Notre journaliste se balade dans le Grand Montréal pour parler de gens, d’évènements ou de lieux qui font battre le cœur de leur quartier.

C’était un projet de ruelle verte, et c’est devenu un organisme phare de Montréal dont les 30 employés gèrent d’importantes subventions avec un modèle d’autogestion. Depuis novembre, Solon – qui accompagne des citoyens dans des projets qui améliorent leur milieu de vie – est enfin déménagé dans un immeuble de Rosemont dont il est copropriétaire.

« J’ai tellement hâte que la porte soit construite avec une petite cour anglaise qui donnera sur la rue. Les gens pourront s’arrêter et entrer », s’enthousiasme Alexia Wildhaber-Riley, coresponsable de l’Espace des possibles de La Petite-Patrie, un lieu de voisinage ouvert à tous et qui le sera encore davantage quand la fameuse porte qui donnera sur la rue Beaubien, tout près de Christophe-Colomb, sera installée.

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Avant, l’Espace des possibles de La Petite-Patrie se situait rue Saint-Hubert.

Pour un organisme communautaire, être propriétaire de son immeuble change tout, lui assurant une pérennité à l’abri de la spéculation immobilière. « C’est hyper important d’être ancré dans un lieu pour rejoindre ta communauté », souligne Manon Giri, coordonnatrice au développement et aux partenariats chez Solon.

Aussi du logement social

Avant de devenir copropriétaire du 6450, avenue Christophe-Colomb, Solon a créé les Ateliers de la transition socio-écologiques (ATSE) dans l’optique de partager les lieux avec d’autres organismes, dont Transition en commun, Poliflora (anciennement Miel Montréal), Village urbain et La Remise, qui aménagera un atelier de vélo et une bibliothèque d’outils.

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L’Académie Sainte-Anne, ancienne école pour filles, a été construite en 1947.

Les ATSE occupent les trois étages du bas alors que les trois du haut appartiennent à la Maison Le Parcours, qui est en train de construite 38 chambres. « C’est du logement social supervisé pour les personnes qui ont des problèmes de santé mentale », précise Alexandre Courchesne, ingénieur de formation qui est impliqué dans Solon depuis ses débuts.

La transaction s’est conclue en 2020 avec la congrégation des Sœurs de Sainte-Anne et l’aide de l’entreprise d’économie sociale Bâtir son quartier. Sans entrer dans les détails, il a fallu être patient quant au montage financier et à l’attribution de permis. Mais voilà, les propriétaires ont enfin les clés de leur maison.

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Il y aura dans ce local une cuisine collective.

L’histoire de Solon

Solon existe depuis 2015. « C’est né d’un projet entre voisins de ruelle verte, rappelle Gabrielle van Durme. On s’est mis à organiser plein d’activités : des contes pour enfants, du cinéma, une ruche… C’était vraiment de beaux moments avec des gens que nous n’avions pas nécessairement choisis. »

Des voisins, dont l’ingénieur Alexandre Courchesne, ont ensuite entrepris un projet de géothermie collective, Coop Celsius. En bâtissant leur structure à but non lucratif, ils ont eu une sorte de révélation qui a mené à la création de Solon. « Est-ce qu’on peut partager encore davantage ? Est-ce que le moteur de l’énergie communautaire peut en être un pour les changements climatiques ? »

Solon, c’est l’idée de décider ensemble et de développer le pouvoir d’agir en misant sur une action très locale.

Gabrielle van Durme

En 2019, Solon a pris de l’importance en créant en collaboration avec la Ville le projet Mobilité de quartier, qui a aidé Montréal à remporter le prix du Défi des villes intelligentes et a permis à Solon d’obtenir une subvention de 8 millions de dollars répartie sur cinq ans. Cette somme a notamment financé le déploiement du réseau LocoMotion, qui permet la location de voitures entre voisins, le tout sans soucis quant aux assurances grâce à une entente conclue avec Desjardins.

« On travaille à faire changer le système et les mentalités », fait valoir Manon Giri, qui a résilié son contrat avec sa compagnie d’assurance puisque cette dernière refusait le concept de partage de voitures.

Consultez le site de LocoMotion

Un rôle d’accompagnement

Solon a aussi créé un Espace des possibles dans le quartier Youville, à Ahuntsic. C’est là, lors d’un BBQ entre voisins tenu en mai dernier à la suite de la fermeture de l’épicerie de quartier, que nous avons appris l’existence de l’organisme en rencontrant Daphné Le Templier⁠1.

Huit mois plus tard, cette dernière nous apprend qu’un collectif d’achat alimentaire est né et qu’il est sur le point de devenir autonome. Quand un tel projet vole de ses propres ailes, c’est mission accomplie pour Solon, souligne-t-elle. Et c’est encore mieux quand l’expertise sert ensuite à d’autres puisque Solon se considère comme un accompagnateur.

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Daphné Le Templier travaille au développement des tiers-lieux chez Solon.

Chaque quartier devrait avoir un « tiers-lieu » comme l’Espace des possibles, fait valoir Daphné, en citant LESPACEMAKER, rue Hochelaga, et le 4C, à Cartierville. « On aimerait créer une alliance des tiers-lieux montréalais pour avoir un financement plus structurant », dévoile-t-elle.

Mais qu’est-ce qu’un tiers-lieu ? Une sorte de place communautaire « modulable » selon les besoins du quartier. « Ça permet de créer du tissu social et de la solidarité, renchérit Alexia Wildhaber-Riley. Et c’est un lieu où les gens peuvent exister gratuitement. »

En effet, pas besoin d’être membre ou d’acheter un café pour y passer du temps.

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Un tiers-lieu comme l’Espace des possibles est un point d’ancrage communautaire.

Un modèle d’autogestion

Non seulement les employés de Solon sont habités de convictions profondes, ils travaillent aussi sans patron. « Chez Solon, nous avons un modèle d’autogestion, en complète horizontalité, souligne la coresponsable des communications, Delphine Chalon. Nous gagnons tous le même salaire. Il y a des leaderships sur des projets, mais aucune direction. »

Il y a néanmoins des défis et des débats sains, convient-elle, mais ça permet « un véritable alignement collectif ».

C’est ce qui a attiré Alexia, qui venait d’un milieu plus militant. « L’autogestion est une révolution en soi comme façon de travailler et de prendre les décisions. C’est de l’intégrité totale », lance-t-elle.

Ça vous intéresse ? La porte de l’Espace des possibles est toujours ouverte, sans compter celle qui sera construite sous peu ! On y retournera par ailleurs pour un Repair Café.

1. Lisez l’article « Plus qu’une simple fermeture d’épicerie »