« Il est temps de vivre pour vous, soyez égoïstes, mesdames, car l’égoïsme, c’est la santé », lance l’autrice Corinne Maier en citant la féministe Benoîte Groult. #Me First ! Manifeste pour un égoïsme au féminin est une réflexion sur le sacrifice altruiste des femmes, écrit avec beaucoup d’humour par cette psychanalyste française qui avait publié, en 2007, No kid, 40 raisons de ne pas avoir d’enfant, un best-seller politiquement incorrect et tellement réjouissant.

À 60 ans, Corinne Maier commence une nouvelle vie. Sans enfant. « Mon fils de 27 ans a enfin quitté la maison il y a six mois, quelle libération ! », s’exclame-t-elle au bout du fil en riant. « C’est merveilleux, je revis totalement, j’ai l’impression d’être jeune et légère ! Libre ! Une libération totale, ça fait tellement de bien ! », dit-elle en précisant que sa fille de 29 ans vit en Californie et avait déjà quitté la maison il y a quelques années.

Dans #Me First ! Manifeste pour un égoïsme au féminin, Corinne Maier pense qu’il est grand temps que les femmes affirment leur droit à l’égoïsme, comme le font les hommes, car l’égoïsme peut être un chemin vers la libération.

« Pourquoi les femmes sont-elles cantonnées aux seconds rôles ? Pourquoi n’ont-elles pas le droit d’être égoïstes ? De refuser d’être au service des autres ? De refuser de passer plus de temps à s’occuper des tâches ménagères, des enfants et de leurs parents vieillissants pendant que leurs frères travaillent ? », s’interroge-t-elle.

Corinne Maier favorise l’égoïsme du vivre pour soi et non pas l’égoïsme de compétition.

Je ne souhaite pas être meilleure que les autres, au détriment des autres. Ma définition de l’égoïsme, c’est la force de se choisir, de se préférer, de s’affirmer.

Corinne Maier, autrice

L’égoïsme, chemin vers la libération

L’égoïsme au féminin bouscule les idées reçues sur la bienveillance des femmes. « L’image traditionnelle de la femme, c’est la douceur, la tendresse, l’harmonie de la famille. Les femmes accomplissent 75 % du travail de soin et d’accompagnement non rémunéré dans le monde, et elles choisissent encore beaucoup [trop] les professions liées au soin des autres, infirmières, enseignantes, éducatrices, des métiers moins bien payés, moins valorisants. Il faut encourager les jeunes femmes à se diriger vers les sciences, le génie, la technologie, les mathématiques et la finance, car elles sont encore trop peu nombreuses à s’orienter vers ces professions plus rémunératrices. Il faut développer cette conscience qu’elles peuvent s’orienter vers d’autres métiers. »

PHOTO CÉLINE NIESZAWER, FOURNIE PAR LES ÉDITIONS DE L’OBSERVATOIRE

Corinne Maier, psychanalyste et autrice de #Me First ! Manifeste pour un égoïsme au féminin

Corinne Maier explique dans son manifeste que le combat pour l’égoïsme est avant tout une lutte contre elle-même. Parce qu’au fil des années, avec la naissance de ses deux enfants en plus de son travail, elle n’a pas su revendiquer son droit à l’égoïsme. La famille, le mari et les enfants constituent des obstacles qui entravent l’évolution professionnelle des femmes.

« Il est faux de penser que c’est simplement une question d’organisation, souligne-t-elle. Les tâches ménagères et les enfants, ce sont encore largement les tâches des femmes. Il y a aussi tout ce discours sur l’enfant qui épanouit les femmes, les merveilles de la maternité alors que les contraintes éducatives ne cessent de s’alourdir et qu’être une bonne mère, telle que la société la conçoit, c’est être entièrement disponible pour ses enfants. On dit plus rarement que la paternité épanouit les hommes. »

Mais pourquoi a-t-elle eu des enfants ? « Par conformisme, je ne vois pas d’autres explications ! »

Avant, on ne pouvait pas dire qu’on ne voulait pas d’enfants, alors qu’aujourd’hui, c’est plus accepté. La nouvelle norme, ce sera de ne pas avoir d’enfants !

Corinne Maier, autrice

Un espace à soi

Dans son livre, la psychanalyste et essayiste raconte son long chemin vers l’égoïsme et donne quelques conseils aux femmes, même si elle sait que le Québec a une longueur d’avance sur la France pour le partage des responsabilités à la maison. « Choisissez bien votre partenaire de vie qui privilégie le partage des tâches et soyez paresseuses dans les tâches domestiques ! Ayez un lieu rien qu’à vous, je sais que c’est un luxe, mais si vous pouvez aménager un havre de tranquillité, que ce soit dans un cabanon dans le jardin, c’est une libération. »

Elle a d’ailleurs commencé à louer il y a quelques années à Paris une chambre de bonne, qui est devenue son refuge et qu’elle appelle son Confetti, car ce lieu est tout petit et joyeux. « C’est là que j’ai écrit ce livre, c’est là où je vis sans contrainte, où je m’isole. »

Que se passera-t-il quand les femmes arrêteront de tout faire ? « L’injonction à être solidaire repose aux deux tiers sur les épaules féminines. Et une société fondée sur le travail gratuit d’une catégorie de la population au nom de beaux principes ne mérite pas de perdurer. Sous le soleil de l’égo féminin, le monde changera. Lorsque cette société égalitaire adviendra, je me déségoïsterai, c’est promis. Mais pas avant », écrit-elle en conclusion de son manifeste.

#Me First ! Manifeste pour un égoïsme au féminin

#Me First ! Manifeste pour un égoïsme au féminin

Les Éditions de l’Observatoire

170 pages