Les vieux vêtements font fureur, mais qui en connaît vraiment la valeur ?

Mes neveux se passionnent pour les friperies. Même que pour Noël, ils ont eu droit à une virée dans celles de la grand-ville. Ça me dépasse un peu, je l’avoue. Adolescente, je rêvais plutôt de marques connues et de jeans taille basse flambant neufs (quelle horreur).

Un changement de mentalité semble s’opérer chez beaucoup, notamment chez les jeunes générations. Que ce soit pour revaloriser le passé, épargner de l’argent ou faire des choix écologiques, le seconde-main a le vent dans les voiles. Même moi, j’ai commencé à m’y intéresser ! Mais au fil de mes explorations – avec ou sans neveux –, une question s’est rapidement imposée : comment évaluer la qualité d’un vêtement d’occasion ?

  • La boutique Palmo Goods vend principalement des vêtements de travail datant des années 1940 à 1990.

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    La boutique Palmo Goods vend principalement des vêtements de travail datant des années 1940 à 1990.

  • Palmo Goods est située avenue du Mont-Royal.

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    Palmo Goods est située avenue du Mont-Royal.

  • La boutique Palmo Goods a été fondée en 2021.

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    La boutique Palmo Goods a été fondée en 2021.

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Je vous donne un exemple concret. J’anime une émission où j’apprends à devenir manuelle (il serait plus juste d’écrire que j’essaie d’apprendre). Pour l’occasion, je cherchais une salopette, un vieux truc confortable que je pourrais tacher sans souci. J’ai fini par dénicher une combinaison d’un bleu vif.

Une fois sur le plateau de tournage, mon invité – un entrepreneur général d’origine française – a éclaté de rire en me voyant.

« Où as-tu trouvé ce bleu de travail ?

— Ce quoi ? »

Il m’a expliqué que c’était un classique ! L’habit des travailleurs, ceux de l’usine, du garage, de la construction…

— « Ah oui ? »

Quand j’ai enlevé le vêtement, j’ai observé son étiquette. « Fait en France. » De rapides recherches m’ont appris que je portais une pièce des années 1960 ou 1970, issue d’une tendance née après la révolution industrielle. J’avais, sans le savoir, acheté un morceau rempli d’histoire. Un morceau bleu Prusse, couleur de l’ouvrier.

Qui l’avait donc déniché ?

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Ashlie DeMeo et Antoine Thibodeau, cofondateurs de la boutique Palmo Goods

C’est Antoine Thibodeau et Ashlie DeMeo, cofondateurs de la boutique Palmo Goods. Depuis 2021, ils vendent surtout des vêtements de travail datant des années 1940 à 1990. Ils dégotent la majorité de ces pièces dans de grands entrepôts (dont ils gardent le secret) qui débordent de linge sur le point d’être expédié à l’étranger.

Mais comment en reconnaissent-ils la valeur ?

Grâce à la passion ! me répond Antoine. « On adore faire de la recherche, on a des livres sur l’histoire du vêtement de travail et on s’entoure de gens curieux qui aiment partager leur savoir. Ils sont contents de nous dire que tel type de poche sur telle chemise militaire a seulement été fait pendant un an et que c’est donc précieux ! »

Ashlie DeMeo ajoute que chaque pièce millésimée peut nous en apprendre beaucoup sur ceux qui nous ont précédés. Elle me parle des pantalons français des années 1940, taillés plus court pour éviter que les travailleurs ne s’enfargent dans les rails d’un chemin de fer…

« Longtemps, les gens avaient moins de moyens pour s’acheter des vêtements, donc ils devaient être très utiles ou du moins durer ! C’est pourquoi on peut trouver des pièces de 60 ans qui sont encore impeccables. Les découvertes sont sans fin. »

Les vêtements, comme de petites capsules temporelles.

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Elaine Léveillé, fondatrice de la boutique Era Vintage Wear

Elaine Léveillé collectionne les articles rétro depuis ses 8 ans. En mars 2005, elle ouvrait la boutique Era Vintage Wear, spécialisée dans les vêtements usagés revampés.

« Que ce soit du Dior ou du Gaultier, quand les coupes ne fonctionnent pas, je les transforme ! Je ne suis pas puriste… J’ai trouvé un haut victorien et je suis en train d’en faire un crop top. »

Tout ce qu’Elaine Léveillé offre est créé à partir de pièces d’occasion. Elle les déniche généralement dans des ventes de succession et s’intéresse surtout à ce qui précède la décennie 1980. La qualité de bien des pièces a ensuite diminué, selon elle.

Comment savoir qu’un vêtement mérite une seconde vie, maintenant ? J’ai recueilli les conseils des trois experts, question que vous puissiez à votre tour affiner votre regard… et impressionner vos proches lors de votre prochaine séance de magasinage.

« La première chose qu’on veut déterminer, c’est : quand l’article a-t-il été fait ? », lance Ashlie DeMeo. Un vieux morceau, plus rare et bien conservé, pourrait valoir davantage. D’ailleurs, Ashlie et Antoine ont conçu un catalogue pour répertorier la manière dont l’étiquette de différentes marques a évolué, au fil du temps. Ils peuvent ainsi rapidement dater les produits.

Ensuite, il peut être utile de savoir où l’article a été fait, croit la cofondatrice de Palmo Goods : « L’histoire du commerce en Amérique du Nord nous renseigne beaucoup sur la qualité de production. Dans les années 1970, plusieurs pays ont développé leur industrie textile. Dans les années 1980, de grandes entreprises ont compris qu’elles pouvaient concevoir les vêtements chez elles, mais les produire ailleurs. Au tournant des années 2000, on a permis aux entreprises de faire du commerce partout dans le monde. On est donc particulièrement contents quand on trouve des articles faits ici ou aux États-Unis. »

L’entrepreneure ajoute du même souffle que de bons vêtements sont faits ailleurs aussi ! Par exemple, d’excellentes laines proviennent de Chine ou d’Irlande.

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Lorsqu’on choisit un vêtement d’occasion, on doit inspecter ses marges de couture et porter une attention particulière à la qualité de confection, croit Elaine Léveillé.

Selon Elaine Léveillé, avant de choisir un truc usagé, il faut également inspecter ses marges de couture. On veut qu’il y ait un excédent de tissu autour de chacune des pièces du vêtement pour pouvoir l’adapter à notre corps et aux tendances, qui changent constamment.

« Avec le temps, les gens vont comprendre qu’être écoresponsable, c’est aussi prendre soin de nos vêtements pour pouvoir les réinventer ! »

On doit aussi porter une attention particulière à la qualité de confection, ajoute Elaine Léveillé : « Comment tombe le vêtement ? Est-ce qu’il y a des plis subtils pour les épaules, les omoplates, les coudes ? Ce qui compte, ce n’est pas ce dont ça a l’air sur le cintre, mais quand tu l’essaies. »

Tous de bons conseils pour aller chercher ce que le passé a de meilleur à nous offrir. De bons conseils qu’on peut aussi ignorer, selon la fondatrice d’Era Vintage Wear…

« À la fin, c’est un processus créatif ! Il faut faire confiance à son instinct. Si tu aimes quelque chose, c’est à toi de décider quoi en faire. »

Mes neveux ont tout compris, au fond. Juste du plaisir à l’horizon.