Trois jours avant mes 50 ans, en novembre, ma patronne m’a demandé si j’avais envie d’écrire une chronique sur la ménopause. À une autre époque, je l’aurais sûrement mal pris, mais aujourd’hui, ça m’inspire. Je rêve peut-être en couleur, mais la ménopause pourrait être une étape enviable dans la vie de toute femme.

Le sujet m’intéresse particulièrement depuis le documentaire Loto-Méno de Véro, qui est un tournant au Québec à ce propos. Parce que c’était le témoignage honnête d’une femme assez jeune qui se posait beaucoup de questions qu’on devrait toutes se poser.

Ce qui m’avait frappée dans ce documentaire est cette idée que des femmes se font probablement prescrire des médicaments pour toutes sortes de problèmes, alors que ce sont peut-être parfois les changements hormonaux qui sont en cause. Quand ma mère a accouché de moi, il y a 50 ans, elle était attachée à son lit « pour sa sécurité », et je n’en reviens pas encore. On ne traite plus les femmes enceintes comme ça, mais ça donne une bonne idée de la manière dont a dû être perçue la ménopause pendant longtemps.

Car la ménopause, j’ai l’impression que ça ressemble beaucoup à la crise de la puberté, quand le corps change. On se retrouve tout d’un coup avec des poils qui n’avaient jamais poussé à certains endroits, des boutons auxquels on pensait avoir dit adieu, des migraines, des hausses et des baisses d’énergie inattendues.

Quelque chose est en train d’arriver qui est tout à fait normal — ce qui est anormal est de ne pas soigner la souffrance possible qui peut accompagner ces transformations.

Que ce soit l’acné grave de l’ado ou la sécheresse vaginale de la ménopausée.

Depuis Loto-Méno, je suis persuadée qu’il y a maintenant plus de femmes qui parlent d’abord de leurs hormones avant leurs bobos dans le cabinet du médecin.

Suis-je en ménopause ? Difficile à dire, je ne prends pas d’hormones, mais j’ai un stérilet hormonal qui empêche les menstruations, car je souffrais beaucoup depuis la fin de ma trentaine de douleurs et de saignements abondants. Ce stérilet m’a redonné ma vie, qui n’est plus du tout réglée par les règles — pour le dire franchement, c’est une délivrance. Je ne me suis jamais sentie aussi libre. La ménopause devrait faire le même effet, à mon avis.

Mais il y a des petits signes qui ne trompent pas. Comme des sueurs nocturnes à l’occasion. Je me couche le soir avec un beau brushing, je me réveille parfois le matin avec une permanente, et je dois aller laver les draps.

C’est chiant, mais rien de très handicapant. Pour d’autres, les symptômes peuvent être très difficiles. Et ce n’est pas quelque chose qui n’appartient qu’aux quinquagénaires, car la périménopause peut commencer très tôt chez certaines. J’ai une cousine qui a eu sa ménopause à 32 ans.

C’est drôle quand j’y pense. J’ai tant désiré mes premières règles. J’avais tellement hâte, et j’étais terriblement jalouse de toutes celles à l’école qui les avaient avant moi. Je ne pouvais pas faire partie du club de celles qui s’échangeaient des serviettes hygiéniques tant que je n’avais pas taché une culotte.

Quand ma meilleure amie Élaine a eu ses menstrues avant moi, j’étais full fru. Désespérée, j’ai écrit dans mon journal intime, en essuyant mes larmes : « Mais moi, j’ai des plus gros seins. »

Inévitablement, elles ont fini par arriver, à 13 ans, et ma mère a téléphoné à toute la parenté pour annoncer que j’étais devenue une « femme ». Un peu plus et on achetait un gâteau pour célébrer ça comme pour ma première communion.

Pourquoi ne serait-ce pas la même chose quand nos règles cessent ? Une célébration ?

J’ai parlé un jour sur une plage avec une femme dans la cinquantaine qui se trouvait « moins femme » depuis qu’elle n’avait plus ses menstruations, même si elle avait mis au monde deux enfants. À ce moment-là, j’étais dans la trentaine, et pendant qu’elle me parlait de son spleen, je ne rêvais que de me faire arracher l’utérus, parce que je souffrais trois semaines par mois. En plus, elle était parfaite dans son maillot. Je l’ai trouvée stupide de penser ainsi, mais je ne lui ai pas dit. Parce que j’ai senti que ça lui faisait mal, qu’elle y croyait vraiment à cette idée tordue qu’elle devenait moins « femme », juste parce qu’elle ne saignait plus et ne pouvait plus tomber enceinte.

Le meilleur allié quand arrive la ménopause ? Les autres femmes, comme on le découvre dans le dossier de ma collègue. Celles qui n’ont pas peur d’en parler. Celles qui te donnent des trucs, et le numéro d’une bonne hormonothérapeute. Dans mon groupe d’amies qui se connaissent depuis 40 ans, c’est mon amie Élaine, toujours un pas en avant sur nous dans l’expérimentation, qui m’a conseillé le stérilet. Ces temps-ci, elle nous parle de crème hormonale, et nous sommes tout ouïe.

Le nerf de la guerre ici est l’information, le savoir, la compréhension, le partage, certainement pas le silence et la gêne.

C’est très important que nous parlions de nos hormones, les filles. Ouvertement. Parce que c’est ça, notre réalité. C’est aussi la réalité des hommes, qui vivent un SPM par jour, plutôt que par mois — je me permets des jokes de matante depuis que j’ai 20 ans, scusez-la.

Je ne sais pas encore si je vis ma ménopause, comme le chantait Clémence DesRochers, cette formidable pionnière en la matière, mais j’ai l’intention de la vivre heureuse. Et je crois qu’avec un peu d’aide des amies, et un coup de pouce de la science, ce peut être l’une des périodes les plus riches de notre existence. Voilà comment il faut l’aborder, et pourquoi il faut en parler, pour toutes les filles qui nous suivent et qui vont passer par là un jour. Je crois même que c’est un devoir de solidarité.