L’engouement pour le bricolage et les loisirs créatifs est visible, notamment sur les réseaux sociaux. De nombreux convertis clament haut et fort les bienfaits positifs de leurs activités, que ce soit le tricot, la poterie ou l’aquarelle. Devrait-on s’y mettre aussi ?

Selon un sondage de l’American Psychiatric Association publié en juillet, les gens qui s’engageaient hebdomadairement dans une activité créative avaient une meilleure santé mentale. Pour diminuer leur stress et leur anxiété, 24 % d’entre eux dessinaient, peignaient ou sculptaient et 19 % bricolaient.

L’écrivaine et poète Stéphanie Filion organise plusieurs ateliers artistiques, dont du collage et des zines poétiques. Elle demande aux participantes (ce sont surtout des femmes) d’évaluer leur bien-être avant et après l’atelier. Même si ses statistiques sont à prendre avec des pincettes, souligne l’artiste, elles ont remarqué une augmentation de 24 % de leur bien-être.

Un bien-être qu’elle a elle-même redécouvert après avoir fait un épuisement professionnel. Son activité artistique de prédilection, l’écriture, demandait un peu trop d’efforts. Elle s’est donc tournée vers le collage. « J’ai vraiment renoué avec le collage, quelque chose que je faisais à l’adolescence, explique Stéphanie Filion. J’étais tellement épatée du bienfait que ça me faisait qu’à un moment donné, j’ai même laissé mon travail. » Elle partage maintenant son temps entre l’écriture, le collage et ses ateliers.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Stéphanie Filion

Pascale Germain, elle, s’est découvert une passion pour la poterie il y a sept ans. « J’étais juste tannée de manger dans des assiettes blanches fabriquées en Chine, explique l’ingénieure de formation en riant. Et puis je me suis dit, tiens, ça serait chouette de les fabriquer moi-même. » Après avoir fait des cours de poterie et loué un espace dans un atelier, elle s’est complètement équipée à la maison. Celle qui a commencé la poterie par intérêt en a vu les effets bénéfiques sur son quotidien.

Faire de la céramique, ça demande beaucoup de lâcher prise. Moi, j’aime beaucoup ce processus-là et donc quand j’ai les deux mains dans l’argile, je dirais que c’est de la méditation pleine conscience.

Pascale Germain

Une façon de déconnecter

« Être pleinement conscient de ce qui se passe et sortir de nos préoccupations, parce que les arts ont tendance à occuper tout l’espace, ça nous permet de déconnecter », précise Pierre Plante, art-thérapeute, psychologue et professeur à l’UQAM.

Lorsqu’elle se met devant son tour de poterie, Pascale Germain arrête de penser au travail et à sa « liste de choses à faire », décrit-elle. Certains psychologues ont déjà documenté cet état de flow, un état psychologique optimal qui implique concentration, absorption et plaisir.

PHOTO FOURNIE PAR SYLVIE FUSADE

Sylvie Fusade, art-thérapeute

Dès qu’on se plonge dans un loisir créatif, il y a « un effet de détente, de relaxation antistress et de réalisation de soi », précise l’art-thérapeute Sylvie Fusade.

Des bienfaits qu’on pourrait aussi trouver dans des activités sportives, souligne le psychologue Pierre Plante. Il croit toutefois qu’on peut tirer avantage de l’art, qui est avant tout un mode d’expression. « Souvent, on apprend aussi sur soi », dit-il. Sans oublier le côté ludique, un des points focaux des ateliers de Stéphanie Filion. « Les gens ont vraiment besoin du jeu dans leur vie », croit-elle.

L’importance du processus

« J’axe beaucoup mes ateliers sur la question du processus et j’essaie de faire la même chose pour moi, indique Stéphanie Filion. Donc, c’est de me ramener à ce que je fais présentement et ce qui compte, c’est de le faire. » L’écrivaine prend particulièrement plaisir à découper des images et des mots ici et là pour ses collages, « c’est comme si je ramassais des idées ».

« Souvent, les individus ont tendance à vouloir créer en faisant un plan », dit Pierre Plante, qui suggère plutôt aux gens d’expérimenter. Pourquoi ne pas essayer de laisser notre pinceau ou bien nos aiguilles nous guider pour une prochaine œuvre ? « C’est de prendre plaisir au processus et ne pas toujours chercher une finalité », dit-il.

PHOTO FOURNIE PAR PASCALE GERMAIN

L’atelier maison de poterie de Pascale Germain

Nul besoin, donc, de créer quelque chose de parfait. « Ça donne parfois autre chose que ce qu’on a en tête, ça peut nous amener à faire de belles découvertes », explique Pascale Germain. Alors que dans un premier temps, la passionnée de poterie a refait toute sa vaisselle, elle est maintenant plutôt dans l’exploration. « Parfois, je n’ai pas de projet du tout ! lance-t-elle. Je m’installe à mon tour. Et puis, ce que je pense être un vase va devenir un bol ou inversement, ça ne fonctionne pas toujours comme je veux. »

La créativité, principal moteur de ces activités, peut nous être utile dans plusieurs sphères de notre vie. « C’est quelque chose d’addictif, c’est une bonne drogue », concède Pierre Plante.

Dans le bricolage, on fait souvent avec les moyens du bord, souligne l’art-thérapeute Sylvie Fusade. On est donc obligé de trouver des solutions à des problèmes concrets.

On exerce sa créativité dans quelque chose de très simple, mais ça ouvre aussi des canaux. Après, on peut l’appliquer pour des activités plus abstraites.

Sylvie Fusade, art-thérapeute

Comme résoudre un problème dans notre vie personnelle ou bien au travail.

Prendre le temps

Comment intégrer un loisir créatif à notre quotidien ? Il faut y consacrer du temps et prioriser l’activité. « Le grand défi des gens, ce n’est pas d’avoir le matériel, c’est de se mettre du temps et de justifier de se prendre du temps pour soi », croit Stéphanie Filion.

« Moi, j’encourage vraiment les gens à plonger dans quelque chose, puis à regarder ce qui se passe et ne pas se juger », conseille Sylvie Fusade.

« On a souvent un désir, quelque chose qui nous passionne, mais on a toujours le sentiment que ce n’est pas pour nous », croit Pierre Plante, qui reconnaît que ça peut être déstabilisant au départ.

Et comment trouver une activité qui nous plaît ? Les choix sont nombreux, on peut alors expérimenter avec les matières ou les différents loisirs. Bien des cours sont aussi offerts dans des ateliers ou dans la programmation des villes. Sans oublier les vidéos sur les réseaux sociaux. Alors, on se lance ?