La cinquantaine, c’est l’heure des bilans. C’est une angoisse existentielle qui plane, mais c’est aussi synonyme de liberté. On s’autorise à enfin être soi-même et à mener la vie dont on a envie. Témoignages et analyses sur ce passage, qui est tout sauf banal.

« À 50 ans, je me suis mariée et j’ai écrit mon premier livre, car je rêvais d’écrire depuis l’âge de 5 ans ! », lance Dominique Bertrand.

« C’est un âge fantastique. Tu es encore en forme, encore cute, et il y a une sagesse acquise avec les années, mais c’est évident que tu commences à regarder la vie avec une autre lorgnette, car tu n’as plus toute la vie devant toi comme avant ! Tu as des choix à faire. C’est un moment difficile, tu fais du ménage dans ta vie, dans tes amitiés, tu te demandes si tu es bien entourée et c’est le moment de quitter ton mari si ça ne va pas dans ton couple ! C’est dans la cinquantaine qu’il faut le faire, après, ce sera plus difficile ! », pense l’animatrice et ancienne mannequin de 65 ans.

Pour la thérapeute familiale et philosophe Nicole Prieur, la cinquantaine est l’âge des bilans et en même temps, l’âge de la mue, car on peut s’autoriser à changer de peau. « Il faut oser changer de vie si c’est ce qu’on souhaite depuis longtemps. On va s’affranchir, se libérer de ce qu’on a fait pour les autres, d’être le bon fils ou la bonne fille de ses parents. C’est un virage important, la cinquantaine, on voit l’échéance arriver, il y a l’angoisse de la mort, on a des doutes, on peut avoir des regrets, et on se pose des questions sur le sens qu’on va donner au reste de sa vie », explique-t-elle.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Dominique Bertrand

La travailleuse sociale Judith Petitpas, autrice de Bien vivre la crise de la quarantaine, estime que plusieurs personnes passent à travers un processus de remise en question, que ce soit dans la quarantaine ou la cinquantaine.

Un ou plusieurs évènements peuvent déclencher cette crise. Ça peut être la mort d’un parent, d’un oncle, d’une tante, d’un ami ou un problème de santé qu’on a soi-même et qui va provoquer une remise en question. On sera peut-être surpris de l’ampleur de la réflexion, car ça peut être douloureux, et très profond.

Judith Petitpas, travailleuse sociale

« C’est un âge lié à la ménopause, pour nous les femmes. Il y a des dépressions, ce qui a été mon cas, à cause de la baisse d’hormones. Il y a aussi le syndrome du nid vide, j’ai pleuré pendant deux ans quand ma fille a quitté la maison, je passais devant sa chambre vide et je pleurais ! », se souvient Dominique Bertrand. « C’est un moment charnière dans la vie. On est devant un Y, on tourne à droite ou à gauche, mais il faut savoir où on se dirige si tu veux que le restant de ta vie soit satisfaisant. C’est déstabilisant, mais positif aussi, il y a une liberté retrouvée, tu peux retourner à l’université à 50 ans pour obtenir un diplôme, faire du bénévolat. C’est l’occasion de réfléchir à ce que tu veux laisser derrière toi. »

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

André Robitaille

Du côté d’André

André Robitaille, qui célébrera ses 60 ans le 3 octobre, va devenir grand-père en décembre et vivra désormais seul, car sa fille de 20 ans quitte la maison. « Toute une année ! », s’exclame-t-il. « Dans ma cinquantaine, je me suis rendu compte que j’allais plus souvent au salon funéraire. J’ai des amis proches qui sont décédés et ça m’a beaucoup secoué. Quand un très bon ami de ton âge meurt, qu’il était en bonne santé et qu’il tombe par terre du jour au lendemain, ça change l’urgence de vivre. Je me dis que la vie est très précieuse et qu’il faut prendre soin des gens qu’on aime. »

Autre changement pour l’animateur et comédien ; se préoccuper de sa santé. « Je suis en forme, tout va bien, j’ai de la chance. Je ne me suis jamais préoccupé de ma santé, mais je vais voir le médecin plus souvent, alors que je ne me posais pas la question avant d’avoir 50 ans ! », observe-t-il.

Et si c’était une crise d’adolescence à retardement ? « Des angoisses, des inquiétudes, des questionnements, pour un homme dans la cinquantaine, ça peut être un moment où on se comporte comme un adolescent, on a besoin d’attirer l’attention, d’extravagances, de sentir qu’on peut être encore séduisant et d’être rassuré sur son identité. Pour les femmes, les questions porteront davantage sur le couple et sur le travail, avec la volonté de prendre du temps pour soi », estime Nicole Prieur, autrice de Ces trahisons qui nous libèrent.

Cette période peut être un passage difficile pour les couples.

On a eu les mêmes ambitions, les mêmes projets, les enfants, la maison et là, les besoins de chacun peuvent être très différents.

Nicole Prieur, thérapeute familiale et philosophe

« Je me suis séparé de ma conjointe [mère de leurs deux enfants] il y a quelques années, ça a fait partie de mon cheminement », confie André Robitaille. L’envie de transmettre et de léguer fait aussi partie de sa réflexion. « J’enseigne à l’école de l’humour depuis trois ou quatre ans, est-ce à cause de mon âge ? Peut-être, mais j’ai cette envie de transmettre et cette volonté de partager avec les jeunes, de les guider en toute humilité », dit-il.

Dominique Bertrand tire des leçons de sa cinquantaine. Elle a appris à s’accepter telle qu’elle est, avec ses qualités et ses défauts. « J’ai compris que j’avais un caractère de chien, ça ne changera pas, je l’ai accepté, mais en même temps, j’ai bon cœur, je suis généreuse. Nos défauts sont nos compagnons de route, il faut vivre avec, si on passe sa vie à être insatisfaite de ce qu’on est, on passe à côté de bien des choses, alors à 50 ans, c’est le temps de se dire voilà qui je suis ! Je sais que je suis plus fragile et j’ai dû apprendre à reconnaître mes limites. Il faut savoir s’aimer, et la cinquantaine donne l’occasion de s’accepter comme on est ! »

En savoir plus
  • 5 058 752 personnes
    Nombre de personnes âgée de 50 à 59 ans au Canada (13 % de la population)
    Spurce : Statistique Canada, décembre 2022