(Ottawa) L’expédition de la « Flottille de la liberté », cette mission humanitaire visant à acheminer de l’aide à Gaza par la mer à laquelle prennent part cinq Canadiens, dont quatre Québécois, a finalement avorté. Mais ce n’est que partie remise, assure-t-on.

« Comme les autres fois, ils (Israël) ont fait avorter à la dernière minute », a annoncé vendredi à La Presse Canadienne la docteure Nimâ Machouf, une épidémiologiste bien connue et membre de la flottille.

La Guinée-Bissau, un pays d’Afrique de l’Ouest dont deux des trois navires battaient pavillon, a annoncé aux organisateurs « qu’on va vous laisser naviguer si vous n’allez pas à Gaza », a-t-elle raconté.

Depuis Istanbul, en Turquie, d’où le groupe espérait prendre le large depuis dimanche, Mme Machouf a expliqué que de jour en jour de nouvelles « excuses » leur étaient servies pour retarder le départ, notamment que des inspections supplémentaires étaient nécessaires bien que tout était déjà en règle.

PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, LA PRESSE CANADIENNE

Justin Trudeau

Selon elle, Israël n’a « aucune intention de laisser la Palestine vivre » et se comporte comme « des pirates de la mer » en faisant pression sur des gouvernements afin d’entraver le trajet comme pour les Flottilles de la liberté des dernières années.

Plus de 500 personnes, essentiellement des humanitaires issus de près de 40 pays dans le monde, devaient prendre part à cette mission visant à briser le blocus israélien et acheminer à Gaza 5500 tonnes de nourriture et de fournitures médicales à cette population. Elles plaidaient que d’entraver leur mission est illégal en vertu du droit international.

Devant cet autre échec, les organisateurs entendent approcher d’autres pays pour naviguer sous leur drapeau, ce qui devrait prendre un certain temps.

Plutôt que de poireauter sur place, les membres canadiens, eux, reviendront au Canada. C’est « à contre-cœur », lâche au bout du fil Jean-Pierre Roy-Valdebenito, un infirmier de Québec, qui lui aussi s’apprêtait à participer à la mission.

« On commence à décanter, dit-il peu après que la décision a été prise. C’est la déception et il y a un peu de colère, mais on est déterminé. Malheureusement, c’est comme si on accepte que ça fait partie du problème général qui est celui de l’influence qu’a Israël sur beaucoup d’États. »

« Manque de courage politique »

Le premier ministre Justin Trudeau a éludé vendredi la question d’un journaliste lui demandant si le Canada a des contacts avec Israël pour assurer la sécurité de leur expédition.

M. Trudeau, qui prenait part à une conférence de presse à Bromont, en Estrie, a plutôt affirmé qu’Ottawa est « en train de pousser très fort sur Israël » pour que davantage d’aide humanitaire soit acheminée dans le territoire occupé qui est, a-t-il reconnu, « au bord de la famine, […] dans une situation absolument déplorable ».

Cette réponse dénote un « manque de courage politique » et est « à l’image » de M. Trudeau qui « dit des choses très, très générales » en répondant à une question « très simple et précise », s’est désolé la docteure Machouf qui a précédemment été candidate pour le Nouveau Parti démocratique.

Dans une lettre acheminée mardi notamment à M. Trudeau, à sa ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, et au premier ministre du Québec, François Legault, les membres de la délégation « canado-québécoise » les imploraient de faire le nécessaire pour les protéger.

Évitant la question, M. Trudeau a réitéré, comme il le fait depuis des mois, que le Canada plaide pour un cessez-le-feu, et que d’autre part le Hamas doit déposer les armes et libérer les otages.

« On a besoin de créer les conditions pour avoir la paix, la stabilité et une solution à deux États avec un État d’Israël “sécure” et un État palestinien “sécure” pour l’avenir », a-t-il poursuivi.

Ce sont de « belles paroles », a renchéri M. Roy-Valdebenito, mais elles n’apportent « rien de concret », sans compter que le premier ministre continue de présenter la situation comme une guerre alors que « c’est une situation d’occupation militaire […] qui est en train de procéder à des massacres, qui est en train de détruire des infrastructures importantes, qui fait des déplacements massifs de population ».

La ministre Joly avait indiqué mercredi dans une entrevue à une station régionale de Radio-Canada qu’elle ferait un suivi avec les organisateurs de la « flottille », mais ces derniers disent qu’ils attendent toujours le coup de fil.

Mme Machouf a affirmé qu’une autre lettre a été transmise vendredi à la ministre pour solliciter une rencontre. « Au début, on lui demandait la protection du Canada […], mais maintenant, ce qu’on va lui demander, c’est de carrément accompagner la mission parce que c’est vraiment en ligne avec la politique canadienne […] et de faire pression sur Israël pour arrêter de mettre des bâtons au niveau de ce genre de mission », a-t-elle dit.

Sur le front diplomatique, l’Égypte dit avoir envoyé vendredi une délégation en Israël dans l’espoir de négocier un accord de cessez-le-feu avec le Hamas. Le Caire a aussi averti qu’une éventuelle offensive israélienne concentrée sur la ville de Rafah, à Gaza, pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour la stabilité régionale.

Plus de 34 000 Palestiniens ont été tués, selon le ministère de la Santé de la bande de Gaza dirigée par le Hamas, dont environ les deux tiers sont des enfants et des femmes.

Israël a déclenché une opération militaire à la suite d’un raid du Hamas au début octobre au cours duquel des militants de l’organisation ont tué environ 1200 personnes, pour la plupart des civils, et fait quelque 250 otages.

Avec l’Associated Press