sont plus présents, comme l’Alberta par exemple. « Ces villes devront avoir des plans d’urgence, des plans d’évacuation plus organisés. Elles devront aménager leur territoire en conséquence, en gérant la végétation à proximité des bâtiments pour protéger les vies humaines. Il faudrait changer les règlements municipaux pour imposer certains matériaux moins inflammables pour les bâtiments », souligne-t-elle.

Les incendies de forêt retiennent l’attention à l’Assemblée nationale. Les élus de l’opposition ont pressé le gouvernement Legault de se donner les moyens pour adapter le Québec aux changements climatiques, notamment les forêts. « Notre capacité à répondre à cette situation-là est nettement insuffisante. Et l’adaptation aux changements climatiques, c’est également de prévoir ce qui se produit en ce moment », a souligné le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon.

« Les gens perdent leurs logements, leur vie est menacée, c’est très sérieux. Donc, ça veut dire aussi des questions sur l’aménagement des forêts, sur le personnel disponible, la nature de l’équipement », a-t-il lancé.

Le chef intérimaire du Parti libéral du Québec a tenu des propos similaires : « Je pense qu’il faut revisiter tout notre programme de lutte contre les changements climatiques, mais également de lutte contre les incendies de forêt. Même chose qu’on se disait, rappelez-vous quand il y avait les inondations, il faut revoir notre programme », a indiqué Marc Tanguay.

QS réclame un fonds d’urgence

De son côté, Québec solidaire a réitéré sa proposition de créer un fonds d’urgence climatique de 500 millions par année. « Ça pourrait servir effectivement à donner plus de moyens à la SOPFEU, mais ça pourrait aussi servir en prévention », a soutenu la co-porte-parole, Manon Massé.

« L’aménagement des forêts actuellement n’est pas nécessairement aidant lorsqu’arrivent des catastrophes comme celle-ci. Je pense qu’au Québec, on a les connaissances. La science sait comment aménager des forêts pour atténuer un foyer qui se déclare. On parle, par exemple, de solutions nature comme les terres humides, comme les tourbières qui jouent un rôle dans la rétention d’eau », a indiqué Mme Massé.